Par l’expert financier Noureddine Legheliel
Correspondance particulière de Stockholm
La politique économique et financiére du président turc Erdogan est belle et bien la source et la cause de cette crise. Le boom économique qu´a connu la Turquie ces dernières années a engendré une confiance teintée de naïveté des dirigeants turcs envers les acteurs des marchés financiers internationaux.
Les décideurs politiques et économiques turcs semblent oublier ou ignorer la crise financière asiatique de 1997-1998 qui avait durement frappé les économies des pays du sud-est asiatique appellés jadis les dragons. Le scénario de la crise asiatique vient de se répeter en Turquie. En quelques lignes on explique l´autopsie d´une crise financière classique .
Un pays quelconque qui a connu durant de longues années une forte croissance économique ( parfois à deux chiffres ) voit sa monnaie se déprécier graduellement. Les acteurs internationaux des marchés des forex ( Georges Soros and co ) et les fonds de placement à haut risque dont la majorité sont américains alimentent la montée des cours de cette devise à travers des achats permanents . Nous sommes ici dans un cercle vertueux avec une économie forte et une monnaie surévaluée.
Mais à toute chose il y a une fin et dès que les premiers symptomes d´un déclin de conjoncture économique apparaisssent ou même si les prémices d’ une stagnation se confirment, les même acteurs qu´on a déja cité auparavant tournent leur fusils et à travers une vente à découvert massive accélerent la dépréciation de cette monnaie, ce qui incite souvent la banque centrale de ce pays à procéder à un achat – soutien de la monnaie locale, malheureusement de telles interventions échouent dans la plupart des cas et la chute de la monnaie reprend de plus belle, les 3 agences de notation financière interviennent et déclassent la note financière de ce pays et avertissent sur l´incertitude de ses pespectives d´avenir, les investisseurs étrangers s´inquiétent et vendent leurs actifs libellés dans cette devise .
Seconde vague de spéculation à la baisse sur ladite monnaie
Pour empêcher la fuite des capitaux et pour rendre confiance et attier de nouveau les investisseurs étrangers, la banque centrale décide de relever fortement ses taux d’intérêt , la monnaie se stabilise pour quelques jours ou même quelques semaines mais la grosse main de ces fameux speculateurs surfe sur une seconde vague de speculation à la baisse sur ladite monnaie et c’est ainsi que ce pays se retrouve dans la spirale d’un cercle vicieux . Il est vrai qu à travers toutes ces étapes, le rôle joué par ces spéculateurs dans cette crise demeure une question discutable. Les spéculateurs ont-ils raison d’agir ainsi ? ou sont-ils les acteurs d’un complot destiné à déstabiliser l’économie d’un pays quelconque. Si l’on se réfère à la logique économique en observant la réalité sur le terrain nous pourrons probablement s´en passer de la théorie du complot, car d´une part une monnaie ne peut pas s’apprécier éternellement et que tôt ou tard le marché corrigera cette monnaie surévaluée et d’autre part les spéculateurs ne s’attaquent à la monnaie d’un pays quelconque que si l’économie de ce pays montre des signes de faiblesse, et la Turquie illustre bien cette thése. Les points faibles de l’économie turque se définissent par une épargne interne presque inexistante, une inflation galopante, un déficit budgétaire qui venait de dépasser le montant des IDE en Turquie, une coissance économique tirée par l’endettement extérieur. Toutes ces faiblesses de l’économie turque ont facilité la tâche aux spéculateurs internationaux des marchés des changes pour mener avec succès une vente à découvert à grande échelle contre la livre turque
Ce scénario, qu´on venait de décrire, s’est produit en Suéde durant l’été et l’automne de l´année 1992, au Royaume-Uni pendant le mois de septembre 1992 ( black Wednesday 14 septembre ) dans les pays du sud-est asiatique durant l’année 1997-1998, au Mexique durant l’année 1995 et en Argentine 1999-2002.
Chaque pays qui a été touché par cette crise a trouvé une issue de sortie, les Suédois et les Britanniques avaient laissé leurs monnaies flotter librement, le Mexique avait sollicité l’aide de son puissant voisin ( les États-Unis d’Amerique) tout en hypothéquant à ce dernier sa manne pétrolière pour une periode de 10 ans, l’Argentine s’est tournée vers le FMI.
Quelle est la solution à la crise financière turque ?
À mon humble avis je penses que Primo : les Turcs auraient dû procéder à une limitation des volumes d’échanges des parités de leur monnaie envers les devises du panier des six . Secondo : interdire momentanement la vente à découvert de la livre turque ou relever à plus de 70% de taxe sur les bénéfices engendrés sur la spéculation à la baisse de la monnaie turque (l’exemple du courageux président malaisien Mohamed Mahatir durant la crise asiatique de 1998 ) .Tertio : élaborer un grand plan d’épargne et de rationalisation des dépenses publiques turques. Quattro : se débarasser du talon d’achille de l’économie turque qui est la faiblesse de l’épargne interne et renouer avec une politique d’épargne à l’echelle nationale, et finalement lutter contre l’inflation.
N. L.