Alors que l’ultimatum fixé par la Cédéao aux putschistes a pris fin aujourd’hui, les va-t-en-guerre de Paris continuent d’agiter la menace d’une intervention militaire au Niger pour rétablir le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions.
C’est une véritable partie de poker qui est en train de se jouer dans la région du Sahel. La France qui dispose de 1500 soldats, redéployés du Mali après la fin de l’opération Barkhane, a fixé par la voix de sa ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna qu’elle envisageait sérieusement une opération militaire contre les éléments de la garde nationale qui ont renversé le président nigérien.
Il faut rappeler dans ce cadre, que l’interventionnisme français, aussi bien en Somalie qu’au Mali ou encore au Zaïre ou en Libye a toujours servi les intérêts de Paris et les motifs humanitaires, de rétablissement de la démocratie ou de protection des minorités n’ont servi que d’alibis pour justifier une agression militaire pure et simple. L’Algérie qui a appelé à rétablir l’ordre constitutionnel au Niger a condamné fermement toute intervention étrangère et interdit le survol de son espace aérien par les avions militaires français. Ses efforts et ses appels pour faire entendre la voix de la paix au lieu du bruit des bottes sont partagés par des pays africains, notamment le Mali et Burkina Faso, qui estiment que le recours à la force au Niger est une déclaration de guerre contre eux. Les pays de la CEDEAO et malgré l’ultimatum fixé aux putschistes continuent d’affirmer qu’ils préconisent la voie du dialogue à celle de l’intervention militaire.
La France qui a toujours gardé ses anciennes colonies dans son giron et sous sa coupe voit d’un très mauvais œil les tentatives d’affranchissement de sa tutelle et son hégémonie menées par les peuples de la région. Ayant perdu le Burkina Faso et le Mali, elle ne peut accepter un autre échec de sa politique de Françafrique mise en place depuis son départ précipité de la région pour garder en main l’Algérie alors en pleine guerre de libération.
Certes les pays membres de la CEDEAO estiment que l’option militaire est la dernière sur la table, mais en politique cela ne pourrait être qu’un mensonge pour mieux couvrir le bruit des avions envoyés en opération. «Nous voulons que la diplomatie fonctionne, et nous voulons que ce message soit clairement transmis aux putschistes, à savoir que nous leur donnons toutes les chances de revenir sur ce qu’ils ont fait», a affirmé un responsable de cette organisation de l’Afrique de l’Ouest.
Cela intervient alors que le peuple nigérien continue de manifester pour son soutien aux putschistes et sa condamnation de toute tentative d’intervention militaire étrangère dans le pays.
Des étudiants rassemblés vendredi au centre de la capitale Niamey ont déclaré à Sputnik vouloir dénoncer les sanctions « illégales » de la CEDEAO à l’encontre de leur pays, mais aussi dire non à l’impérialisme et s’aligner en faveur de la souveraineté de la République. « Le but de notre action aujourd’hui est de dire non aux sanctions que la CEDEAO et la communauté internationale ont adoptées contre le peuple nigérien, contre notre État. Ce sont des sanctions qui ont été adoptées illégalement parce que la CEDEAO aujourd’hui n’a pas la capacité légale d’envoyer des militaires envahir un territoire, indépendamment de tout changement de gouvernement », a indiqué un étudiant cité par des médias locaux et étrangers.
Poursuivant son analyse de la situation il dira : « les jeunes sont sortis pour dire non à l’impérialisme, à la gouvernance externe, pour dire oui à la souveraineté -la pleine souveraineté-, dont nous savons qu’elle appartient au peuple », a-t-il poursuivi. Plus tôt dans la journée, le comité exécutif de l’Union des étudiants nigériens de l’Université de Niamey avait appelé les jeunes du pays à une manifestation patriotique afin de protester contre les « sanctions injustes de la CEDEAO et des institutions internationales » et de contrecarrer toute intervention extérieure susceptible de détruire le Niger.
Il faut rappeler que Paris qui a condamné la mesure prise par les putschistes de dénoncer l’accord de coopération militaire avec la France perdrait gros si elle venait à se voir bouter hors de ce pays. Les contrats d’exploration miniers font fonctionner tout un segment de l’industrie française notamment celui de l’énergie atomique.
Le Niger est le septième producteur d’uranium au monde en 2022, d’après l’Association nucléaire mondiale (ANM). Le ministère français des Affaires étrangères a indiqué que les approvisionnements français en ce métal étaient « extrêmement diversifiés » Sur les 6.286 tonnes d’uranium importées en France en 2020, près d’un tiers venait du Niger (34,7%), selon le comité technique Euratom (CTE). Le reste provenait du Kazakhstan (28,9%), d’Ouzbékistan (26,4%), d’Australie (9,9%). Toutefois et même si ce volume est jugé minime par les officiels français, son coût et surtout les avantages qu’il accorde au groupe Areva et ses filiales sont nombreux d’où son importance dans les échanges avec le Niger. Il est à noter que les pays de la CEDEAO ont annoncé une série de sanctions contre le Niger parmi lesquelles, la coupure des approvisionnements en électricité, la suspension des vols commerciaux et spéciaux à destination comme en provenance du Niger et le gel des avoirs de certains proches du groupe de putschistes.
Slimane B.