Un sondage réalisé en Allemagne par la chaîne publique ARD révèle un basculement significatif de l’opinion publique en faveur de la Palestine et d’un durcissement vis-à-vis d’Israël. Selon cette enquête, une majorité des Allemands souhaite que leur pays reconnaisse officiellement l’État de Palestine et soutienne la suspension des accords commerciaux et douaniers avec Israël proposée par l’Union européenne. D’après les résultats publiés, 55 % des personnes interrogées estiment que l’Allemagne doit reconnaître l’État de Palestine, contre seulement 20 % qui s’y opposent. Cette tendance traduit un changement d’attitude dans un pays longtemps marqué par un soutien inconditionnel à Israël, héritage de son histoire et de sa responsabilité face à la Shoah. La reconnaissance de la Palestine, déjà actée par plusieurs pays européens comme l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, gagne donc du terrain dans le débat public allemand, sous la pression de l’opinion et des organisations de la société civile. Le sondage révèle également que 55 % des participants souhaitent que Berlin appuie la proposition de l’Union européenne visant à suspendre les accords commerciaux et douaniers avec Israël. Seuls 27 % s’y opposent. Cette position traduit une exigence croissante d’aligner la politique économique de l’UE sur le respect du droit international et des droits humains. Une telle mesure, si elle était adoptée, marquerait un tournant majeur : l’accord d’association entre l’UE et Israël, en vigueur depuis 2000, offre à Tel-Aviv des privilèges commerciaux substantiels. Son gel constituerait un signal politique et diplomatique fort, répondant aux critiques sur l’impunité dont bénéficie Israël depuis le début de la guerre contre Ghaza. Au-delà des questions diplomatiques et économiques, le sondage montre une désapprobation massive de l’attitude israélienne. 63 % des Allemands considèrent que les attaques contre Ghaza ont « dépassé les limites ». Depuis le 7 octobre 2023, l’armée israélienne, avec le soutien politique et militaire des États-Unis, mène une campagne de bombardements et d’opérations terrestres qui a provoqué un bilan humain catastrophique : 66 288 Palestiniens tués, 169 165 blessés, en majorité des femmes et des enfants, selon les dernières données. À cette hécatombe s’ajoute une famine organisée, qui a déjà causé la mort de 457 Palestiniens, dont 152 enfants. L’opinion publique allemande semble désormais en décalage avec la ligne officielle du gouvernement, qui continue d’afficher un soutien quasi inconditionnel à Israël. Les pressions croissantes de la société civile, des milieux académiques et de certains partis politiques pourraient néanmoins forcer Berlin à réévaluer sa position. En montrant qu’une majorité souhaite à la fois la reconnaissance de la Palestine et des sanctions économiques contre Israël, ce sondage traduit une évolution historique dans le rapport de l’Allemagne au conflit. La question qui demeure est de savoir si le gouvernement fédéral acceptera de transformer cette opinion en acte politique, ou s’il choisira de maintenir une ligne dictée par des alliances stratégiques au détriment de la volonté de ses citoyens.
M. S.