Depuis près de 22 mois, le peuple palestinien de Ghaza endure l’enfer d’une guerre qui ne dit pas son nom : celle de la famine.
Tandis que les bombes s’abattent sur les hôpitaux, les écoles, les camps de réfugiés et les centres de distribution d’aide, une autre arme, tout aussi létale, poursuit silencieusement son œuvre : la privation volontaire de nourriture et de soins. La famine n’est plus un simple effet collatéral, mais bel et bien une stratégie délibérée du régime sioniste, qui utilise la faim comme un levier d’extermination lente, méthodique et assumée. Les attaques se sont intensifiées à Ghaza hier, le « camp de la faim », expression désormais tristement courante, a enregistré 15 morts supplémentaires parmi les déplacés qui attendaient une aide humanitaire. Ces attaques ciblées contre les points de distribution se multiplient : depuis l’instauration de la prétendue “Fondation humanitaire de Ghaza”, contrôlée par Israël et rejetée par l’ONU, le nombre de morts liés à la distribution d’aide dépasse les 1 422 victimes. Les images sont insoutenables : des hommes, des femmes, des enfants, abattus alors qu’ils espéraient quelques sacs de farine ou une bouteille d’eau. À Rafah, à Wadi Ghaza, à Salah Eddine, les balles pleuvent sur ceux qui tendent la main. Et pendant ce temps, 22 000 camions d’aide humanitaire restent bloqués aux postes frontières, volontairement retenus. Le bureau d’information gouvernemental de Ghaza accuse ouvertement l’armée d’occupation de mettre en œuvre une “politique systématique de famine et de chaos”, visant à briser la population civile. Samedi, seuls 36 camions d’aide ont pu pénétrer dans l’enclave. Selon les autorités locales, il en faudrait au moins 600 par jour pour répondre aux besoins minimaux. Le reste est soit bloqué, soit pillé dans un climat de désespoir soigneusement orchestré par le blocus et l’effondrement sécuritaire voulu par Israël.
Les hôpitaux débordent : “un océan de blessés”
Les blessés affluent dans des hôpitaux déjà à genoux. La bande de Ghaza, soumise à des bombardements incessants, voit ses établissements médicaux dépassés par l’ampleur des blessures et des cas de malnutrition extrême. À l’hôpital Al-Chifa, le taux d’occupation atteint 240 %, 210 % à Al-Rantissi, 180 % à Nasser et 300 % à l’hôpital arabe al-Ahli. Les couloirs sont jonchés de brancards, les sols servent de lits de fortune, les médecins travaillent sans relâche, souvent sans médicaments, ni carburant pour faire tourner les générateurs. La situation est telle que la famine devient un facteur direct de mortalité. La dernière mise à jour du ministère de la Santé fait état de 175 morts par la faim, dont 93 enfants, victimes du siège, de la malnutrition et de manque d’eau potable. Les cas de déshydratation aiguë, de diarrhées mortelles et de carences massives se comptent désormais par milliers.
L’UNRWA marginalisée, la faim politisée
Le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, dénonce une manœuvre politique visant à “punir collectivement les Palestiniens pour leur simple existence à Ghaza”. Dans une publication sur X, il accuse la “Fondation humanitaire de Ghaza”, mise en place par Tel Aviv avec un soutien américain, d’avoir des motivations politiques déguisées en aide humanitaire. Il affirme que plus de 1 400 Palestiniens sont morts de faim depuis la marginalisation de l’UNRWA, pourtant pilier de l’aide depuis des décennies. Depuis le 2 mars, l’agence onusienne est interdite d’entrée dans le territoire, sans fondement crédible, les accusations de détournement ayant été réfutées. Cette exclusion contribue à l’aggravation exponentielle de la crise humanitaire, tandis que les autorités israéliennes poursuivent leur stratégie de substitution des organismes neutres par des structures politisées.
Un génocide par la faim et le feu
Le tableau dressé par les témoignages, les ONG et les institutions médicales est accablant. À Ghaza, on ne meurt pas seulement sous les décombres. On meurt de faim, lentement, dans un silence complice. Des enfants de 6 mois, des vieillards décharnés, des familles entières vidées de leur énergie par la soif et l’angoisse. Depuis le 7 octobre 2023, plus de 209 000 Palestiniens ont été tués ou blessés, plus de 11 000 sont portés disparus, des centaines de milliers déplacés, et les signes d’une famine généralisée s’intensifient. Le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël et l’inaction de nombreuses puissances rendent ce génocide à la fois visible et impuni. Face à ce désastre humanitaire, les appels se multiplient pour l’ouverture immédiate et inconditionnelle des points de passage, la libération des aides bloquées et la reprise du rôle central de l’UNRWA. La population de Ghaza n’a plus le luxe d’attendre des négociations ou des résolutions. Elle a besoin de pain, d’eau, de soins, elle a besoin de vivre. Il ne s’agit plus d’un conflit armé. Il s’agit d’un génocide par épuisement, où chaque jour de plus coûte des vies. Refuser de nommer la famine pour ce qu’elle est une arme de guerre, c’est participer à son efficacité.
M. Seghilani