Après le drame des inondations meurtrières de novembre 2001 à Bab El-Oued (Alger) et celui du séisme de Boumerdès (mai 2003), et qui ont emporté des centaines de vies humaines et occasionné des dégâts matériels considérables, les pouvoirs publics ont promulgué une loi – “04-20” en 2004 – portant sur la prévention des risques majeurs liés aux catastrophes naturelles.
Le texte prendra en compte tous les soubassements d’une stratégie nationale de prévention pour chaque risque.
Plus de 120 experts, toutes filières confondues, ont participé à l’élaboration de cette stratégie. “Malheureusement et malgré qu’elle a été votée par les deux chambres du Parlement, cette loi est restée, depuis, lettre-morte”, a regretté le professeur Abdelkrim Chelghoum, expert en génie parasismique et dynamique des sols et président du club des risques majeurs, également l’un des participants à la rédaction de la nouvelle loi, précisant d’emblée que “cette loi spécifie même l’organisation d’un organe national de la gestion de ces risques et la mise en place d’une stratégie de prévention globale qui aura ses relais au niveau de toutes les wilayas et APC”. Sur les risques d’inondations, cette loi “prévoit un plan général de prévention qui est sous-tendu par deux segments; le système de veille et le système d’alerte”, a expliqué le directeur des recherches à l’université USTHB d’Alger, interviewé hier par la Chaîne 3. Il a fait savoir que “les risques majeurs sont des phénomènes récurrents qui reviennent dans le même endroit avec la même intensité et une période de retour de plus ou moins déterminée. Cela dépendant de type de risque”. Un mois après les inondations de septembre dernier à Alger et autres wilayas qui ont fait au moins une dizaine de morts et des dégâts matériels alors que l’État n’a pu prévenir cette catastrophe malgré les multiples BMS, Abdelkrim Chelghoum a affirmé que 15 ans après sa promulgation, si la loi “04-20” a été appliquée dans toute sa “globalité et dans tous ses sous-bassements, le risque serait réduit au moins par 90 %”. “C’est l’objet d’une stratégie de prévention. Ce n’est pas d’éliminer le risque car le risque est l’aléa [de temps]. Le risque c’est l’aléa multiplié dans les enjeux”, a-t-il poursuivi. L’expert de renommée internationale a critiqué également le traitement réservé par les pouvoirs publics à ces problèmes : “Depuis 20 ans, on crée une commission étatique à la suite de chaque catastrophe naturelle. Je demande à ce qu’il mettent en place une commission d’experts indépendants pour enquêter.
C’est la seule manière d’avoir les éléments qui expliquent la catastrophe et c’est comme ça qu’on pourra avancer et dire la vérité car on se basera alors sur un état des lieux cohérent de la cause de ces catastrophes”, a-t-il analysé. “Depuis 2004, date de la promulgation de la loi 04-20, il y a des projets colossaux qui ont été érigés sur tout le territoire national et surtout au niveau des grandes métropoles comme Alger, Oran, Constantine…
À Alger, 90 % des projets (infrastructures, ensembles immobiliers…) ont été érigés sur des sols non constructibles. Et nous avions alerté déjà les pouvoirs publics”, a-t-il révélé, avec regret. Plus grave encore, le professeur Abdelkrim Chelghoum a révélé que “partout, à Chéraga, Ouled Fayet, Aïn Bénian, Rouiba, des projets de construction, allant jusqu’à
5 000 logements, ont été érigés aux abords et dans des lits mineurs des oueds.
Je peux vous citer 100 oueds à Alger. Donc, comment voulez vous que ces projets absorbent une secousse sismique importante?”. Ce laisser-aller est de la responsabilité des pouvoirs publics, accuse Chelghoum, qui a cité l’exemple d’un “ministre de l’Habitat qui arrive et qui donne tous les permis de construction et qui officialise les poses et les plans d’occupation des sols” au mépris de toutes les lois. Néanmoins, il souligne qu’il la situation est corrigible : “Ce n’est pas trop tard, malheureusement, il nous faut beaucoup de moyens, je dirais même un plan Marshall pour la protection des habitations et ouvrages qu’on a installés”.
Hamid Mecheri