Que Zinédine Zidane, immense joueur s’il en est, devienne un jour entraîneur, ce n’était pas forcément acquis. Qu’il débute cette nouvelle carrière par un défi aussi colossal que le Real Madrid donne un caractère plus inédit encore à sa trajectoire. Mais pouvait-il vraiment en être autrement ? Zinédine Zidane est donc entraîneur. Zinédine Zidane est donc l’entraîneur du Real Madrid. Depuis lundi soir, c’est une double réalité. Parce qu’il est Zidane, parce que c’est le Real, il s’agit incontestablement d’un évènement majeur. L’attraction mutuelle entre les deux parties était trop forte pour qu’une autre issue soit envisageable. Le pipeau politico-médiatique des dernières semaines (« Benitez n’est pas le problème, Benitez est la solution », dixit Florentino Perez, « Benitez est la personne qui doit s’occuper du Real », dixit Zidane, tout ça pas plus tard qu’en décembre) a fait long feu. Benitez était bien le problème, une partie au moins. Zidane est la solution. Celle choisie par le club castillan, en tout cas. Au vu de la trajectoire du génial numéro 10 tricolore, c’est à la fois une colossale surprise et une totale évidence de le voir débouler là. Zidane n’est pas de ces joueurs dont on a pu se dire, du temps de leur splendeur, « lui, ce sera un grand entraîneur ». Ni entraîneur tout court. Il n’y a jamais eu d’automaticité entre l’accomplissement de l’artiste Zizou et un éventuel avenir d’entraîneur. A ce titre, pour le comparer à un de ses illustres partenaires de 1998, il est l’anti Didier Deschamps. On a toujours su que DD transposerait un jour son cerveau du pré au banc.
Dès les premiers pas de la Dèche, du haut de ses 20 ans, c’était couru d’avance. Et sa trajectoire (grand club français, grand club européen, équipe de France) suit une courbe prévisible. Jean-Claude Suaudeau, qui l’a eu sous la main à Nantes du temps de sa jeunesse, l’a toujours dit : il savait que Deschamps épouserait ce destin-là. « Dans son comportement de joueur, avait expliqué le grand Coco dans Le Parisien voilà quelques années, il avait déjà des aptitudes pour ce métier. Chez lui, on voyait déjà poindre l’entraîneur. On voyait vraiment que ça l’intéressait. Il imprimait la mentalité d’entraîneur dans son engagement et ses réflexions de joueur. »
Une première pour un club aussi exposé
Chez Zidane, il n’y a jamais eu cette forme de prédestination. Reste que le choc, ce n’est évidemment pas tant de le voir embrasser cette nouvelle carrière, que de subir son dépucelage au Real Madrid.
C’est même totalement inédit. Qu’un ancien joueur, avec une telle place dans l’histoire du football, effectue ses premiers pas de coach à la tête d’une équipe aussi imposante et d’un club si puissant, c’est probablement du jamais vu. Rien d’approchant, en tout cas.
Certes, on pourra aller chercher un Guardiola au Barça. Mais Pep était l’enfant de la maison, et, dans son rapport à la fonction, le Catalan était davantage en mode Deschamps, à savoir un entraîneur « naturel ». Cruyff a débuté à l’Ajax en 1985 mais lui aussi était chez lui, et l’Ajax de 1985, ce n’était pas le Real de 2016.
Les rares qui ont commencé par des fonctions majeures l’ont le plus souvent fait, comme nous l’expliquons par ailleurs, à la tête d’une sélection (Platini et les Bleus, Beckenbauer et la Mannschaft, voire Maradona et l’Argentine même si le Pibe de Oro avait connu une toute petite expérience une décennie plus tôt…), jamais d’un club aussi exposé que le Real. Très franchement, si, à la fin du siècle dernier, vous m’aviez dit que Deschamps, ou Laurent Blanc, deviendraient les entraîneurs qu’ils sont aujourd’hui, je n’aurais pas tiqué une seconde. En revanche, si quelqu’un avait avancé « Zidane débutera sa carrière d’entraîneur à la tête du Real »…
Perez avait besoin de lui
Derrière ce double étonnement pointe pourtant une forme de logique implacable. Pas au vu de ce qu’il fut, mais de ce qu’il est devenu : une icône madrilène. L’Icône, avec un grand I. La seule, peut-être, capable de « sauver » Florentino Perez. C’était Zidane ou rien. C’est évidemment davantage son aura de joueur que sa formation de technicien qui incite aujourd’hui le patron du Real à franchir le pas. Son crédit est tel, sa cote d’amour aussi, que Zidane était devenue une tentation. Et c’est bien connu, « le seul moyen de se délivrer d’une tentation, c’est d’y céder. » Chez Zidane, le crédit du joueur supplante encore aujourd’hui les doutes quant à ses qualités réelles en tant qu’entraîneur.
Adjoint de Carlo Ancelotti puis entraîneur de la castilla, Zidane a été programmé pour devenir entraîneur de la Casa Blanca. Il est donc difficile de tomber de l’armoire aujourd’hui. Il s’avance « fort » de ses quelques armes de coaching au sien de la maison castillane, même si elles paraissent fragiles à l’aune du défi proposé. Zizou avait envie de ce défi (comment le refuser, d’ailleurs?), et Perez avait besoin de lui. A tort ou raison, l’avenir le dira. Les deux hommes jouent gros. Notamment Zidane car, commencer une ascension en étant installé au sommet, c’est, a minima, original. Avoir été un immense joueur ne prédestine pas forcément à devenir un immense entraîneur. Mais après tout, pourquoi cela devrait-il être rédhibitoire ?