Les Nations unies ont dévoilé les lauréats du prestigieux Prix Nelson Mandela 2025 : Brenda Reynolds, travailleuse sociale autochtone du Canada, et Kennedy Odede, entrepreneur social kényan.
Leur engagement profond pour la justice sociale, les droits humains et le développement communautaire a été salué par la communauté internationale. Mais cette annonce a également marqué un tournant : la marocaine Amina Bouayach, initialement pressentie pour cette distinction, a été exclue après une vague d’indignation mondiale. Brenda Reynolds, issue de la Première Nation des Saulteaux de Fishing Lake, au Saskatchewan, a consacré sa vie à la promotion des droits des peuples autochtones au Canada. Son action, centrée sur la santé mentale, les soins fondés sur les traumatismes et la défense de l’identité culturelle autochtone, en fait une figure majeure du combat pour la dignité humaine. Kennedy Odede, pour sa part, est reconnu pour son travail en faveur des communautés marginalisées au Kenya. À travers Shining Hope for Communities (SHOFCO), un mouvement qu’il a fondé et dirige, il apporte chaque année des services essentiels – santé, eau, éducation – à plus de 2,4 millions de personnes dans 68 zones du pays. Odede incarne une jeunesse africaine engagée, visionnaire et profondément enracinée dans les réalités sociales du continent.
Une candidature marocaine mal placée
Si l’annonce des lauréats a été saluée dans de nombreux cercles, elle a aussi mis fin à une controverse qui avait pris une ampleur inhabituelle. La candidature d’Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme au Maroc, avait provoqué une série de protestations virulentes de la part d’organisations sahraouies, de militants marocains et d’ONG internationales de défense des droits humains. Lettre ouverte, pétitions, déclarations officielles : les contestataires ont dénoncé ce qu’ils ont qualifié de « trahison » de l’héritage de Nelson Mandela. Pour eux, la candidature de Bouayach représentait une « insulte directe » aux luttes des peuples encore opprimés, en particulier les Sahraouis.
Plusieurs associations ont mis en lumière le rôle controversé de Bouayach dans la dissimulation ou la minimisation de violations des droits humains au Maroc, y compris au Sahara occidental et dans la région du Rif. Parmi les plus virulents, le Conseil national sahraoui et la Commission sahraouie des droits de l’Homme ont dénoncé une tentative de « légitimation de la répression » par les Nations unies, en soutenant une figure qu’ils jugent alignée sur le régime marocain. Des journalistes, d’anciens prisonniers politiques, ainsi que des militants marocains ont eux aussi élevé la voix pour s’opposer à cette candidature, l’accusant de compromettre la crédibilité du prix et des valeurs universelles qu’il incarne. En Espagne, l’Union progressiste des procureurs (UPF) a exprimé sa consternation face à ce qu’elle appelle une tentative du Maroc de « blanchir l’image de l’occupation » en se servant des institutions internationales. Le parti de gauche espagnol Sumar a dénoncé, quant à lui, un « infâme déshonneur » à l’héritage de Mandela.
Une victoire pour les principes du prix
Créé en 2014, le Prix Nelson Mandela est décerné tous les cinq ans à deux personnalités – un homme et une femme – qui se distinguent par leur engagement pour la paix, la justice sociale, l’unité transfrontalière et le service à l’humanité. Il vise à prolonger l’esprit de leadership humble et déterminé qui a caractérisé l’ancien président sud-africain. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, remettra officiellement le prix le 18 juillet prochain, à l’occasion de la Journée internationale Nelson Mandela.
Dans une déclaration, il a salué les lauréats 2025 : « Brenda Reynolds et Kennedy Odede incarnent l’esprit d’unité et de possibilité, nous rappelant que nous avons tous le pouvoir de bâtir des communautés plus fortes et un monde meilleur. » L’épisode Bouayach met en lumière les tensions croissantes autour de la crédibilité des mécanismes onusiens dans la sélection de figures honorifiques. Si cette exclusion a été saluée par les défenseurs des droits humains, elle soulève néanmoins une question de fond : comment garantir que les distinctions internationales ne soient pas instrumentalisées à des fins politiques ou diplomatiques ? Le cas de Bouayach révèle aussi la difficulté de concilier diplomatie institutionnelle et légitimité morale, notamment dans un contexte où les violations des droits humains sont de plus en plus dénoncées par des voix issues de la société civile mondiale. En 2025, à travers Brenda Reynolds et Kennedy Odede, c’est l’héritage vivant de Nelson Mandela qui triomphe.
Celui d’une lutte authentique, enracinée dans les peuples et portée par une vision de justice qui transcende les frontières et les postures politiques.
M. Seghilani