Dès la première heure du 14e vendredi de marche populaire pacifique, les manifestants ont subi des pratiques de répression de la part des forces de l’ordre. Hier matin, plusieurs arrestations sont opérées et ont ciblé plusieurs manifestants. Plusieurs axes routiers ont été fermés pour empêcher les citoyens d’accéder à la capitale. Des barrages de camions de la police ont été mis en place à Alger-centre pour disperser les manifestants et leur barrer la route vers la Grande-Poste. Ainsi, des partis politiques et des activistes que nous avons contactés par téléphone et d’autres qui ont réagi de leur bon gré se sont exprimés à ce sujet.
Le FFS : «Un État de siège à peine voilé»
De sa part, le FFS a dénoncé hier avec force «la répression et la violence systématiques utilisées par les tenants du pouvoir contre les manifestants et ceux qui souhaitent rallier la capitale pour marcher pacifiquement. Ainsi, écrit le vieux parti d’opposition dans un communiqué, « le FFS condamne cet état de siège à peine voilé appliqué pour se débarrasser d’une révolution qui ne fléchit pas. C’est le propre d’une dictature naissante». « Nous exigeons la libération immédiate des personnes arrêtées et nous affirmons qu’aucun dispositif sécuritaire ne pourra museler une révolution déjà légendaire », indique le communiqué signé par le P.S. Hakim Belahcel.
Jil Jadid: «Une dérive très dangereuse »
Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, a condamné hier les pratiques de la police contre les manifestants pacifiques, en considérant cette répression comme «provocation». «C’est une tentative pour affaiblir le mouvement» «une dérive très dangereuse», indique-t-il, en ajoutant «cette montée en cadence dans la répression reflète la volonté du pouvoir qui veut arrêter les manifestations», «le système revient aujourd’hui à ses anciennes habitudes et pratiques», estime le chef de Jil Jadid.
Athmane Mazouz (RCD) : «Une dérive autoritaire dangereuse»
Dans une publication sur son compte facebook, le député du RCD, Athmane Mazouz, dénonce les arrestations opérées parmi les manifestants et juge à travers ces actes les signes d’un État de siège. «De nombreuses interpellations sont opérées par les services de sécurité depuis ce matin dont font partie des élus et la députée Nora Ouali. Gaïd Salah exécute l’état de siège sur Alger annoncé à travers son discours par la nouvelle gestion des marches populaires», estime le parti dirigé par Mohcine Belabbas. Pour le député, «la dérive autoritaire en cours est une escalade dangereuse qui discrédite davantage l’Institution militaire à travers son intrusion assumée dans l’empêchement des marches et de l’expression pacifiques et populaires.»
Ramdane Taâzibt (PT) : «manifester n’est pas un délit»
Du côté du Parti des travailleurs de Louisa Hanoune, le député Ramdane Taâzibt réagit, dans une publication sur facebook, pour dénoncer les arrestations de marcheurs à Alger. «Faire de la politique n’est pas un crime, manifester n’est pas un délit», met en garde le cadre du PT qui qualifie de «scandaleuses» les arrestations de citoyens «accusés d’être de potentiels manifestants en ce 14eme vendredi à Alger». Pour Taâzibt encore, ce qui s’est passé, est «une confirmation que le pays est bien entré dans une nouvelle ère avec l’incarcération arbitraire de Louisa Hanoune.»
Samir Benlarbi (activiste): « Des pratiques pour accompagner le mouvement ?»
De son côté, l’activiste Samir Benlarbi a condamné la répression de la marche pacifique par les forces de l’ordre. «Je condamne ces pratiques qui se sont fortifiées aujourd’hui (ndlr : hier) contre les manifestants qui ont pour objectif d’affaiblir le mouvement pacifique», estime Benlarbi. Et à lui de s’interroger par la suite : «Est-ce qu’il s’agit de nouvelles instructions pour réprimer les manifestants ?» En d’autres termes, explique-t-il, «après que Gaïd Salah, chef d’état-major, a insisté dans son dernier discours sur l’accompagnement des marches populaires pacifiques, je me demande si ces pratiques entrent dans le cadre d’accompagner le mouvement et protéger les manifestants ?»
Zoubida Assoul (UCP): «Le pouvoir est responsable des conséquences de ces actes»
La magistrate et la présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP) Zoubida Assoul, a condamné fortement les pratiques des forces de l’ordre de ces derniers temps. «C’est devenu inacceptable : les arrestations des citoyens, militants, étudiants à chaque marche ou rassemblement, ainsi que les bouclages des routes» est un «durcissement de la répression», qualifie-t-elle ces pratiques. Assoul ajoute également que «le système revient à ses anciennes pratiques d’avant le 22 février», poursuivant que «le pouvoir est responsable des conséquences de ces actes» c’est une tentative, de sa part, pour créer et semer la peur dans le mouvant afin de l’affaiblir ».
Boualem Amoura (SATEF): «Il y aura plus de conviction chez le peuple»
De sa part, Boualem Amoura, SG du SATEF, a dénoncé la répression des marches et accuse sans détour le pouvoir. «C’est une ruse de la part du pouvoir. C’est le retour des mêmes pratiques d’avant », estime notre interlocuteur pour qui «le pouvoir invite le peuple à rentrer chez lui». Sinon, s’interroge Amoura, «comment peut-on expliquer ces attaques contre des gens pacifiques ? ». Amoura n’a pas caché ses craintes du futur qui attend le pays si ces pratiques continueraient à exister. «On peut s’attendre à tout, il y a un danger sur le mouvement, tant que le peuple refuse d’aller vers les élections du 4 juillet que veut nous imposer le pouvoir. Celui-ci va tout faire pour affaiblir le mouvement», prévient-t-il. Pour finir, notre interlocuteur nous a affirmé que la répression «rajoutera encore plus de conviction chez le peuple pour continuer le mouvement». Renvoyant à l’exemple des étudiants, il ajoute que «le mouvement ne s’arrêtera pas mais il y aura des provocations. Ils (pouvoir) veulent entrainer les gens dans la violence», met-il en garde.
Propos recueillis par Sarah Oubraham