Quelques drones tombés en Pologne ont suffi à enflammer le discours européen. Varsovie parle de menace, Bruxelles dramatise et appelle à renforcer la défense commune. Un incident qui, transformé en symbole politique, révèle la volonté de l’Union européenne d’exister par le discours alarmiste, la peur d’une agression et la surenchère.
Dans la nuit de mardi à mercredi, Varsovie a annoncé avoir neutralisé plusieurs drones qu’elle a attribués à la Russie. Le Premier ministre Donald Tusk a affirmé qu’ »ils représentaient une menace directe et a assuré être en contact constant avec ses alliés de l’OTAN », notamment le secrétaire général Mark Rutte. Cette mise en scène alarmiste s’est accompagnée d’une rhétorique d’urgence : avions polonais et alliés en vol, radars et batteries antiaériennes placés en état d’alerte maximale, policiers rapportant des débris tombés sur des habitations dans l’une des régions polonaises. À Bruxelles, le concert d’exclamations a vite enflé. L’euro-commissaire Andrius Kubilius a proposé rien de moins qu’une « muraille de drones » le long de la frontière orientale de l’Union. Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, a choisi un ton encore plus dramatique.
Elle a présenté l’incident non comme une simple intrusion, mais comme une étape majeure du conflit, affirmant qu’il s’agissait « de la plus grave violation de l’espace aérien européen par la Russie » depuis le début du conflit : « Cette nuit en Pologne, nous avons constaté la plus grave violation de l’espace aérien européen de la part de la Russie depuis le début de la guerre, et des indices portent à croire qu’il s’agissait d’un acte délibéré et non d’un accident. »
Dans la foulée, elle a appelé à augmenter les dépenses militaires, à intensifier l’aide à Kiev et à investir dans une défense européenne, insistant sur le rôle central de l’UE face au conflit qu’elle décrit comme « en phase d’escalade, et non de conclusion ».
La prudence affichée de l’OTAN
L’OTAN a confirmé la coopération technique avec la Pologne et rappelé que ses systèmes avaient réagi de concert avec ceux de Varsovie. Sa porte-parole Allison Hart a noté que de nombreux drones avaient pénétré l’espace aérien polonais et qu’ils avaient été pris en charge par la défense aérienne polonaise et celle de l’Alliance, indiquant que « des consultations serrées étaient en cours à ce sujet ». Toutefois, l’Alliance atlantique a tenu à préciser que ceet incident ne constituait pas une attaque militaire directe ». Autrement dit, l’hystérie médiatique contrastait avec une lecture plus pragmatique : éviter l’engrenage automatique d’une escalade. Minsk tempère l’incident À Minsk, la réaction a été bien différente. Le chef d’état-major Pavel Mouraveïko a expliqué que la défense biélorusse avait suivi de près les drones égarés et en avait abattu certains. Ces appareils avaient perdu leur trajectoire à cause du brouillage électronique lors d’échanges de frappes entre Moscou et Kiev. « Au cours des échanges de frappes nocturnes par drones entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, les forces opérationnelles et les moyens de défense anti-aérienne de la Biélorussie ont effectué un suivi régulier des drones déviés de leur trajectoire par les moyens de lutte radio-électronique des parties. Une partie des drones égarés a été détruite par la défense anti-aérienne de notre pays dans l’espace aérien biélorusse », a-t-il indiqué. Minsk a souligné que Varsovie avait signalé l’approche d’engins venus d’Ukraine, preuve que l’échange d’informations fonctionnait.
R. I.