L’Association de promotion de l’handicapé de Aïn-Kechra, ou APH, a initié, en collaboration avec l’EPSP (établissement public de santé de proximité), une sortie de soutien psychologique, d’assistance logistique et d’orientation médicale au profit de 9 personnes handicapées résidant dans le territoire de la commune de Aïn-Kechra. C’était ce samedi, jour de repos pour le commun des mortels. Périodiquement, l’APH sollicite les services d’un médecin et d’un infirmier, Boutalba Amar et Talhi Salah-Eddine, des moyens matériels (bus) et humains (chauffeur) de l’Assemblée populaire communale de Aïn-Kechra, pour répandre un peu d’humanisme dans les demeures recelant en leur sein un handicapé ou plusieurs, qu’il soit mental ou moteur. La situation sociale des concernées leur importe peu : riches ou pauvres, l’APH leur rend visite, pourvu que l’handicap y soit.
Vivant pour la plupart au niveau du chef-lieu de la commune, les personnes âgées entre 8 et 73 ans présentent un dénominateur commun: elles ne savent pas à quel saint se vouer. Multipliant les visites médicales chez des généralistes dans les établissements publics hospitaliers, pour les plus démunies, et chez des spécialistes (Bzezel Khadidja, handicapé mental, 55 ans, en est à son troisième médecin depuis 12 ans), pour celles se considérant comme mieux nanties, forçant un peu les doses prescrites par ignorance, ne sachant à quelle porte frapper pour bénéficier d’un fauteuil roulant leur permettant de se déplacer intra-muros (Mekhaba Fatima, 71 ans, handicapée moteur, diabétique, non-voyante, qui a bénéficié le jour même d’un don de l’association, en un fauteuil roulant faisant partie d’un lot octroyé par l’importateur Bouteldja, à Alger); gérant stoïquement l’alliage entre pathologie et précarité (Laâroud Hocine, père de 8 enfants dont 2 handicapés, serveur dans un café) ; combattant amèrement le regard oblique, ou ce qui s’y apparente, de la société souvent par un repli et un arrêt de scolarisation (Boulahdid Hamza, 18 ans, handicapé moteur, non-scolarisé depuis la 5e année primaire) ; recherchant vainement l’accessibilité à leurs propres demeures (Boulainine Abdelaziz, 73 ans, diabétique amputé de la cuisse gauche et du pied droit, ancien employé du secteur de l’éducation, habitant le 2e étage de l’immeuble, tentant depuis des années d’échanger avec une âme charitable un logement situé dans un étage inférieur).
La liste des contraintes vitales est longue à énumérer, le handicap de quelques personnes a été encore accentué par le désœuvrement, la précarité, le chômage parental et surtout paternel, l’enclavement.
Le fait d’avoir beaucoup d’enfants, volonté divine, a été aussi pour beaucoup, le chômage aidant, dans la difficulté de prendre en charge les besoins médicamenteux, logistiques et même psychologique des personnes atteintes de tétraplégie, paraplégie et « myastémie». Le niveau d’instruction pose également problème, notamment pour les membres de la famille du malade, censés rapporter fidèlement à celui-ci les recommandations et les orientations du médecin traitant.
On a relevé également au cours de notre sortie, que la majorité des handicapés se traitent à Constantine ! ils justifient leur déplacement par des considérations de niveau des médecins par rapport à ceux en exercice au chef-lieu de la wilaya et par le «désœuvrement» dans lequel se trouve les structure de santé à Aïn-Kechra ou à Collo, commune la plus proche de leur lieu de résidence. Le manque de suivi serait derrière le fait de la perpétuation de l’handicap.
Hormis lors de dates conjoncturelles, ces êtres sont les oubliés du temps oublieux. Ils ne constatent le «foulage » du sol de leurs demeures que lorsque l’APH les inscrit dans l’agenda de son travail.
La joie affichée lorsqu’elle celle-ci est l’hôte de leur douleur n’est qu’un indicateur de la solitude subie par des personnes dont le seul tort, aux yeux de la société, est celui d’être nées ou devenues pas tout à fait «normales». Solitude qui s’estompe dès l’accueil d’une personne étrangère à la localité ou dissemblable à la physionomie ambiante. Le remède à leurs déboires suggère une mise en place coordonnée de mesures versant dans la satisfaction des revendications en matière d’emploi, de transport et d’hygiène (couches pour bébés), et ce, pour ne citer que celles-là.
D’où la question à poser : les efforts consentis par cette association, qui a eu le mérite, faut-il le rappeler, d’inscrire le nom de la wilaya de Skikda sur le fronton de la ville de Génève lors de la 12e Assemblée des états-parties sur l’interdiction des mines antipersonnel (CIMAP), qui s’est déroulée du 3 au 7 décembre 2012, sont-ils suffisants ? Non. L’aide de l’état, à travers notamment ses démembrements locaux, est indispensable.
L’équipe pluridisciplinaire qui sillonne les maisons, en temps de canicule, lors des torrents et du vent froid, est dirigée par Laissoub Abdelaziz, président, et de Kaouane Abdeslam, trésorier, Ghechir Abdelkrim, premier vice-président. L’objectif, comme déjà rapporté, est de partager la douleur de leurs siens, de faire des gestes censés être quotidiens et réguliers (mesure de la glycémie, prise de la tension artérielle…), de définir les besoins médicamenteux et/ou logistiques des patients dans la perspective de les satisfaire, de soutenir psychologiquement ceux dont la situation socioprofessionnelle est plus ou moins aisée, donc pouvant se passer de l’aide en moyens matériels ciblant les plus démunis.
à l’actif de l’APH, plusieurs actions. Citons-en les plus importantes : La première a eu lieu en 2010-2011 à Skikda, s’étalant sur deux journées d’information, abordant la thématique des victimes des mines antipersonnel (l’association en a comptabilisé sept sur le territoire de Aïn- Kechra, cinq de la Guerre de Libération nationale et deux issues du terrorisme).
Ces actions ont été précédées par une campagne de sensibilisation, en 2009 et en 2010, ayant ciblé les établissements scolaires implantés sur le territoire de la commune de Ben-M’hidi, wilaya d’El-Taref. Le choix de celle-ci est motivé par le fait de son implantation le long des lignes Challe et Morice.
La deuxième s’est tenue à Skikda, dans la salle des conférences du Centre des loisirs scientifiques (L’ex-Monoprix), le 28 juin 2012, placée sous l’égide de l’ONG Handicap International et organisée conjointement avec l’Union de wilaya des handicapés moteurs et mentaux, et intitulée «Séminaire national sur l’accessibilité : Réalité et perspectives ».
Le même thème a été reconduit pour une autre rencontre, à Aïn-Kechra, le 18 juin 2014. L’association a eu le privilège de bénéficier d’un projet dans le cadre du programme d’insertion sociale et économique des handicapés et des victimes des mines antipersonnel, toujours sous la houlette de l’ONG précitée, entamé en 2011.
Son bénéficiaire est un estropié du bras droit, il a pu, avec l’aide de l’ex-maire de Aïn-Kechra, avoir un local situé sous les gradins du stade communal, qu’il a transformé en cordonnerie.
à travers ces colonnes, l’APH lance un appel aux autorités de wilaya d’accélérer la concrétisation du projet d’un atelier de couture au profit de trois handicapées moteurs, dont une est atteinte de surdité, dans le cadre du programme d’insertion des handicapés.
Zaid Zoheir