Deux projets soumis à examen et au débat au niveau du Conseil de la nation ont réapparu, cette semaine, avec la réapparition d’ailleurs du président de la deuxième chambre parlementaire, Abdelkader Bensalah, éclipsé depuis plusieurs semaines. Il s’agit du texte de loi de procédure pénale et l’autre projet, tant attendu, inhérent à la révision du code pénal pour la criminalisation des violences faites aux femmes. Le premier texte en question porte sur la révision du code de procédure pénale et qui vise selon ses initiateurs la consécration d’une justice équitable, aussi bien pour la partie plaignante que les mis en cause, et ce, tout au long du processus de la procédure judiciaire. Soumis au débat, hier, par le ministre de la Justice et Garde des sceaux, Tayeb Louh, ce projet de loi a été adopté par l’Assemblée populaire nationale, rappelons-le, à la mi-septembre dernière, avant d’atterrir sur le bureau du Sénat. Faut-il souligner que la question de la procédure pénale a toujours été le maillon faible de la Justice. D’ailleurs, des spécialistes du domaine judiciaire, d’éminents avocats nationaux et des associations des Droits de l’homme, n’ont cessé, depuis des années, d’appeler à une révision profonde du mode de constitution du dossier des prévenus, en mettant en avant, et souvent comme crédo, le respect de la liberté et de l’intégrité des personnes, notamment celles mises en cause par le tribunal criminel. Ainsi, à cette question lancinante viennent se greffer les problématiques de l’indépendance de la Justice, du respect des droits des prévenus à travers la détention préventive et la présomption d’innocence, de la protection des témoins et des victimes, ou encore celle du délit de gestion. Pour Tayeb Louh, cette ordonnance de loi modifiant et complétant le code de procédure pénale, a pris en charge toutes les tares qui entachent le déroulement du procès, en raison du déficit dont souffre l’arsenal juridique en la matière.
Ce texte de loi s’inscrit selon le représentant du gouvernement dans le cadre de la réforme et de la consolidation de la Justice. Souvent, des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction qui relève du domaine pénal, avant même que des preuves n’attestent leur inculpation, sont soumises à une procédure «extrajudiciaire», en violation de leurs droits et de leur intégrité humaine. Cet état de fait s’explique souvent par l’arrestation brutale, une procédure d’instruction émaillée d’irrégularités et faite dans des conditions opaques et inhumaines, la détention préventive au lieu et place de privilégier la présomption d’innocence etc. Selon Louh, ce sont à ses questions qui font défaut à l’institution judiciaire que c’est attaqué son texte de loi, lequel traitant aussi, en profondeur, de la question de l’indépendance de la Justice. Même s’il reconnaît être difficile le fait d’«arracher le pouvoir judiciaire» des cercles occultes pour le placer, à juste titre, dans les mains des juges, le ministre s’en est tagué d’avoir accompli la mission que lui a confiée le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a-t-il indiqué. «Le pouvoir est au juge», dira-t-il fort à ce propos, comme pour affirmer que la présente loi permettra aux magistrats de jouir d’un pouvoir prédominant, en dehors de toute pression extérieure au tribunal.
Une telle pratique qui fait légion est souvent exercée sur le juge pour peser sur le cours du procès et la décision de la cour pénale. S’agissant des droits des prévenus, à la faveur de cette ordonnance révisée, toute arrestation d’une personne incriminée doit se faire sur la seule décision du procureur général, et selon une procédure qui répond à des lois respectueuses des droits du mis en cause. à titre d’exemple, le lieu et l’heure de l’arrestation vont être précisés lors de cette procédure et le procureur sera avisé à n’importe quel moment. Aussi, pendant l’établissement du dossier d’instruction, l’accusé a le droit absolu de prendre contact avec les membres de sa famille et ses avocats, et il peut s’entretenir avec eux pendant une trentaine de minutes. Selon ce même texte, aucune personne soupçonnée d’avoir commis un délit ne pourrait être privée de sa liberté de circuler, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, et encore moins l’arrêter sans un mandat du procureur général, qui est le seul habilité à le faire, a assuré Louh. Ce dernier a fait allusion aux échos faisant croire que des personnes, souvent hauts cadre ou responsables, auraient été interdites de quitter le territoire national et aurait été arrêtées au niveau des aéroports. «Hormis le procureur général, aucune autre institution civile ou sécuritaire ne peut prendre une telle décision», a tranché le ministre. L’autre question prise en charge dans ce texte est la détention provisoire qui ne peut désormais excéder 20 mois, selon Louh, estimant que la priorité est donnée aux libertés, allusion au droit à la présomption d’innocence.
Aussi, dans cette ordonnance, des lois ont prévu la définition stricte de la mission du procureur en tant que représentant du ministère public et celle du juge. A ce titre, «le procureur ne peut pas décider à la place du juge», a-t-il indiqué pour ne pas dire encore une fois que la décision du juge est irrévocable. D’autre part, en évoquant la protection des témoins et des victimes, Louh a précisé que la culture de témoignage doit être instaurée dans la société, pour contribuer à un procès équitable et juste. Même si, la protection de ces parties pour les pouvoirs publics demeure un couac. Une raison pour laquelle, nombreux sont les témoins qui manquent à la convocation du juge, justement de peur des représailles.
Farid Guellil