La raison de ce sujet ? Suivez-nous, vous allez comprendre. L’expression « Hadj Klouf » est très utilisée en Algérie. Tous les Algériens connaissent sa signification. Mais combien sont-ils à connaître son origine ? Mais commençons par sa signification. L’expression sonne comme une accusation. Au lieu de dire à quelqu’un « de quoi je me mêle ! » pour lui reprocher son ingérence dans les affaires du voisin, du collègue, d’un couple et plus généralement dans les affaires d’autrui. Quel qu’il soit. Il y a un mélange de commérage, d’opportunisme, de curiosité malsaine, certains vont jusqu’au trouble du comportement. À ne pas confondre avec la médiation qui concilie. La personne qui en est atteinte et toujours prompte à intervenir dans les différends entre les personnes. Personnes de la famille ou étrangères. Comme une irrésistible pulsion à s’insérer dans un litige ou situation conflictuelle qui ne concerne ni de près ni de loin, l’intrus. Quand ce trouble est isolé dans une population, cela passe inaperçu. Mais quand cela relève d’un comportement plus répandu, non seulement il devient très visible mais, de plus, il cause de fâcheux dégâts dans la population. Le lien est tout trouvé pour passer à la genèse de l’expression « Hadj Klouf ». Il s’agit d’un personnage de légende créé par un homme de lettres tunisien, Ahmed Kheireddine (1905-1967). Il a écrit toute une série sur le personnage sorti de son imagination « El Hadj Klouf ». D’abord dans des sketchs radiophoniques puis des séries télévisées en noir et blanc dans les années 60. Le journal « La presse de Tunisie » lui a consacré un article, signé par le journaliste Tahar Melligi, en 2011. Dans lequel on peut lire que « Le poète et grand homme de lettres Ahmed Kheïreddine a profondément marqué les arts tunisiens au siècle dernier.
C’est d’abord l’homme de Hadj Klouf, une série radiophonique ramadanesque culte des années 60-70. Ensuite, on lui doit un nombre considérable de paroles de chansons d’une sensibilité et d’un talent devenus rares ». Ce grand érudit, qui est à la Tunisie ce que Mustapha Toumi est à la culture algérienne, a séjourné à plusieurs reprises en Algérie. S’agissant du personnage qu’il a créé, Kheireddine dit : « La curiosité frise parfois l’indélicatesse, ou l’impolitesse, ou encore la goujaterie » rapporte le journaliste tunisien. Il ajoute « à force de s’ériger donneur de leçons ou de redresseur de torts, Hadj Klouf essuie la désapprobation et l’hostilité des gens.
Et la Tunisie entière eut longtemps, dans les années 60-70, son archétype que la légende du théâtre et de la télévision allait pérenniser.
En seulement trois mois, au début de la longue histoire, ce personnage sera joué au théâtre 22 fois. Une légende était née. Le succès de cette comédie ne se démentira plus jamais.
Chaque spectateur se reconnaissant un peu dans ce personnage hors du commun et tout à la fois très familier ». Donc, sans contestation aucune, Hadj Klouf est une légende tunisienne. Si cette légende est passée en Algérie, il faut avoir présent à l’esprit que lors de la colonisation en Algérie et du protectorat en Tunisie, les deux peuples étaient unis dans la souffrance. D’ailleurs tellement unis que Hadj Klouf est passé naturellement dans l’imaginaire algérien. Au point où beaucoup pensent que le personnage est, historiquement, algérien. En Tunisie, la notoriété de la légende est intacte. À la différence que cette « curiosité », cette « indélicatesse », ou « l’impolitesse, ou encore la goujaterie » dont parle Kheireddine existe moins aujourd’hui en Tunisie. Pour ne pas dire « n’existe plus ». C’est ce qui explique la réussite du tourisme en Tunisie. Kheireddine a « guéri » les Tunisiens du syndrome de hadj Klouf. Les scandinaves s’y sentent à l’aise pour passer leurs vacances. Les arabes du Golfe aussi. Les russes et les chinois. Bref, les Tunisiens s’adaptent à toutes les cultures du monde. Par contre Hadj Klouf sévit encore chez nous. Dans l’ensemble de l’espace public. On jauge, on juge, on sermonne, on s’immisce, …Personne n’est épargné. Ni l’étranger, ni le concitoyen. On veut que tout le monde avance au pas de l’oie. Ils étaient 3,5 millions d’algériens à avoir passé leurs vacances en Tunisie en 2024. Ils seront plus nombreux cette année. Devinez pourquoi ?
Zouhir Mebarki
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