Tayeb Laoufi, au même titre que des dizaines de cadres intègres qui ont servi leur pays avec dévouement, avait subi la hogra d’une Issaba qui avait volontairement confondu entre la loi et la puissance, le bien public et le domaine privé. Cet Oranais qui porte l’amour de sa ville en bandoulière, est père de trois enfants. Il est le digne fils d’une lignée qui a servi le pays avec abnégation, dont le père est un cadre à la retraite du secteur des finances.
Il ne se montre pas aigri ni revanchard, mais il avoue qu’il n’est pas prêt de pardonner à tous ceux qui lui avaient fait du mal, des années durant. « Usant de leur statut et de leur puissance, ils nous ont fait vivre un calvaire. Je me réjouis aujourd’hui du fait que la vérité a fini par triompher et que justice ait été rendue », dira-t-il. Ce passionné des chevaux de sauts d’obstacles garde toujours l’œil vif et l’esprit vivace. Il pourrait participer avec brio dans la dynamique de développement des villes. « Je reste convaincu qu’une nouvelle page s’ouvre pour le pays. Notre réhabilitation par la justice algérienne en est la preuve », fera-t-il remarquer.
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il jette un regard critique sur la gestion du foncier qui avait fait d’Oran, un filon dilapidé par une mafia aujourd’hui démasquée. « Ma foi a été toujours grande et j’ai toujours cru en la grâce d’Allah et en la justice algérienne qui a fini par faire triompher la vérité », a indiqué M. Tayeb Laoufi, l’ancien directeur de l’Agence foncière d’Oran, victime des pratiques de la Issaba, qui l’a trainé dans la boue, au même titre que l’ancien wali d’Oran Bachir Frik et d’autres anciens responsables d’Oran aujourd’hui blanchis par la justice.
Partant de la maxime que quel que soit le mensonge la vérité finira toujours par triompher, M. Laoufi, qui est de formation ingénieur des travaux publics et père de trois enfants, a mené un combat qui s’apparentait, il y a quelques années au combat du pot de fer contre le pot de terre. « Je porte un nom très respecté à Oran et je me devais de lui faire honneur. De plus j’ai fait mes études dans des écoles prestigieuses et j’ai été élevé dans le respect des lois et des règlements. Je vais vous faire une confidence, enfant encore à l’école primaire, je savais faire la différence entre un comptable, un expert-comptable ou un commissaire aux comptes grâce aux enseignements que me prodiguait mon père, haut cadre des finances. Je ne vois pas pourquoi j’effacerais tous ces acquis pour verser dans l’illégal. », a-t-il indiqué.
M. Laoufi avait fait son stage de fin d’études d’ingénieur à l’aéroport d’Oran avant de se voir confier la gestion du projet du terminal à conteneur du port d’Oran qui était sous la coupe de la Sotramo (Société des travaux maritimes de l’Ouest). Par la suite, il répondra à une offre d’emploi qui lui avait permis de devenir le directeur de l’Agence foncière d’Oran. « Je n’ai rien trouvé à mon arrivée au mois de février 1992. J’ai dû me bagarrer pour installer une structure et mettre en marche une entreprise dotée d’une administration qui comptait au début 4 agents dont un gardien et qui se trouvait dans les vestiaires du stade Cepso. Après avoir réhabilité un immeuble, un vieux bâti à Sidi El-Houari que j’ai choisi comme siège, j’ai acquis des équipements et mis en marche l’entreprise. Lors du premier conseil d’administration, j’avais proposé une convention de contrôle avec un commissaire aux comptes pour assurer la transparence au niveau du traitement des opérations et la conformité des données financières de l’entreprise avec les normes en vigueur. La proposition a été approuvée et concrétisée alors qu’aucune loi ni instruction ne le préconisait aux agences foncières. J’avais également mis en place un système de gestion numérisé sous réseau pour permettre la circulation de l’information entre tous les services pour permettre l’archivage des actes, alors qu’ailleurs c’était toujours une gestion archaïque. C’était une première nationale à cette époque », a-t-il souligné, précisant qu’il avait trouvé dans le compte de l’agence un montant de 3 millions de dinars comme avance sur des terrains vendus et une dette de l’EPCTR, de 17 millions de dinars pour un contrat douteux VRD d’un terrain à Canastel acquis par des cadres de la wilaya et de l’APC. « J’avais aussi trouvé des centaines de dossiers ayant été traités et approuvés par la commune d’Oran et par l’administration de wilaya que je devais régulariser par application à la loi 90/25 », a-t-il précisé.
Après s’être attelé à donner à l’agence foncière les moyens de gérer le patrimoine foncier de la ville et assaini plusieurs affaires de contentieux qui avaient entravé la réalisation de plusieurs projets d’investissement, il a construit une véritable banque de données et une nouvelle méthode de maîtrise dans les nouveaux projets lancés. Cela permettait à Oran de disposer d’une carte d’identité de son domaine foncier. « Je me rappelle qu’en 1993, on avait établi le premier acte de propriété délivré par une agence foncière, c’était celui du terrain sur lequel est établie la clinique Nekkache. Lahcene Seriak, l’ancien directeur du cabinet du ministère de l’Intérieur à l’époque, lors d’une réunion centrale des directeurs d’agences foncières l’avait distribué à l’ensemble des participants en leur demandant de le prendre comme modèle et de s’en inspirer », a-t-il souligné.
La machination se met
en marche
Les problèmes du foncier à Oran connaîtront leur apogée après la décision du chef de daïra de Bir El-Djir et le maire de la commune de créer en catimini une agence foncière à Bir El-Djir, en contradiction avec la décision de l’ex-wali feu A. Houri qui avait instruit, en réunion officielle, le chef de daïra et le président de la commune pour que la daïra de Bir El-Djir confie la gestion de son foncier à l’agence foncière d’Oran et cela avait pour objectif, d’une part que cette structure soit l’unique prestataire de tout programme de régulation foncière.
