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SOLIDARITÉ AVEC GHAZA : La Caravane « Somoud » bloquée par l’Égypte

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La Caravane « Somoud », convoi civil et solidaire lancé depuis l’Afrique du Nord pour briser le blocus imposé à la bande de Ghaza, n’a pas pu aller bien loin. Dès son entrée en Libye par la ville de Syrte — une région sous le contrôle du maréchal Khalifa Haftar, allié du pouvoir égyptien —, la caravane a été interceptée et bloquée, signalant un cordon sécuritaire transfrontalier mis en place bien en amont par des régimes autoritaires soucieux d’empêcher toute manifestation publique de solidarité avec les Palestiniens.
La décision du gouvernement égyptien de refuser l’entrée à la Caravane « Somoud », n’a pas été improvisée. Le député et cinéaste Khaled Youssef, proche du pouvoir, a affirmé que les autorités avaient informé les organisateurs dix jours avant leur arrivée de leur refus, sur la base d’une « évaluation sécuritaire et politique approfondie ». Selon lui, ce refus visait à préserver la stabilité du pays, et non à s’opposer à la cause palestinienne. Il a par ailleurs vanté la fermeté de l’Égypte contre toute tentative de déplacement des Palestiniens hors de Ghaza, une allusion à la crainte d’un exode forcé vers le Sinaï. Malgré des tentatives de médiation par des figures reconnues de la vie publique égyptienne, comme l’ancien ministre Kamel Abou Aita, et la transmission officielle d’une liste nominative des participants, les autorités ont maintenu leur ligne dure. Deux jours après cette démarche, une interdiction ferme a été signifiée, accompagnée d’une menace de refoulement immédiat contre toute tentative de passage sans autorisation par le poste frontière de Rafah. Youssef a accusé les militants de provoquer sciemment les autorités, en prétendant ignorer la décision gouvernementale. Jeudi soir, une manifestation spontanée a rassemblé des dizaines de militants, journalistes et citoyens sur les marches du Syndicat des journalistes au centre du Caire. Drapés de drapeaux palestiniens, les manifestants ont scandé des slogans affirmant que le peuple égyptien est historiquement solidaire de la Palestine, dénonçant la complicité du régime avec le blocus israélien de Ghaza. Parmi les cris entendus : « Nous sommes les résistants, et le combat n’est pas aux frontières ». Peu après la manifestation, une campagne numérique virulente a été lancée par des journalistes proches du régime contre Khaled El-Balchi, président du Syndicat des journalistes. Il est accusé de « mettre en péril la sécurité nationale » en autorisant la mobilisation. Cette campagne reflète une volonté du pouvoir de museler toute expression publique qui contredirait la posture officielle égyptienne sur la crise de Ghaza.

Même sort pour la ‘’Global March’’ vers Ghaza
Dans un autre épisode répressif, le collectif Global March vers Ghaza a vu sa tentative de traverser l’Égypte violemment bloquée. Des dizaines d’activistes pro-palestiniens, dont plusieurs ressortissants belges, ont été arrêtés ou expulsés. D’après les organisateurs, les militants, partis du Caire en direction d’Ismailia, ont été interceptés, leurs passeports confisqués, certains molestés, puis embarqués de force dans des bus. Selon Seif Abu Kishk, l’un des responsables de la marche, les militants ont été retenus pendant six à sept heures, avant que les forces de l’ordre n’interviennent brutalement pour disperser le groupe. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent l’intensité de cette répression. Malgré la présence de personnalités publiques, dont des parlementaires étrangers et le petit-fils de Nelson Mandela, les autorités égyptiennes n’ont fait aucune déclaration officielle.

Un projet humanitaire qui fait peur
Les organisateurs ont dénoncé la campagne de désinformation diffusée sur les réseaux sociaux pro-régime, les accusant à tort de chercher à provoquer le chaos dans la capitale. Pourtant, leur objectif était clair : rejoindre al-Arich puis marcher jusqu’à Rafah pour dénoncer le blocus et acheminer une aide humanitaire essentielle à une population palestinienne en détresse. Douze ONG égyptiennes indépendantes ont publié une déclaration cinglante : elles accusent l’État d’avoir transformé la tragédie palestinienne en « opportunité économique ». Elles dénoncent les taxes exorbitantes imposées aux Palestiniens tentant de fuir les bombardements, atteignant jusqu’à 10 000 dollars par personne, encaissées par des sociétés affiliées au pouvoir, dont Ibrahim al-‘Arjani, un homme d’affaires proche du président Sissi. Même les citoyens égyptiens piégés à Ghaza n’ont pu revenir qu’en versant des pots-de-vin, ce qui renforce l’accusation d’économie parallèle cynique exploitant la souffrance d’un peuple.

Des Égyptiens emprisonnés pour leur engagement
Depuis le début du conflit en octobre 2023, au moins 150 Égyptiens, dont des mineurs, ont été arrêtés pour avoir exprimé leur solidarité avec Ghaza. Certains sont encore détenus sans procès, poursuivis pour des accusations infondées de terrorisme. Cette répression, selon les ONG, n’est que la poursuite de la criminalisation de toute forme de dissidence politique en Égypte. Les organisations signataires exigent des autorités égyptiennes qu’elles autorisent la libre expression de la solidarité avec Ghaza, qu’elle soit nationale ou étrangère, et réclament la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion, notamment ceux emprisonnés pour leur engagement pro-palestinien. Elles rappellent que plus de deux millions de Palestiniens vivent aujourd’hui à Ghaza dans une situation proche de la famine, sans accès à l’aide, sous un blocus meurtrier.
Le refus égyptien de laisser passer la Caravane Es-soumoud et la Global March vers Ghaza s’inscrit dans une logique où la souveraineté nationale est invoquée pour justifier l’immobilisme face au génocide. Le silence du Caire, son hostilité à la solidarité populaire, et la répression brutale de toute initiative, jettent une lumière crue sur une diplomatie obsédée par le contrôle interne, même au prix de trahir la cause palestinienne — pourtant défendue depuis des décennies par le peuple égyptien.
M. S.

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