C’est Platon qui a affirmé, à juste titre, que « la nécessité est mère de l’invention ». Comme l’ensemble des pays d’Afrique du Nord, la Tunisie souffre du stress hydrique. Chacun de ces pays lutte contre ce phénomène avec ses moyens propres. Entrent en ligne de compte, la démographie, les moyens financiers, les moyens humains qualifiés, etc. Avec, au dernier recensement, près de 12 millions d’habitants, la Tunisie peine à s’alimenter en eau potable. Que ce soit pour la consommation des ménages ou pour les besoins de son agriculture, la solution durable ne s’est pas encore dessinée. Le pays dispose de 31 barrages, mais la faible pluviométrie ne leur permet pas d’être pleinement fonctionnels. Quelques usines de dessalement d’eau de mer existent aussi grâce à la coopération avec des pays amis comme le Japon, mais le coût de cette méthode rend impossible la multiplication des usines utilisant cette méthode. C’est pourquoi, les Responsables tunisiens cherchent d’autres méthodes plus adaptées aux conditions démographique et financière avantageuses. Lundi dernier, Le ministre de l’Agriculture, Azzeddine Ben Cheïkh, a annoncé, dans une déclaration à la presse, le lancement de la première expérience tunisienne d’ensemencement artificiel des nuages appelée également « pluie provoquée ». Il a précisé qu’elle a été réalisée le 16 avril 2025 dans le bassin du barrage de Sidi Salem qui est le plus grand barrage en Tunisie. Il se trouve à 8 km de la ville de Testour, elle-même située à 77 km au Sud-Ouest de Tunis. Le ministre tunisien a également précisé que « cette initiative a été menée en collaboration avec les ministères de la Défense nationale et du Transport, dans le but de lutter contre la pénurie d’eau ». On comprend que c’est là une opération touchant directement la sécurité hydrique aux ramifications et répercussions nombreuses. Ceci dit, il est intéressant de se pencher sur cette technique qui consiste à agir sur les nuages pour obtenir le précieux liquide. Si l’opération a été lancée en Tunisie le 16 avril dernier, son évaluation est toujours en cours. C’est la partie la plus importante de cette technique car elle consiste à introduire des substances chimiques dans les nuages pour favoriser la condensation des gouttelettes d’eau jusqu’à obtenir une précipitation. Plus importante pour mesurer les retombées de ces substances chimiques mélangées à l’eau de pluie. Ces substances sont la neige carbonique que tout le monde connait du fait qu’elle est utilisée par les vendeurs de glaces pour leur conservation maximum. Il y a également l’iodure d’argent qui est une substance utilisée comme antiseptique local et dans le domaine de la photographie. C’est une substance toxique. Et donc qui risque de se retrouver dans la pluie provoquée et destinée à l’agriculture ou à la consommation directe. L’ensemencement n’est pas une technique nouvelle. Elle a été découverte en 1948 aux États-Unis. Elle a été utilisée par la Russie en 1980 pour déclencher une averse avant les cérémonies des jeux Olympiques de Moscou. Actuellement c’est en Chine qu’ont lieu des expérimentations à grande échelle d’ensemencement des nuages. Cependant, aucune certitude, à ce jour, sur l’augmentation des précipitations n’a pu être démontrée. Ceci étant, les tunisiens ne désarment pas et continuent leurs expérimentations car la pénurie d’eau potable a atteint un niveau critique. La consommation annuelle moyenne d’eau, en Tunisie, par habitant est de 460 m3, bien en dessous du seuil mondial de pauvreté en eau qui est de 1 000 m3. À quelques encablures de l’été, le taux de remplissage des barrages en Tunisie est de 38,2% selon les dernières données publiées par l’Observatoire national (tunisien) de l’agriculture (ONA). Il ne faut pas voir uniquement dans ces chiffres la consommation d’eau potable des ménages tunisiens ainsi que les besoins de l’agriculture. Il ne faut pas perdre de vue que le pays est une destination touristique qui, après avoir connu une baisse due à une conjonction de facteurs, voit la demande repartir en hausse. Mais pour cela, les structures touristiques ne doivent pas manquer d’eau sous peine de voir le tourisme replonger à la baisse. C’est un problème doublement vital pour nos voisins de l’Est. Ce qui devrait nous donner à réfléchir sur la chance que nous avons d’être en capacité de réaliser en nombre des usines de dessalement d’eau de mer pour une production d’eau potable subventionnée par l’État et distribuée aux citoyens au prix de l’eau de pluie. Sans avoir à agir sur les nuages !
Zouhir Mebarki
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