D’une autre part, définir une stratégie d’aménagement interurbain et doter Oran d’une programmation urbaine moderne. «Le début du sinistre était donc causé par la création de l’Agence foncière de Bir El-Djir et la nomination d’un directeur pas à la hauteur, et la décision prise de lancer le programme des coopératives immobilières. Je me suis opposé au fait que ces dernières passent par l’agence foncière vu l’impossibilité d’une maîtrise et d’une transparence. Le grand mal d’Oran a justement commencé avec ces coopératives qui ont détruit à une grande vitesse d’énormes superficies de valeur dans toute la wilaya d’Oran (plus de 30 000 lots), tout passait directement de wilaya et des domaines aux coopératives sans le moindre contrôle ou suivi », a-t-il expliqué. « La machine s’est mise alors en branle après mon départ de l’agence foncière pour broyer des innocents. Ce que je reproche à ceux qui nous ont trainés dans la boue est qu’ils ont piétiné les lois et ont répondu à une volonté de ‘’fakhamatouhou’’ de nous mettre en prison. Au lieu de respecter la loi, l’ancien chef de sureté d’Oran, Mokrani, a mené une enquête à charge, fabriqué des faux documents et des accusations mensongères. Pourquoi n’a-t-on pas chargé la Gendarmerie nationale à cette époque d’enquêter. C’était simple car le responsable de ce corps (l’ex-colonel Abdou référence de compétence), à cette époque était professionnel et intègre et ne répondait qu’à la loi. On nous a traînés en justice sur la base de faux documents et de rapports falsifiés. On m’avait reproché de vendre des terrains à des prix dérisoires, alors que cinq années plus tard, mon successeur avait cédé des terrains à haute valeur à des prix trois à quatre fois moins chers. J’ai laissé un portefeuille foncier qui jusqu’à 2008/2009 comptait encore des terrains en vente que j’avais achetés. Le projet Frange maritime Hai Khemisti en est une preuve. Il consistait en la création d’un quartier moderne et qui a été présenté au chef de gouvernement, il s’agit d’un aménagement d’urbanisme de haute valeur, tout un programme spécial y a été injecté. Après mon départ, il a été densifié de manière dangereuse (routes rétrécies, les grandes superficies réservées aux équipements, école, lycée, ont été attribuées aux promoteurs en trouvant l’astuce de modifier le Plan d’occupation des sols », poursuit notre interlocuteur. « Je ne pardonnerai jamais à ceux qui nous ont fait du mal et encore moins à ceux qui ont fait pleurer mon père, un responsable respecté de tous à Oran et par tous ceux qui l’ont côtoyé », dira M. Tayeb Laoufi. Très marqué par l’épisode douloureux qu’il avait vécu, il dira que parmi ses co-accusés, certains sont morts de chagrin durant le calvaire qu’ils avaient vécu. « J’ai été convoqué par les renseignements généraux de la sûreté de wilaya d’Oran. On m’avait demandé de leur fournir un état de mes biens et celui de mes proches, ce que j’avais fait sans rechigner puisque, aussi bien moi que ma famille n’avions rien à cacher. Nous ne possédions que nos domiciles dans lesquels nous vivions. Mais cela n’a pas empêché la machine de mettre en branle ses mors et de broyer des innocents. On s’est battu et on a trouvé refuge dans la justice de notre pays qui nous a blanchis. Je ne pardonnerais jamais à ceux qui nous ont fait du mal et ceux qui ont bradé le patrimoine foncier de la ville qui a profité à l’ex-chef de sûreté d’Oran. Ce dernier avait été ramené de Sidi Bel-Abbès pour les basses besognes et au lieu de travailler pour faire triompher l’ordre et la justice, il avait travaillé pour les cercles occultes devenus par la suite ce qui est actuellement désigné sous le vocable de Issaba », fera remarquer M. Laoufi.
Le wali d’Oran doit être soutenu dans son action
« Ici j’ouvre une parenthèse pour dire pourquoi ceux qui avaient donné des ordres sur notre affaire n’avaient pas pris en considération le rapport de la commission mise en place par Zeroual à cette époque ou encore celui de la Cour des comptes qui avait attesté de ma bonne gestion du foncier ? Ce sont des questions auxquelles devront répondre un jour ceux qui nous ont fait vivre un véritable enfer», dira l’ancien directeur de l’Agence foncière d’Oran. M. Laoufi ne manquera pas de souligner que la ville d’Oran a été martyrisée par les pratiques de la Issaba. L’actuel wali s’est retrouvé devant une véritable bombe et malgré toute sa bonne volonté et sa rigueur, les problèmes persistent toujours. Les grands retards enregistrés dans la réalisation des projets de l’aéroport et du nouveau stade, des projets phares de la wilaya d’Oran en sont la preuve. Le transport public dans la wilaya est pris en otage par une mafia et le ramassage des ordures qui devait en principe être assuré par les collectivités a été cédé au temps de l’ex-wali Boudiaf (2010/2013) à des prestataires privés en leur allouant un budget gigantesque de 400 M DA. Le constat établi par l’actuel wali fait froid au dos car la wilaya a souffert de non–gestion et aujourd’hui il faut faire face à une situation difficile et inextricable », avouera M. Laoufi qui ne manquera pas, encore une fois de rendre hommage à la justice algérienne, qui a fait triompher le droit et l’équité et qui a surtout rétabli la vérité sur un dossier créé et fabriqué de toutes pièces.
Slimane B.