Accueil ACTUALITÉ SAHARA OCCIDENTAL : Le sombre bilan de l’occupation marocaine 

SAHARA OCCIDENTAL : Le sombre bilan de l’occupation marocaine 

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L’année 2025 aura confirmé, avec une constance glaçante, que la question des droits humains au Sahara occidental demeure l’un des angles morts les plus persistants du système international. Tandis que le Maroc a poursuivi et intensifié son offensive diplomatique pour imposer une image de stabilité et de normalité politique sur le territoire occupé, la réalité vécue par la population sahraouie est restée marquée par la répression, la persécution judiciaire et l’absence quasi totale de mécanismes internationaux de protection efficaces.

Tout au long de l’année, les organisations sahraouies de défense des droits humains, appuyées par des médias indépendants et des plateformes internationales, ont documenté une série continue de violations : arrestations arbitraires, condamnations lourdes et disproportionnées, harcèlement policier permanent, restrictions systématiques des libertés d’expression, de réunion et de manifestation. Ces pratiques ne relèvent pas d’excès ponctuels ou de dérives locales, mais s’inscrivent dans une politique structurelle de contrôle et de dissuasion. Les cas impliquant de jeunes militants, des étudiants, des journalistes citoyens ou des familles de personnes disparues ont une nouvelle fois mis en lumière la nature profondément répressive de l’appareil sécuritaire et judiciaire déployé dans le territoire occupé. Parmi les figures les plus emblématiques, les mères de disparus continuent, souvent dans l’indifférence internationale, d’exiger vérité et justice pour leurs enfants, parfois disparus depuis plusieurs décennies. Leur combat pacifique est régulièrement réprimé, surveillé ou criminalisé. L’impunité reste l’un des éléments les plus alarmants du tableau. Quinze ans après l’assassinat de Saïd Dambar, et des décennies après les disparitions forcées documentées depuis les années 1970, aucune enquête indépendante n’a été menée, aucune responsabilité établie, aucune réparation accordée. L’absence de garanties de non-répétition est totale. Le message transmis est sans ambiguïté : dans le Sahara occidental occupé, la violence institutionnelle n’est pas seulement tolérée, elle est normalisée et protégée par le silence. À cette répression interne s’est ajouté, en 2025, un verrouillage de l’information de plus en plus systématique. Selon les données recueillies par des organisations sahraouies et des ONG internationales, entre 25 et 30 journalistes, observateurs internationaux, militants et défenseurs des droits humains ont été expulsés, refoulés aux frontières ou empêchés d’accéder au territoire au cours de l’année. Ce chiffre, qualifié de prudent par les organisations concernées, ne prend en compte que les cas rendus publics et n’inclut pas les nombreuses tentatives d’entrée avortées restées invisibles. Cette pratique ne relève pas de circonstances exceptionnelles. Elle s’inscrit dans une politique délibérée de contrôle du territoire et, surtout, de son récit. Parmi les épisodes les plus marquants de 2025 figurent plusieurs expulsions de journalistes européens venus documenter la situation des droits humains. En juillet, deux journalistes espagnols et un militant des droits humains ont été interceptés à Laâyoune, placés sous surveillance et contraints de quitter le territoire sans explication formelle, après avoir été déclarés personas non grata. Des situations similaires ont concerné des journalistes italiens ainsi que des membres de délégations civiles européennes, expulsés quelques heures après leur arrivée ou directement refoulés à l’aéroport. Ces faits ne constituent pas des anomalies. Depuis des années, le Maroc empêche systématiquement l’accès au Sahara occidental à la presse internationale, aux observateurs indépendants et aux organisations de défense des droits humains, faisant du territoire l’un des plus opaques au monde sur le plan de l’information. L’objectif est clair : empêcher l’observation directe, limiter la documentation indépendante et préserver un récit officiel qui ne résiste pas à l’épreuve des faits sur le terrain. Ce blackout informationnel structurel nourrit directement l’impunité. L’expulsion des observateurs ne viole pas seulement la liberté d’informer ; elle renforce l’isolement de la population sahraouie et entrave tout mécanisme crédible de reddition de comptes. Dans ce contexte, le silence n’est pas une absence involontaire : il devient un instrument politique à part entière. Ce silence est encore renforcé par une anomalie persistante au sein du système onusien. La MINURSO demeure, en 2025, la seule mission de maintien de la paix des Nations unies dépourvue de mandat de surveillance des droits humains. Malgré les appels répétés d’organisations internationales, d’associations de juristes et d’acteurs de la société civile, le Conseil de sécurité a une nouvelle fois éludé la question. La reconduction technique du mandat a prévalu sur toute avancée substantielle en matière de protection des civils. La stratégie marocaine apparaît ainsi double et cohérente. D’un côté, un renforcement du contrôle interne par un appareil sécuritaire et judiciaire toujours plus intrusif. De l’autre, une projection internationale soigneusement construite d’une image de stabilité, de modernisation et de « normalité », appuyée par des événements médiatisés, des campagnes de communication et des alliances diplomatiques ciblées. Dans ce cadre, les droits humains et la liberté de l’information ne sont pas des dommages collatéraux : ils constituent des obstacles qu’il s’agit de neutraliser afin de soutenir un récit politique incompatible avec la réalité du terrain. Face à cette chape de plomb, le peuple sahraoui a continué de faire preuve d’une résistance civique remarquable. Malgré la répression, la surveillance et l’isolement informationnel, les témoignages, les dénonciations et le travail de documentation se poursuivent. Cette résistance non armée, menée dans des conditions extrêmement adverses, demeure l’un des éléments les plus dérangeants pour ceux qui cherchent à présenter le Sahara occidental comme un dossier clos ou un « conflit dépassé ». Le bilan de l’année 2025 en matière de droits humains est ainsi profondément préoccupant. Non par manque de normes juridiques, de principes universels ou de résolutions internationales, mais par manque de volonté politique pour les appliquer. Tant que la communauté internationale tolérera l’expulsion des observateurs, le silence médiatique et l’absence de protection internationale, la répression restera le prix imposé au peuple sahraoui pour l’exercice d’un droit fondamental : celui de revendiquer librement son avenir. Dans ce contexte, le silence n’est ni neutre ni innocent. Il devient une forme de complicité.

M. Seghilani

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