Sitôt rentré au pays après sa convalescence en Allemagne où il a était hospitalisé pour soins contre la Covid-19, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, signera le texte de la nouvelle Constitution adoptée par référendum le 1er novembre dernier, et qui sera publiée au Journal officiel, consacrant ainsi sa promulgation pour entamer l’après-Constitution.
Dans son message vidéo du 13 décembre, rappelle-t-on, le président Tebboune dit avoir instruit la Présidence de la République de coordonner avec la commission chargée de l’élaboration du projet de révision de la loi organique relative au régime électoral afin que le document en question soit prêt «dans les meilleurs délais, soit dans 10 à 15 jours», en vue de «lancer le processus post-Constitution». À se fier au président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Charfi, le président Tebboune appellera à des consultations politiques pour la nouvelle loi électorale ainsi que la réorganisation des structures de l’ANIE pour se conformer aux dispositions de la nouvelle Constitution.
L’actuelle loi ne favorise pas le rôle des institutions élues
C’est que pour le chef de l’État, il est du droit de tout citoyen ou citoyenne, jouissant de ses droits politiques et civiques, de se porter candidat aux différentes joutes électorales. Cette façon de voir les choses pour la nouvelle équipe dirigeante, sous le commandement de Tebboune, n’est pas fortuite. Elle s’inscrit dans le projet de la nouvelle Algérie en rupture totale avec les anciennes pratiques politiques désastreuses pour le pays, afin de garantir l’égalité des chances pour tous à la candidature ainsi que l’émancipation sociale et politique. Ainsi et à la lumière de ces nouveaux amendements, le système des quotas dans la répartition des sièges et l’achat des consciences à coups de liasses d’argent ne seront, désormais, qu’un mauvais souvenir dans la conscience collective des Algériens. Le président Tebboune veut séparer argent de politique. La loi organique relative au système électoral va être révisée pour être adaptée aux nouvelles dispositions de la Constitution. C’est dans cet objectif qu’il avait, d’ailleurs, installé à la mi-septembre, la Commission nationale chargée de l’élaboration du projet de révision de la loi organique portant régime électoral, présidée par Ahmed Laraba, professeur universitaire et membre de la Commission du droit international à l’ONU, et dont Walid Laggoune est le rapporteur. Il faut rappeler, dans ce contexte, que c’est cette même équipe qui avait conduit le projet de révision de la Constitution. Il avait surtout insisté, lors de l’installation du Comité, sur la nécessité de définir des normes électorales claires et transparentes pour consacrer une nouvelle forme de gouverner et de gérer la cité. « La loi électorale en vigueur ne permet pas aux institutions élues de prendre une quelconque décision, il y aura une nouvelle loi, on séparera définitivement l’argent de la politique, les gens pourront se présenter à toutes les élections,» avait-il alors affirmé après son intronisation, assurant que «dès qu’il y aura une nouvelle loi électorale, les assemblées élues seront dissoutes et de nouvelles élections législatives seront organisées». Il s’était alors engagé à ce que l’État prenne en charge le financement de la campagne électorale des jeunes pour éviter qu’ils ne tombent entre les mains de l’argent sale ou d’origine douteuse qui, jadis, commandait la confection des listes électorales. Conséquence : un taux d’abstention élevé aux élections, synonyme d’une perte de confiance totale au système représentatif en place basé sur la fraude et le truquage des résultats.
Les 4% des suffrages sanctionnent les « petits » partis
Mais réviser la loi électorale suffira-t-il à insuffler une nouvelle dynamique et une crédibilité aux mécanismes de représentation politique ? Oui dans l’esprit de l’idée elle-même, mais le reste dépend de ce que va accoucher la Commission du Pr Laraba d’ici là. À signaler que l’actuelle loi électorale amendée en 2016 sous le règne du président déchu, Bouteflika, se voulait à l’époque une réponse du pouvoir à l’opposition politique qui n’a pas cessé de dénoncer les malversations découlant des opérations électorales, tels que la fraude, le parti-pris de l’administration, le marchandage des voix électorales et des sièges, la corruption. Toutefois, l’amendement n’a rien apporté aux partis politiques, notamment ceux à faible implantation populaire. Bien au contraire, ils se sont vus plus que jamais menacés de disparaitre et accusent même le gouvernement de l’époque de chercher à leur porter le coup de grâce notamment à travers l’exigence des 4% des suffrages. En effet, cet article stipule qu’un parti politique qui n’obtient pas plus de 4% des suffrages lors des élections législatives et locales, est exclu de l’Assemblée nationale et ne pourra pas se présenter à de nouvelles élections. Le texte est décrié et jugé plus avantageux pour les « grosses cylindrées » au détriment des autres partis de moindre importance. À ce sujet, il y a tout juste quelques jours, soit après le Twitter du président Tebboune, le président du parti politique Jil Jadid, Sofiane Djilali, a appelé à l’abrogation de cet article, condition sine qua non pour accéder à un mandat parlementaire, qualifiant la loi en vigueur de politique du « deux poids, deux mesures ». Outre cette disposition, du moins gênante pour les partis lésés, la tenue de leurs congrès constitutifs qui doit être organisée «dans un délai maximum d’une année à compter de la publication dans deux quotidiens d’information nationale de l’autorisation» est aussi un casse-tête chinois. Si le délai en lui-même ne pose vraiment pas problème, il n’en demeure pas moins que les conditions inhérentes est une sorte de bâton dans les roues. En effet, le congrès constitutif «doit être représentatif de plus du tiers (1/3) du nombre de wilayas au moins», «réunir au moins 400 à 500 congressistes, élus par 1600 adhérents au moins», et le nombre de congressistes par wilaya ne doit pas être inférieur à 16 et «celui des adhérents inférieur à 100 par wilaya».
Ainsi, les partis nouvellement créés ou manquant de la représentativité à travers les wilayas du pays se retrouvent privés d’organiser leurs congrès pour se conformer à la loi. C’est ce qui fait craindre à l’opposition une menace sur les acquis en matière de démocratie et de liberté d’association et de création de partis politiques.
Brahim Oubellil