Installation de plaques commémoratives et hommage à des veuves de martyrs encore de ce bas monde ont été au menu des festivités commémoratives du 62e anniversaire du recouvrement de l’Indépendance nationale au niveau de la daïra des Ouacifs, au sud de Tizi-Ouzou.
Pour la troisième édition des «Ussan n tektayt» ou les «Journées de la mémoire» qu’elle a instaurée depuis deux ans pour célébrer la date anniversaire du recouvrement de l’Indépendances nationale, l’association culturelle Tanekra d’Agouni-Fourrou, l’un des vastes et populeux village de La daira des Ouacifs, au sud de Tizi-Ouzou, a concocté, vendredi dernier, un menu commémoratif consistant.
En plus de la traditionnelle cérémonie de recueillement et de pose d’une gerbe de fleurs par-devant le monument aux martyrs du village, une riche exposition retraçant le parcours des 110 martyrs de ce haut lieu de la guerre de libération nationale et des objets remontant à cette mémorable épopée a attiré du grand monde, notamment les femmes. Aussi, les organisateurs ont tenu, cette fois-ci, à honorer les veuves de ces martyrs encore en vie, au nombre de douze auxquelles des diplômes d’honneur ont été attribués de même qu’il a été procédé à l’installation d’une quinzaine de plaques commémoratives aux endroits du village où une quarantaine de ces martyrs étaient assassinés par la soldatesque coloniale française. Deux cérémonies auxquelles le chef de la daïra des Ouacifs a tenu à assister, tenant à exprimer toute sa reconnaissance aux membres de l’association organisatrice pour son travail de mémoire qu’elle entreprend depuis quelque temps ainsi que son agenda d’activités culturelles, voire sociales qu’elle accomplit à une cadence régulière.
Ces cérémonies se sont déroulées sur le site où fut installée l’ancienne école primaire du village au début du siècle dernier avant d’être intégrée dans le camp militaire français et où la Section Administrative Spécialisée (S.A.S) fut implantée et où les atrocités eurent lieu. Ce «camp de la mort» dominait non seulement l’agglomération d’Agouni Fourou mais aussi des autres localités telles que Aït Aggad, Thimghras, Aït Abdellali, Aït Boumahdi. Selon un présent à cette cérémonie, petit frère d’un martyr, rendre hommage à nos martyrs, morts pour que vive l’Algérie libre et libérée, en honorant leurs épouses, encore de ce monde, est assurément l’une des meilleures choses que l’on puisse faire pour eux et pour elles. L’assistance a eu droit à des témoignages fort émouvants et poignants de la part des trois veuves de martyrs qui étaient venues et qui avaient la force de dire ce qu’elles avaient longtemps tu. Par leurs différents témoignages, elles avaient, en quelques sortes ressuscité leurs maris, tombés au champ d’honneur.
Et à chacune des interventions, les présents dont beaucoup n’ont pas vécu cette période, avaient ressenti une fierté certaine. D’ailleurs, une des anecdotes rapportées a forcé l’admiration de l’assistance et conforté cette fierté. Un des martyrs parmi les110 du village, fut arrêté par les soldats français avec cinq autres de ses compagnons d’armes dans une grotte au lieu-dit Agni-Mellidi, témoigne un intervenant. Il est conduit illico au camp militaire situé loin du lieu pour l’interroger. «Qui sont tes amis fellagas et où se trouvent-ils ? Ou tu nous donnes leurs noms ou on te tue», lui demanda l’officier chargé de l’interrogatoire après les tortures «d’usage». « Ne me tuez pas. Je vais vous y conduire». Le villageois conduisit les soldats jusqu’au cimetière de Jeddi Moussa, situé en contrebas du village, à Bouchiker. Arrivés sur place, en étant sur leurs gardes et en prenant toutes leurs précautions, les lieux étaient vides et déserts. «Tu nous a menti, espèce de…!».
«Non, je vous ai dit la vérité. Les morts qui sont là, enterrés, sont mes amis car je savais, qu’une fois entre vos mains, j’allais les rejoindre». Ils le tuèrent sur place devant une tombe qui était préparée pour une autre personne décédée la veille. Une anecdote digne d’être relatée, voire enseignée tant elle incarne le courage et la bravoure sans pareils de nos maquisards.
D’autres faits, marquants, sur les sacrifices de nos martyrs furent relatés devant une assistance attentive qui fut, à la fin, conviée à une «waâda».
M. K.