Une réflexion sur l’islam en France s’est tenue, hier à Paris, dans un contexte tendu marqué par la multiplication d’actes islamophobes et les polémiques ridicules visant la communauté musulmane.
Il y a d’abord eu ces arrêtés anti-burkini et la décision finale du Conseil d’État les jugeant non conformes aux «libertés fondamentales». Une décision que le Premier ministre, Manuel Valls, dont certains accusent de vouloir prolonger la polémique, des fins électorales partisanes. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a rencontré les responsables du Conseil français du culte musulman (CFCM), a indiqué qu’«une loi serait inconstitutionnelle», en réponse à plusieurs responsables politiques qui appellent à légiférer sur le sujet et, notamment, Nicolas Sarkozy, qui a annoncé vouloir réviser la Constitution «pour permettre une loi sur le burkini». À gauche, Jean-Luc Mélenchon s’est réjoui de la décision du Conseil d’État. Lors d’un discours tenu dimanche devant plus de 2 000 sympathisants, ce dernier a dénoncé une «farce sans nom» et parle d’une «honte pour notre pays et pour nous-mêmes».
François Fillon, ex-Premier ministre de Sarkozy et, aujourd’hui, son rival dans le cadre de la primaire de droite, explique être favorable à une loi, mais estime que «cette question ne doit pas monopoliser le débat». Lors d’un discours tenu également dimanche, il a indiqué vouloir «un contrôle administratif du culte musulman en surveillant les prêches et en interdisant les financements étrangers des mosquées». «Nous devons aussi revoir nos relations avec l’Arabie saoudite et le Qatar», a-t-il ajouté.
En pleine polémique sur le burkini, une nouvelle controverse a été provoquée par un restaurateur d’Île-de-France qui avait refusé de servir deux musulmanes portant le voile leur intimant l’ordre de quitter son établissement, après avoir tenu des propos islamophobes. Il a, depuis, présenté ses excuses, mais doit faire face à la justice puisqu’une enquête pour «discrimination à caractère racial» a été ouverte par le parquet. Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, annonçait hier avoir saisi la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme
C’est dans ce climat tendu que le ministre de l’Intérieur français a réuni «des responsables cultuels, personnalités de la société civile et parlementaires pour relancer la future Fondation pour l’islam de France». Jean-Pierre Chevènement sera bien le président de la Fondation, a confirmé le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. «Qu’un grand républicain en prenne la tête au moment de sa création, avec en son sein de nombreux musulmans, revêt une vraie dimension symbolique, puisque cette nouvelle structure sera le pont entre la République et les musulmans de France», a-t-il dit. Le Conseil d’administration de cette Fondation sera composé de onze personnes «parmi lesquelles le président du CFCM et trois représentants de l’État». Les responsables français ont opté pour des personnalités aux origines variées. On sait déjà que l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun figure parmi les membres, tout comme Ghaleb Bencheikh, islamologue franco-algérien. Le recteur de la mosquée de Lyon Kamel Kabtane et la jeune cadre supérieure franco-marocaine Najoua Arduini-Elatfani, connue pour avoir présidé le Club XXIe siècle (Association qui promeut la diversité et l’égalité des chances), feront également partie du Conseil d’administration.
M. B.