La pandémie de coronavirus, en recul en Europe où les restrictions s’allègent chaque jour, est en forte progression en Amérique latine. Le Brésil ayant dépassé pour la première fois 1.000 morts en 24 heures. « Notre pays est en train d’aller de mal en pis », résume Gilberto Ferreira, un retraité de Rio de Janeiro.
«Nous avons un gouvernement inefficace, et les gens de leur côté ne respectent pas les règles de la pandémie ». Cinq mois après l’apparition en Chine de cette maladie qui a fait plus de 320.000 morts à travers la planète, le Brésil est devenu le troisième pays au monde en nombre de contaminations. Et il a enregistré mardi un bilan quotidien de 1.179 décès, selon le ministère de la Santé. Cette progression a porté le total des morts à 17.971 au Brésil, qui déplore plus de la moitié des plus de 30.000 décès enregistrés en Amérique latine et dans Caraïbes. De nombreux experts considèrent les chiffres ministériels très largement sous-estimés: le Brésil manque cruellement de tests. D’autres pays d’Amérique latine enregistrent eux aussi de fortes progressions du Covid-19. C’est le cas du Chili, 18 millions d’habitants, qui a connu mardi sa plus forte hausse de contaminations (3.520) et de décès (31) en 24 heures. L’armée s’est déployée dans des quartiers pauvres de Santiago, où la population s’est affrontée à la police pour réclamer des aides contre la faim. « Ils n’ont pas de travail, ils sont enfermés chez eux et ne peuvent pas sortir pour chercher du travail », explique Jorge, un charpentier au chômage. « Les Chiliens, les travailleurs, en sont réduits à devoir sortir pour voler ».
L’Afrique épargnée
En revanche, avec moins de 3.000 décès et quelques 88.000 cas recensés, l’Afrique est pour l’instant relativement épargnée par la pandémie. Pour Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, cela est dû « au fait que la plupart des gouvernements et des sociétés africaines ont pris à temps des mesures très courageuses de prévention qui sont d’ailleurs une leçon pour quelques pays développés qui ne l’ont pas fait ». Ce qui n’empêchera pas des millions de personnes de « basculer dans la pauvreté extrême », a ajouté M. Guterres. Et, si l’épidémie est contenue, les préjugés contre les malades du coronavirus ont libre cours dans certains pays. « Le coronavirus n’est pas une maladie honteuse », ont dû rappeler les autorités à travers le continent, où des malades ont été expulsés par leurs propriétaires, des infirmières abandonnées par leur époux et les noms de cas contacts jetés en pâture sur les réseaux sociaux.
Allègements progressifs
En Europe, où la pandémie, à laquelle ont succombé 168.000 personnes, semble sous contrôle, les bilans quotidiens sont généralement en baisse. Sauf en Russie qui a fait état mercredi d’un bond de 135 morts en 24 heures, tandis que le nombre de cas a dépassé les 300.000, selon les données officielles. Partout sur le Vieux continent, la tendance est à la levée progressive des sévères restrictions prises au plus fort de la crise sanitaire. En Espagne, l’un des pays les plus endeuillés le Covid-19, Barcelone doit rouvrir mercredi les parcs et les plages aux promeneurs – mais pas aux baigneurs. En revanche, le pays s’est résolu à rendre le port du masque obligatoire dès l’âge de six ans dans la rue ou dans les lieux publics quand il n’est pas possible de garder ses distances. Après l’Italie, qui a annoncé samedi qu’elle rouvrait à partir du 3 juin ses frontières aux touristes de l’Union européenne et annulait la quarantaine obligatoire pour les visiteurs étrangers, la Grèce doit présenter mercredi son plan pour la reprise de la saison touristique. Cinq pays d’Europe centrale (Allemagne, Autriche, Hongrie, Slovaquie et République tchèque) envisagent d’ouvrir les frontières entre eux vers la mi-juin.
Du trois étoiles en take-away Il est temps pour relancer l’économie: victime collatérale de l’effondrement du trafic aérien provoquée par la pandémie, le fabricant britannique de moteurs d’avion Rolls-Royce a annoncé mercredi la suppression d' »au moins » 9.000 postes, soit 17% de ses effectifs. « Les gouvernements font ce qu’ils peuvent pour soutenir les entreprises à court terme mais ils ne peuvent remplacer de façon durable la demande de clients qui n’existe » plus, a expliqué Warren East, le directeur général. La situation n’est guère plus enviable dans le secteur de la restauration. Contraint de fermer son trois étoiles sur les quais de Seine à Paris – indétrônable meilleur restaurant du monde – le chef Guy Savoy s’est converti, à contre-coeur, dans la vente en emporter. Sa mythique soupe d’artichaut à la truffe est désormais disponible en take-away, à réchauffer chez soi au micro-onde. Mais la pandémie, en dépit de son bilan macabre et de son coût social, aura aussi permis de sauver des vies. Routes plus sûres en Thaïlande, suicides en baisse au Japon, crimes en repli en Inde, moins de décès liés à la pollution en Chine: le confinement imposé pour endiguer le coronavirus a sauvé des milliers de vie en Asie, d’après les experts. Une tendance qui pourrait cependant rapidement s’inverser du fait de la levée des restrictions.