L’impressionnant dispositif sécuritaire installé hier dans la Capitale et les barrages filtrants de la Gendarmerie nationale sur tous ses accès n’ont pas dissuadé les Algériens à sortir, pour marquer le 31e vendredi du Mouvement pacifique pour le changement du système politique en place.
L’interdiction d’accès à Alger a concerné les manifestants qui arrivent des autres wilayas, selon les instructions du Commandement de l’ANP qui a annoncé, mercredi dernier, lors de sa visite en 6e R.M, avoir donné instruction à la Gendarmerie nationale d’installer des barrages filtrants sur de larges périmètres des accès à la Capitale, mais aussi de saisir tout véhicule transportant les manifestants, voire le sanctionner d’un procès-verbal.
La circulation des trains hier dans les sens départ/arrivée a été complètement interrompue. Le trafic routier a été fortement perturbé et la majorité des transporteurs de voyageurs desservant Alger ont préféré de ne pas travailler la journée d’hier contrairement aux autres vendredis. Des mesures drastiques certes, mais qui n’ont pas entamé la flamme de la mobilisation. Hier, les Algériens ont répondu massivement aux multiples appels à manifester à Alger, lieu principale des rassemblements depuis le 22 février dernier, ainsi que dans les autres grandes villes du pays. Intitulé « 31ème vendredi : pacifique, civilisé, sans peur et sans terreur, la rue est au peuple », un appel à « reconquérir » Alger a largement circulé sur les réseaux sociaux pour venir en millions et marcher ensemble contre la volonté de «fermer la Capitale contre le Hirak» pour l’étouffer.
Le même appel a demandé aux habitants d’Alger de sortir en force et prêter main forte à leurs compatriotes arrivés des autres wilayas. Pour éviter les désagréments de déplacement et les contraintes des barrages filtrants, des manifestants ont pris la peine de se déplacer dans l’après-midi de jeudi dernier et de se loger dans des hôtels ou chez des proches. À l’intérieur de la Capitale également, des barrages filtrants ont été installés pour réduire et surveiller le flux des marchants vers Alger-Centre en provenance des autres communes.
Des manifestants de Réghaïa et ses alentours ont fait tout le parcours vers Alger-Centre à pieds et ce pour éviter les énormes bouchons sur les routes et autoroutes. À 11h00, place d’Alger-Centre, un premier rassemblement arrivant de la place du 1er mai a été stoppé par un barrage sécuritaire à la rue Didouche Mourad l’empêchant de continuer vers la Grande Poste. Des arrestations ont été signalées contre certains manifestants qui filmaient avec leurs téléphones portables les premiers instants de la marche. Les manifestants ont scandé des slogans hostiles aux tenants du Pouvoir : «Arhalou ! », (partez !), « Makanch intikhabat m3a l3issabatt ! », (Pas de vote avec les bandes !). Vers 13H00, la mobilisation est devenue plus forte et massive après l’arrivée des citoyens qui ont accompli la grande prière de vendredi. Convergeant tous vers la place de la Grande Poste, des flux humains intenses ont rejoint la manifestation en provenance de la place du du 1er mai, Rue Larbi Ben M’hidi, Bab El Oued, la Casbah et autres.
Les marcheurs chantaient, à gorges déployées, «Jina harraga lal3assima ! », (Nous sommes venus en Harraga à la Capitale !). Une manière de répondre à l’appel d’interdire l’accès des manifestants des autres wilayas à Alger. Un appel qui a suscité colère et indignation des citoyens sur les réseaux. Certains internautes ont tourné en dérision cet appel en commentant qu’après les refus de visa émanant de certains pays contre les Algériens, Alger aussi refuse l’arrivée des Algériens.
Les manifestants ont réitéré aussi leur refus de l’annonce des élections présidentielles pour le 12 décembre et réclamé la libération de tous les détenus et activistes du Hirak, dont la dernière en date est celle du journaliste-activiste politique Foudhil Boumala. Des manifestants ont scandé pendant tout le parcours : «Olé Ola, Adduna ga3 lalhabss w cha3b machi habass ! », (Emmenez-nous tous en prison, la mobilisation du peuple ne s’arrêtera pas !). Sur une pancarte brandie par un citoyen, on peut lire : «Fermez les routes, coupez internet, coupez le téléphone, coupez l’électricité, coupez l’eau, et, si vous y arriverez, coupez l’air et couvrez le soleil, nous ne nous agenouillerons pas !». Des figures de l’opposition, comme Ali Laskri (FFS), Mohcine Belabbas (RCD) et Zoubida Assoul (UCP), toutes regroupées au sein du Pacte pour une alternative démocratique, ont pris part à la marche d’hier, en dénonçant unanimement l’interdiction de manifester à Alger, en évoquant «de graves atteintes aux libertés et des tentatives d’intimidation et de faire peur aux manifestants». Plusieurs autres personnalités politiques et de la société civile ont tenu à manifester hier dans la Capitale.
Hamid Mecheri