Une rencontre intitulée « L’esclavage dans les littératures africaines », organisée dimanche à Alger dans le cadre du programme littéraire dédié à l’Afrique du 28e Salon international du livre d’Alger (SILA), a permis aux intervenants de rappeler « la complexité » de ce thème, souvent traité « avec réserve en raison de sa nature traumatisante ». Accueillie à l’espace « Esprit Panaf » au pavillon central du Palais des expositions aux Pins maritimes, cette conférence a été animée par le spécialiste des littératures anglophones et francophones et responsable de l' »Espace Afrique » au 28e SILA, Benaouda Lebdaï et le président du Haut Conseil des Béninois de l’extérieur (HCBE), Maxime Vignon. Ainsi, pour Benaouda Lebdaï, l’esclavage, conséquence du colonialisme européen, a « profondément bouleversé l’Afrique autrefois organisée et prospère », avec la traite négrière qui a duré plusieurs siècles et qui a « déporté, pour des raisons liées aux besoins de mains-d’oeuvre économiques, des millions d’Africains vers les Amériques dans des conditions inhumaines ». Les récits de témoins comme Olaudah Equiano, Frederick Douglass ou Harriet Jacobs décrivent l’horreur, des violences, des suicides et de la déshumanisation subie par les esclaves, victimes d’un commerce qui aura nourri l’économie occidentale au prix d’un traumatisme durable. Malgré l’abolition de l’esclavage, poursuit l’intervenant, « le traumatisme reste vivace et nourrit encore la littérature contemporaine », à travers les écrits de nombreux auteurs, tels que Colson Whitehead, Fabienne Kanor ou Yaa Gyasi, qui « explorent encore cette mémoire collective », retraçant les souffrances, les révoltes et les « héritages de leurs ancêtres » et montrant également que le passé esclavagiste « continue d’imprégner la société actuelle et d’alimenter les débats sur le racisme et la justice ». Le spécialiste des littératures anglophones et francophones a ensuite rappelé que « les recherches littéraires et mémorielles contemporaines visent à décoloniser les représentations, à repenser le vocabulaire (en parlant d' »esclavisés » plutôt que d’ »esclaves ») et à reconstruire une humanité commune ». Dans la lignée de Frantz Fanon et d’Achille Mbembe, ces travaux appellent à « dépasser le traumatisme pour bâtir un monde fondé sur l’égalité, la mémoire partagée et la reconnaissance de tous les êtres humains », a conclu Benaouda Lebdaï. De son côté, Maxime Vignon a tenté d’analyser la « manière dont les littératures africaines et diasporiques abordent la mémoire de l’esclavage » qui, selon lui, « n’est pas seulement un fait historique, économique ou politique, mais surtout une expérience de déshumanisation raciale qui a marqué les corps et les consciences par le déracinement et le silence imposé ». M. Vignon a rappelé que « certaines représentations visuelles ou discours officiels cherchent encore à adoucir cette réalité, à transformer la tragédie en récit acceptable, alors que les écrivains africains, eux, brisent ce silence par la puissance de la parole et de l’écriture ». « Des auteurs comme Aimé Césaire, Aminata Sow Fall, Yambo Ouologuem, Mariama Bâ ou Colson Whitehead transforment la mémoire de l’esclavage en écriture de résistance et de dignité », a poursuivi le président du HCBE, faisant remarquer qu’ils (les auteurs cités) redonnent voix à ceux qu’on avait réduits au silence et interrogent aussi les complicités africaines dans l’histoire de la traite. « Par la polyphonie, le mélange des langues, la réhabilitation du mythe et de l’oralité, la littérature devient un espace de réparation : elle guérit, réconcilie et rend visibles les invisibles », a encore expliqué Maxime Vignon.
            












































