La présidente de l’Instance sahraouie contre l’occupation marocaine (Isacom), Aminatou Haidar, a dénoncé le mutisme et l’inaction de la communauté internationale face aux violations grandissantes de l’occupant marocain dans les territoires sahraouis occupés. Elle a souligné que « cet état de fait est à l’origine du scénario de guerre en vigueur depuis novembre 2020 et la répression sans précédent des militants sahraouis, par les autorités de l’occupation marocaines ». Dans un entretien accordé à la fondation suédoise Right Livelihood, la figure emblématique de la lutte sahraouie a indiqué que le scénario de guerre en vigueur dans les territoires sahraouis occupés depuis le 20 novembre 2020 est dû, « en plus de la violation par le Maroc du cessez-le feu, au silence et à l’inaction de la communauté internationale et des Nations unies ». Ajoutant aussi que « Pour ceux d’entre nous qui vivent sous occupation marocaine dans les zones occupées, la situation empire. En ce moment, je parle (avec l’ONG, ndlr) de chez moi et la police est à l’extérieur, mais mon cas n’est pas unique. Tous les militants et activistes sont assiégés par la police. Et bien sûr, ceci afin d’empêcher toute forme de protestation ». La militante sahraouie a précisé que ceci se produit « au vu et au su » des organisations internationales, dont la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), basée à « quelques mètres » de chez elle mais « qui ne fait rien », dénonce-t-elle. « Ils (les Casques bleus de la MINURSO, ndlr) n’appellent pas, ne posent pas de questions sur notre situation et ne nous saluent même pas », a-t-elle encore déploré.
Le Makhzen hanté par les chants révolutionnaires
Interrogée, dans le même contexte, sur le secret de la persévérance et la résilience des militants sahraouis d’aller de l’avant en dépit de cette insupportable situation, Aminatou Haidar a souligné que ces derniers puisent leur force et leur détermination de leur conviction qu’ils défendent leur droit et une juste cause, ainsi que des soutiens qu’ils ont établis à l’international et des nouvelles technologies qui leur permettent de faire entendre leur voix. « La situation s’aggrave, mais au moins maintenant nous avons établi des relations internationales, et nos voix se font entendre. Actuellement, j’envoie ce message de chez moi par votre intermédiaire, ce qui n’était pas possible auparavant », a-t-elle déclaré, notant que « grâce à ces connexions et à la puissance des réseaux sociaux et d’internet, les Sahraouis sont enfin entendus ». Sur la question de savoir comment l’identité sahraouie est visée par l’occupant, le récipiendaire du prix Nobel alternatif de Right Livelihood a fait savoir que « le Maroc a utilisé de nombreuses méthodes pour éliminer la culture sahraouie ». « L’occupant marocain a, entre autres, interdit la musique sahraouie, particulièrement le chant révolutionnaire dans les territoires occupés, effacé totalement la culture et les traditions sahraouies des programmes scolaires et produit des documentaires et films véhiculant la culture marocaine », a-t-elle indiqué. Selon la figure de proue du combat sahraoui pour l’indépendance, « le but recherché à travers ces méthodes est de faire passer le message tant au monde extérieur qu’aux Marocains, que les Sahraouis sont ‘similaires’ aux Marocains ». Elle a noté, à ce titre, que les Sahraouis ne se laissent pas faire et continuent toujours d’expliquer aux enfants que la culture marocaine n’est pas la leur. Pour ce qui est de la symbolique du 50e anniversaire du déclenchement de la lutte armée sahraouie et de la création du Front Polisario, Aminatou Haidar a indiqué que ces 50 ans ont été certes marqués par la perte de beaucoup de martyrs sahraouis dans le champ d’honneur, mais ont été aussi synonymes de beaucoup d’acquis et de succès pour la cause sahraouie. « Ces cinq décennies ont conduit au développement d’une société sahraouie moderne qui accorde une grande importance à l’humanité, à la tolérance et à l’autonomisation des femmes, qui sont respectées et occupent des postes de premier plan dans tous les domaines », a-t-elle déclaré. Selon elle, la motivation des femmes sahraouies, qui se battent aux côtés de leurs frères, découle notamment de leur aspiration à la liberté et du désir de jouir pleinement de leurs droits en tant que citoyens sahraouis à part entière. Aminatou Haidar a affirmé, à cet égard, qu’en tant que militante des droits de l’Homme plaidant pour l’autodétermination, elle est pleinement consciente qu’elle peut faire face à des conséquences importantes, mais la militante comprend également que « la condamnation la plus sévère serait de garder le silence et d’accepter que (son) peuple se résigne à l’injustice ».
M. Seghilani