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Liban : Faïrouz a rencontré Emmanuel Macron

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Le président français Emmanuel Macron a rencontrer Faïrouz, lundi dernier en soirée. Faïrouz, la dernière légende vivante de la chanson arabe pour redorer un blason présidentiel terni par la situation pour le moins difficile en France du fait d’une gestion des manifestations des Gilets jaunes suivie d’une faillite assumée face au Covid-19 d’autant qu’il n’a pas voulu suivre les conseils de l’un des plus grands spécialistes de la planète en matière d’épidémies, le Pr Didier Raoult, préférant les protocoles à prix couteux du Big Pharma.

Par Ali El Hadj Tahar

Faïrouz, c’est le Liban aimé, le Liban d’antan, dont elle est l’icône transcendante qui ignore superbement les horribles et puissants clivages confessionnels qui le minent. Du fait de sa neutralité non feinte mais faite d’amour pour le peuple du seul et même Liban, Faïrouz reste un rare symbole d’unité nationale d’un pays même pas centenaire mais plus que jamais malade de vieillesse pour avoir mal vécu son enfance en commençant à fauter dans son adolescence, par une guerre civile en 1958 causée par des tensions politiques et religieuses internes. La crise engendre l’intervention des forces américaines. Puis il y eu la guerre civile de 1975 à 1990, une guerre ponctuée d’interventions étrangères et qui a fait entre 130 000 et 250 000 victimes civiles.
Faïrouz que tout le monde croit avoir 40 et ne jamais vieillir est née en 1934 ! Oui, elle a 86 ans, aujourd’hui, celle qui symbolise le mieux le pays du Cèdre qui en a pourtant des icônes, depuis Gibran Khalil Gibran à Elia Abou Madhi ou Mikhaïl Nouaïma… Certes, ce n’est pas Marcel Khalifa, que Macron aurait souhaité voir, car il lui aurait certainement demandé de libérer Georges Ibrahim Abdallah, le plus vieux prisonnier politique détenu en… France. Lors de l’invasion de son pays, le Liban par l’armée israélienne, les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL) revendiquent les assassinats de deux agents des services secrets étasuniens et israéliens. Arrêté à Lyon en 1984, Georges Ibrahim Abdallah, combattant communiste libanais et cofondateur des FARL, purge depuis une peine qui n’en finit pas. L’amour présumé de Macron pour le Liban devrait d’abord aller à ce vieux prisonnier qui attend que la justice française ait un cœur.
Le président français aura donc le plaisir de découvrir l’icône libanaise, son morceau de montagne, son morceau de cèdre, de connaitre cette Faïrouz qui, depuis la mort d’Oum Kalthoum en 1975, reste l’étoile la plus brillante du firmament culturel arabe. Le symbole d’une nation arabe unie mais aussi d’une culture qui n’était pas au kitch ni à la vulgarité ni à la superficialité, mais à l’expression de l’âme dans ce qu’elle a de plus profond. Cette âme arabe est l’expression d’une âme multiple qui exprime dans un même véhicule linguistique des ethnies, des communautés et des sensibilités différentes, druzes, sunnites, chiites, berbères Faïrouz, tout comme Ouarda El Djazairia, Oum Kalthoum, Farid, Abdel Wahab ou Abdelhalim, a aidé à cimenté les pays en une seule et même nation, une nation qui n’a malheureusement pas cessé de se diviser depuis leur mort. Macron devait donc rencontrer Faïrouz mais ignore-t-il qu’elle a chanté un Liban uni, qu’elle a chanté contre les communautarisme mais aussi la Palestine ? À 86 ans, la diva qui incarne encore toutes les valeurs qu’elle a chantée et qui, après s’être produite pendant plus d’un demi-siècle de Beyrouth à Las Vegas, en passant par Paris et Londres, s’est murée depuis plus d’une décennie dans un profond silence. Pourquoi Macron va-t-il encore la faire parler alors qu’elle s’est retirée, qu’elle ne veut plus s’afficher, qu’elle ne veut cautionner personne ? C’est sa manière de parler, Faïrouz, que de vouloir s’isoler dans le silence. Et pour cause : elle a mal à son Liban. « Quand vous regardez le Liban aujourd’hui, vous voyez qu’il ne ressemble aucunement au Liban que je chante», affirmait avec regret la diva dans une interview au New York Times en 1999, en allusion aux décennies de guerres et de destructions.
La grande dame à la voix séraphique veut rester discrète comme elle l’a toujours été, même quand elle trônait sur les podiums. Celle dont le vrai prénom et nom sont Nouhad Haddad a donné de rarissimes interviews pendant sa carrière. De plus, cette mère de quatre enfants qui ne s’est jamais épanchée sur sa vie privée répugne la vulgarité et l’invasion de sa vie privée. Elle a l’âge des grands poètes, ceux auxquels elle a prêté sa voix en interprétant leurs textes, comme les Libanais Gibran Khalil Gibran, Saïd Akl ou l’Égyptien Ahmed Chawki. Elle a plus que l’âge de la résistance palestinienne et de l’invasion injuste de 1949, dont elle garde quelques souvenirs. Et ce sont probablement des paroles de « Sa Narjeou Yawmane («Nous reviendrons un jour»), une élégie interpellant les réfugiés palestiniens, qu’elle entonnera peut-être en silence en écoutant un jeune président parler de « son » Liban. A moins qu’elle ne lui rappelle « El Qods lana », la fleur des villes, tombée après la défaite des troupes arabes contre Israël en 1967. Et qui retombe à chaque fois qu’Israël arrive à en chasser un Palestinien .
A.E.T.

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