L’hypermédiatisation de la découverte des écoutes de trois chefs d’État français, dont François Hollande, par la NSA, continuent à soulever des interrogations, quant à la relation entre pays alliés et au jeu des États-Unis au profit de leurs seuls intérêts. Quant aux réactions au plus haut niveau et d’éventuelles mesures de rétorsion, l’ancien chef de la diplomatie française, Roland Dumas, ne se fait aucune illusion sur ce que fera François Hollande, et l’on peut partager son pessimisme. Les révélations de WikiLeaks interpellent plutôt les Français que Hollande, lui-même, qui se voit poussé à réagir à une situation qu’il connaissait déjà, mais qu’il doit faire semblant de découvrir. François Hollande ne peut évidemment rien faire de concret, sinon demander un peu plus de discrétion de la part des agences américaines. L’ancien ministre des Affaires étrangères français, Roland Dumas, s’est dit «surpris», mais pas «choqué» par l’affaire des écoutes téléphoniques organisées par les services secrets américains pour espionner les présidents français Chirac, Sarkozy et Hollande. «Je ne suis pas choqué par le comportement des autorités américaines, mais je suis surpris», a, en effet, déclaré Roland Dumas à la chaîne de télévision anglophone russe «Russia Today». L’ancien ministre des Affaires étrangères sous François Mitterrand a, à ce propos, appelé à la vigilance «vis-à-vis des Américains», affirmant qu’il a toujours soutenu que la France était «sur le mauvais chemin dans [ses] relations avec la Russie» et qu’il fallait qu’elle «change de méthode dans [ses] discussions avec nos amis russes». «Nous devons changer notre politique.
C’est en partie la faute de la France, car quand nous avons rejoint le commandement intégré au sein de l’Otan, il fallait s’attendre à une onde de choc et c’est ce qui vient de se produire», explique Roland Dumas, qui estime que la réaction de la France ne sera pas forte:«Il n’y a pas de doute que le gouvernement français va réagir, mais sa réaction sera faible, car la France est en position de faiblesse dans sa relation avec les États-Unis». Pour Roland Dumas, la France «a perdu sa liberté de décision dès lors qu’elle a décidé de faire partie du commandement intégré» de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. Nostalgique de l’époque du général de Gaulle, l’ancien chef de la diplomatie française souligne la nécessité d’une riposte de Paris:«Il faut qu’il y ait une réaction très forte comme celle du général de Gaulle dans les années 50 et 60, lorsque les relations entre la France et les États-Unis traversaient un crise similaire. Mais je suis conscient que de Gaulle n’est plus de ce monde et qu’il est mort depuis fort longtemps». Dumas use, ainsi, d’une métaphore pour décrire la position de faiblesse de la France d’aujourd’hui face à l’hégémonie américaine. Roland Dumas avait appelé, en avril dernier, à engager une «grande réflexion» et «un grand débat» en France sur la politique étrangère de l’Élysée. Il avait rappelé la situation en Libye qui est «dans un état lamentable» depuis l’intervention de la France dans ce pays et l’«éviction» de Kaddhafi.
«Une erreur», selon ce diplomate chevronné qui s’est «toujours battu pour que la France «maintienne des relations avec la Libye de Kaddhafi» et «négocie avec Bachar al-Assad» en Syrie. Mais il n’a été écouté ni dans l’un ni dans l’autre dossier dans lesquels la France a mis deux régions du monde dans une situation d’instabilité et d’insécurité. Roland Dumas estime par ailleurs qu’il «ne faut non plus se faire d’illusions. L’espionnage existe depuis la nuit des temps. Ce qui est déloyal dans la situation actuelle c’est qu’on a un allié, un ami qui est l’Amérique. Ce pays envoie chez nous des commissaires, des ambassadeurs, des chefs du gouvernement, des chefs d’État qui s’embrassent régulièrement lorsqu’ils se revoient. Mais on apprend finalement qu’en réalité, ce pays-ami a mis en place tout un dispositif pour nous espionner. Ça ne se fait pas. Ce n’est pas convenable. Et ce n’est pas la première fois que cela se passe. Cela a été le cas avec madame Merkel et ça s’est produit dans d’autres pays européens. Je considère, qu’aujourd’hui, le système qui est en train de se mettre en place vise le rôle des alliés. C’est très nuisible à l’amitié entre les pays».
Par ailleurs et au moment où les medias français et internationaux s’emparaient de ce dossier, à l’Assemblée nationale française était voté la nouvelle loi sur le renseignement français élargissant les moyens des services de sécurité, qui n’a rien à envier aux lois et aux méthodes de leurs homologues américains. Sauf que la France n’a pas les moyens financiers notamment mis en œuvre par la NSA et les dix-sept démembrements de la communauté du renseignements US.
Pour surveiller la Planète. Cette nouvelle loi française qui est pour ses détracteurs un Patriot Act à la française comporte même un amendement glissé subrepticement et sans débat un amendement permettant d’espionner, de suivre d’écouter et de géo-localiser avec des moyens sophistiqués les étrangers de passage en France, diplomates officiels journalistes hommes d’affaires ou entrepreneurs
Mokhtar Bendib