Le samedi 13 février 1960, il y a 63 ans, à 7h04, la France effectuait son premier essai atomique, sous le nom de Gerboise bleue, à une cinquantaine de kilomètres de la ville de Hamoudia (Reggane), dans le Sahara algérien, alors sous son occupation coloniale. C’était le premier d’une série d’explosions nucléaires à Reggane, mais aussi dans d’autres régions du Sud algérien, qui ont été autant de crimes perpétrés par l’armée française à l’égard du peuple algérien.
«L’intention était vraiment celle de la terre brûlée et de l’extermination de la population », a indiqué, hier matin, Me Fatma Zohra Ben Brahem, avocate et chercheuse en droit et en histoire, dans une intervention sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio algérienne. La France coloniale voulait à tout prix devenir une puissance nucléaire sans se soucier de la santé de la population et encore moins de la faune et de la flore, a-t-elle expliqué. Plus grave encore, « la France avait prétendu que ces explosions se situaient dans des régions inhabitées et désertiques, alors que celles-ci abritaient quelque 40 000 âmes et 100 caravanes qui passaient tout le temps et chaque caravane avait au moins 170 personnes », a enchainé Me Fatma Zohra Ben Brahem. À ce jour, les séquelles de ces essais constituent un énorme contentieux dans les relations algéro-françaises. La loi française du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, n’a pas été appliquée aux Algériens. Les autorités françaises refusent d’ouvrir les archives se rapportant aux populations locales concernées et aux combattants de la lutte de libération qui étaient prisonniers et qui ont été utilisés comme cobayes dans ces expérimentations. La problématique liée à la réhabilitation des deux anciens sites d’essais nucléaires français, à Reggane et In-Ikker, est inévitablement posée à chaque fois que les relations entre l’Algérie et la France soulèvent les questions liées à la Mémoire. Il y a urgence dans ce domaine, au vu de l’impact de ces essais sur l’environnement et surtout sur la santé de la population avec des pathologies jusque-là méconnues dans la région et des cas de cancer ou de malformations chez les nouveau-nés. Au fil des années, de nouvelles maladies provoquées par la radioactivité sont apparues (cancer, leucémie, cécité et malformations congénitales), ainsi que les stress et troubles psychologiques chroniques qui pèsent lourdement sur la vie quotidienne des populations de la région. L’Algérie attend des autorités françaises qu’elles fournissent les cartes topographiques permettant la localisation des zones d’enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques. À la fin de l’année passée, dans un entretien accordé au quotidien français Le Figaro, le président Abdelmadjid Tebboune a demandé que « la France nettoie les sites de ces essais, vers Reggane et Tamanrasset, où la pollution est énorme », faisant part de son « souhait qu’elle prenne en charge les soins médicaux dont ont besoin les personnes sur place ». Quelques semaines après, la question mémorielle a été abordée par les travaux de la 9e session des consultations politiques algéro-françaises, tenus à Alger, sous la coprésidence du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Amar Belani, et de son homologue du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Anne Marie Descôtes.
La partie française, dans le but de concourir à «appréhender l’avenir dans un climat d’apaisement et de respect mutuel », s’est engagée à « accélérer le processus de restitution des archives et du traitement de la question des sites d’essais nucléaires qu’il convient de réhabiliter ». La question des essais nucléaires a été incluse dans la « Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé entre l’Algérie et la France », signée à Alger par le président Tebboune et son homologue français, Emmanuel Macron, au troisième jour de la visite officielle du président français en Algérie, en août dernier. À ce moment, il semblait y avoir la volonté d’«une prise en charge intelligente et courageuse des problématiques liées à la mémoire».
M’hamed Rebah