Depuis de longues années, à l’approche du mois de Ramadhan, le réflexe de l’importation de produits alimentaires revient chaque fois en force, appuyé sur de «solides» prétextes: la crainte d’une éventuelle pénurie d’approvisionnement des marchés et le souci de préserver le pouvoir d’achat du citoyen.
Actuellement, c’est la pomme de terre qui est symptomatique de cette situation. Alors que des spéculateurs maintiennent sous terre des quantités non déterminées de ce produit et empêchent leur récolte pour faire monter les prix, le relais est pris par d’autres opérateurs qui font pression pour importer la pomme de terre afin de… faire baisser son prix. Est-ce la flambée des cours du pétrole sur le marché international et l’illusion d’aisance financière qu’elle entraîne, qui aiguisent de nouveau l’appétit des «opérateurs» du commerce extérieur qui font dans l’importation tout azimut? Y aurait-il une addiction aux surfacturations qui ont accompagné dans une période passée les importations ? Les surfacturations ont permis la fuite de capitaux vers des comptes dans des banques étrangères et l’achat de biens immobiliers, yachts et autres biens de luxe au détriment des besoins du pays et des intérêts de la population algérienne.
Autre produit qui attire les importateurs à l’approche du Ramadhan : les viandes rouges. La boulimie qui frappe les Algériens durant le Ramadhan les pousse, l’expérience l’a montré, à la surconsommation. D’après des chiffres donnés par des connaisseurs de ce marché, la quantité de consommation de viandes en période «normale» est de 25.000 tonnes à 30.000 tonnes, cette quantité double durant le Ramadhan pour atteindre les 60.000 tonnes. Comment répondre à cet accroissement des besoins en viandes rouges ? Des opérateurs ont la réponse toute prête : par l’importation. Est-il sûr que l’importation de pomme de terre ou de viandes rouges ou un autre produit de large consommation, fera baisser son prix artificiellement gonflé par les pratiques des spéculateurs? L’expérience incite à douter de l’effet de l’importation sur les prix. Par le passé, la pomme de terre est restée affichée à 100 DA alors que des quantités de ce produit étaient importées pour agir sur le prix.
L’explication est dans la désorganisation du commerce intérieur «pollué» par des parasites dans tous ses circuits, et particulièrement en bout de chaîne dans la distribution là où se trouve le consommateur final qui paie le prix de tous ces dysfonctionnements. L’absence de facturation et donc de traçabilité nourrissent les spéculateurs, l’informel et les intermédiaires qui sont les vrais maîtres des marchés et qui déterminent les prix dans une course aux profits sans limite.
La recherche de la résorption du déséquilibre entre la demande et l’offre est inopérante dans un marché dominé par l’informel. En fait, tous les prétextes sont bons pour rendre «impératif» le recours à l’importation de produits alimentaires plus ou moins sensibles. Dernièrement, c’est l’importation de la banane qui a été présentée comme «impérative» pour «réguler le marché» et faire baisser son prix. Il y a, par contre, l’exigence d’une action sur les habitudes de consommation, particulièrement durant le Ramadhan.
Le président de l’Association algérienne de protection et d’orientation du consommateur et de son environnement (APOCE), Mustapha Zebdi, en avait parlé, il y a quelque temps. Il avait mis en avant la nécessité de changer certains comportements de consommation tant par les familles que par les institutions qui sont considérées parmi les grandes sources de gaspillage alimentaire. Il avait appelé à l’organisation de campagnes de sensibilisation dans ce sens vers les consommateurs.
Dans le contexte de la crise ukrainienne, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a lancé une alerte sérieuse sur les prix alimentaires mondiaux qui pourraient enregistrer des hausses comprises entre 8% et 20%. La relance de l’économie nationale, y compris l’agriculture et donc la sécurité alimentaire- autrement dit la souveraineté nationale- appelle un financement qui est actuellement tiré des recettes extérieures des ventes d’hydrocarbures.
M’hamed Rebah