À peine quelques heures avant leur retrait de la ville de Ghaza, des soldats de l’armée sioniste ont délibérément incendié des maisons, des réserves alimentaires et une station d’épuration cruciale, selon une enquête publiée par le site Drop Site News. Ces actes de destruction, perpétrés juste après l’annonce du cessez-le-feu, s’inscrivent dans une politique systématique mise en œuvre depuis deux ans par l’armée d’occupation, consistant à brûler et raser les bâtiments palestiniens qu’elle utilise temporairement comme bases avant de se retirer. Dans la nuit du 9 au 10 octobre, immédiatement après la proclamation de l’accord de cessez-le-feu — mais avant sa validation par le cabinet sioniste —, Ghaza a été le théâtre de la plus vaste vague d’incendies volontaires documentée depuis le début de la guerre. L’organisation Drop Site News a recensé des dizaines de feux allumés par des soldats issus de plusieurs brigades, notamment Golani, Givati, Nahal et le nouveau bataillon Hashmonayim, connu pour son radicalisme religieux. Parmi les sites incendiés figure la station de traitement des eaux usées de Cheïkh Ajline, l’une des plus anciennes et des plus essentielles infrastructures hydrauliques du secteur. Son directeur, Mounzir Shablaq, a qualifié cette attaque de « coup fatal » susceptible de ramener le système d’assainissement de la ville « à la case zéro ». Il a averti que la destruction de cette installation retarderait de plusieurs années les efforts de reconstruction déjà paralysés par le blocus et les bombardements répétés. Les images et vidéos publiées par les soldats eux-mêmes sur les réseaux sociaux témoignent d’une volonté d’humiliation. On y voit des bâtiments en flammes, filmés par des militaires quittant la ville en direction du « fil jaune », ligne de séparation temporaire établie dans l’accord. Sur l’un de ces clichés, un soldat de la brigade Kfir pose devant un amas de bois en feu, accompagnant l’image d’un commentaire glaçant : « Avant de partir, nous brûlons la nourriture pour qu’elle n’arrive pas aux habitants de Ghaza. Que leurs noms soient effacés ». Ces publications ne sont pas des cas isolés. En juillet dernier déjà, le journaliste israélien Yuval Abraham avait recueilli des témoignages de soldats décrivant les pratiques d’incendie volontaire à grande échelle. L’un d’eux expliquait sans détour « Dans chaque maison arabe où nous entrions, il y avait toujours de l’huile d’olive. Nous en versions sur les canapés, sur tout ce qui pouvait brûler, puis nous mettions le feu ou lancions une grenade fumigène. C’était une pratique courante». Ce comportement s’inscrit dans une stratégie de terre brûlée qui a caractérisé les deux années de guerre menées contre Ghaza. L’objectif déclaré : rendre la bande de Ghaza « invivable », selon plusieurs responsables militaires cités dans la presse sioniste. Derrière ce langage bureaucratique se cache une politique de destruction systématique : démolition d’immeubles résidentiels, anéantissement des infrastructures civiles, et sabotage des ressources vitales telles que l’eau et la nourriture. Le cessez-le-feu récemment conclu n’a donc pas marqué la fin de la souffrance, mais plutôt l’achèvement méthodique d’un cycle de dévastation. Alors que la communauté internationale se félicite d’une trêve fragile, la ville de Ghaza se retrouve plongée dans un chaos humanitaire aggravé par la perte de ses systèmes vitaux. Les incendies délibérés témoignent moins d’une opération militaire que d’une entreprise punitive visant à effacer la vie palestinienne jusqu’à ses fondations. Sous les cendres encore fumantes, les habitants tentent de comprendre ce qui reste à sauver. Mais à Ghaza, où chaque puits, chaque arbre, chaque pain de farine porte désormais la marque du feu, la reconstruction s’annonce comme un acte de résistance autant que de survie.
M. S.