Sorti en mai 1980, le chef-d’œuvre horrifique du réalisateur d’Orange Mécanique ne livre pas si facilement ses secrets. Une dizaine de clichés rares issus du tournage permettent cependant d’en apprendre un peu plus.
Aujourd’hui, grâce à ces clichés retrouvés, on peut jeter un œil nouveau sur le plateau de The Shining. Et se rendre ainsi compte que le film est loin d’avoir livré tous ses secrets. C’est en mai 1980 qu’est sorti sur les écrans l’emblématique chef-d’œuvre The Shining.
Toujours aussi impénétrable et hypnotique, le film d’horreur de Stanley Kubrick fête ainsi gaillardement son 40e anniversaire, confirmant la place du réalisateur britannique au firmament des cinéastes les plus influents de l’histoire du cinéma. Produit et réalisé par Kubrick, et co-écrit avec la romancière Diane Johnson d’après le roman de Stephen King, The Shining est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands films d’horreur de tous les temps. Et l’un des plus commenté, disséqué, analysé par les historiens et passionnés du cinéma. Pourtant, sur Pinterest, ou sur le site anglo-saxon Far Out, on a pu découvrir ces jours-ci des Polaroids inédits -ou rares- replongeant directement au cœur du tournage de ce chef-d’œuvre horrifique.
Prises par Stanley Kubrick lui-même, par son assistant Emilio D’Alessandro ou bien sa collaboratrice June Randall, ces clichés permettent de revisiter les coulisses du tournage, qui eut lieu dans les célèbres studios d’Elstree, au nord de Londres.
Avec la patine du temps, et les imperfections qui accompagnent la technologie Polaroid, en vogue dans les années 70-80, ces images capturent des instantanés du tournage. De pépites de vie, qui montrent un film d’exception en pleine fabrication. Et qui livrent également quelques petits secrets. Car Shining ne fut pas toujours considéré comme un chef-d’œuvre incontestable. En 1980, il fut étrillé par la critique. La Warner ne totalisa pas un box-office mirobolant. Jaloux de ce qu’avait fait Kubrick de son roman, Stephen King entama un travail de sape dans les médias. Comme un coup de couteau dans le dos… Dans une interview donnée à Playboy en 1983, le romancier américain déclara sans ambages : «J’admirais Kubrick depuis longtemps et j’avais de grandes attentes sur ce projet. Mais j’ai été profondément déçu par le résultat final.» Pourtant, au fil des années, une sorte de petit miracle s’est opéré sur ce film mal compris. Un changement de perception a eu lieu. Shining a progressivement été réévalué à travers l’expérience des générations successives de spectateurs qui l’ont découvert et redécouvert. Les critiques ont changé d’avis en voyant grandir les qualités hypnotiques du travail de Kubrick. En 2006, le critique américain de cinéma bien connu Roger Ebert, qui avait sévèrement critiqué le film à sa sortie, a fini par se raviser en ajoutant The Shining dans sa série des grands films de l’histoire du cinéma: «Le froid est si effrayant dans The Shining. Stanley Kubrick nous lance un défi. C’est au spectateur de décider qui est l’observateur à qui il doit se fier. C’est cette insaisissable fin ouverte qui rend le film de Kubrick si étrangement dérangeant. » L’an dernier, au festival de Cannes, le réalisateur Alfonso Cuaron a expliqué: «Dans le roman, Stephen King fournit de nombreuses explications psychologiques qui justifient la montée en puissance de l’angoisse, la naissance de la peur, puis l’émergence de l’horreur. Stephen King explique que Jack Torrance n’est pas le vrai père de Dany. Stanley Kubrick n’a pas voulu de tout cela. Dans le film, Dany est le fils de Jack, un point c’est tout. Ce qui rend la séquence finale encore plus inexplicable, et terrifiante. Pour moi, Shining est une longue arche, contant le voyage vers la folie de Jack Torrance.» Aujourd’hui, grâce à ces clichés retrouvés, qui furent utilisés par Kubrick et son équipe de production, l’on peut jeter un œil nouveau sur le plateau de The Shining. Kubrick, qui travaillait souvent avec une petite équipe qui lui permettait de faire de nombreuses prises, était bien connu pour pousser ses collaborateurs aux limites de l’épuisement dans sa recherche de la perfection. Cette série d’images Polaroid le démontre clairement. Les acteurs, et notamment Jack Nicholson apparaissent souvent comme épuisés. Nicholson est souvent photographié allongé, voire affalé sur le sol. Il se dégage de ces images une sorte de torpeur, une sensation de pesanteur étouffante. Il transpire également de ces images instantanées vieilles de quarante ans une sorte de tension, d’angoisse sous-jacente. Mais par-dessus tout, ce que l’on perçoit, c’est la volonté obsessionnelle du cinéaste génial. Tout est si parfaitement à sa place qu’une sorte de peur indicible innerve encore maintenant ces Polaroids mystérieux…
R. C.