« Les images de la catastrophe du port de Beyrouth, quand des produits hautement toxiques et dangereux stockés dans un dépôt ont sauté, provoquant la mort et la désolation à des kilomètres à la ronde, nous reviennent à l’esprit à voir l’acharnement des responsables de la Sarl Lachem, à mener à son terme leur projet de réalisation d’une usine de fabrication de solvant, de peinture et de mastic en plein centre-ville de Bethioua », dira un habitant de cette ville.
Les citoyens de cette ville côtière de la wilaya d’Oran, connue pour sa zone industrielle et ses installations de liquéfaction d’hydrocarbures, s’opposent à la réalisation de cette usine implantée dans le tissu urbain, à quelques mètres du lycée mixte El-ghazali, et mitoyenne à la cité du 18 Février et des 200 logements Cnep. « Mieux encore, elle n’est qu’à un jet de pierre des sièges de la commune et de la daïra », précisent nos interlocuteurs qui ne manquent pas de s’interroger sur les raisons qui ont poussé le promoteur de ce projet à se détourner de la zone industrielle et tous les avantages qu’elle offre pour s’implanter en plein centre-ville.
Tout a commencé en 2015, quand la Sarl Lachem a pu acquérir, dans le cadre du Calpi, l’ancien siège de l’entreprise communale Socotrab, qui s’étend sur une superficie de 1700 m2. La Sarl a pu s’offrir ce site d’une haute valeur foncière et qui aurait pu être destiné à la réalisation d’équipements publics, au prix de 80 Da le m2. Un véritable cadeau tombé du ciel pour cette Sarl dont le siège social est implanté à Sig et qui active théoriquement dans l’importation de médicaments. Les travaux de réalisation confiés à une entreprise espagnole sont lancés en 2018, sans le respect de la réglementation en vigueur concernant l’enquête commodo – incommodo et sur l’impact de l’activité sur l’environnement.
Pire, on affirme que l’ancien maire a établi, en date du 27 décembre 2015, un permis de construire (N°415), en faisant fi des lois de la République. « Malgré les nombreuses réclamations des citoyens, les travaux de réalisation se sont poursuivis. Il a fallu le hirak et la vague de mobilisation citoyenne qu’il a suscitée pour voir les services de la daïra prononcer l’arrêt des travaux en 2019. Théoriquement, la cause était l’expiration du permis de construire. Mais cela n’a pas empêché le promoteur du projet à persister dans sa volonté de concrétiser son usine de fabrication de détergents, de mastic, de peinture et de solvant au détriment de la sécurité et de la santé des habitants du centre-ville, déjà éprouvés par l’impact des rejets nocifs et polluants des différentes unités de la zone industrielle », affirment nos interlocuteurs.
Curieusement, en 2020 la machine de réalisation est relancée à la faveur d’une série de manœuvres opérée aussi bien par le promoteur que par ses relais au niveau de l’administration publique. La direction de l’environnement de la wilaya d’Oran décide, en date du 30 juin 2020, d’engager une étude sur l’impact sur l’environnement. Quelques jours plus tard, le 9 juillet 2020, le promoteur fait paraitre, sur des journaux à très faible tirage à Oran, l’avis d’ouverture d’une enquête commodo-incommodo. Ce dernier a choisi ces deux titres à faible tirage et faible diffusion pour s’assurer que son annonce ne sera pas lue, une stratégie usitée par tous ceux qui ont lancé des projets en recourant à des procédés peu orthodoxes. Il faut ouvrir une parenthèse pour dire que l’étude décidée par la direction de l’environnement et l’enquête commodo-incommodo ont été décidées alors que le projet a un atteint un taux de réalisation estimé à 40%. Et ce qui frappe également dans cette affaire, est la célérité avec laquelle sont traitées les demandes du promoteur. Quelques jours plus tard, le 23 juillet, la wilaya donne son accord pour la reprise des travaux au grand dam des habitants de la cité du 18 Février, qui découvriront, deux jours plus tard, soit le 25 juillet au soir, placardé sur le mur de la cité l’avis d’ouverture de l’enquête commodo-incomodo. En somme, un projet réalisé en procédant à des ajustements a postériori, pour se mettre en conformité avec les lois en vigueur. « On ne va pas se taire. C’est un véritable bradage d’un patrimoine public. Cette assiette aurait dû servir à la réalisation d‘équipements publics. De plus son implantation dans le centre-ville aurait dû pousser les décideurs à l’interdire. Sous d’autres cieux, ce genre d’activité est classé dangereux et à impact négatif sur l’environnement, mais à Bethioua cela n’a pas fait tiquer les responsables locaux. On demande l’arrêt des travaux et l’ouverture d’une enquête car il s’agit ni plus ni moins d’une dilapidation avérée du patrimoine public, car même avec l’alibi Calpiref, avec un prix de 80 Da le m2, c’est du bradage pur et simple d’un bien public », affirment nos interlocuteurs qui affirment qu‘ils vont s’opposer par toutes les formes et pacifiques à la construction de cette usine.
S. Ben