Par l’annonce en concert de la normalisation de leurs relations diplomatiques, les présidents cubain, Raoul Castro, et américain, Barack Obama, signent l’amorce historique de la nouvelle étape dans les relations entre La Havane et Washington, qui est de portée significative à plus d’un titre.
Interrompues dans une conjoncture historique particulière, en 1961, marquée notamment par la guerre froide et l’instauration par Washington, février 1962, de son blocus contre Cuba, voilà que 52 ans après, et tout aussi dans une conjoncture particulière qu’historique, que la reprise des relations entre La Havane et Washington est annoncée. Séparés seulement de 150 kilomètres du détroit de Floride, au lendemain de la 2e Guerre mondiale, et l’avènement sur la scène internationale de la guerre froide entre les États-Unis et l’ex-Union soviétique (la Russie de nos jours, ndlr), Washington a procédé à l’instauration du blocus sur Cuba. Laquelle décision américaine qui venait, pour rappel, outre en représailles de la nationalisation par La Havane des compagnies américaines, mais sur fond de la politique cubaine hostile à la stratégie américaine, promue en direction des pays de l’Amérique latine, et dans le reste du monde. C’est dans un contexte historique particulier au regard de nouvelles donnes survenues sur la scène internationale et également celle de l’Amérique latine que cette nouvelle page historique s’est imposée, notamment sur l’agenda du président américain. Des donnes relatives à la crise économico-financière toujours en cours touchant les pays occidentaux, dont les Etats-Unis, la montée de nouvelles puissances économiques, représentées par les pays du Brics, bousculant la place première qu’occupait jusque-là l’économie américaine, ainsi que les nouvelles donnes survenues dans nombre de pays de l’Amérique latine. Même si l’annonce de la reprise des relations diplomatiques entre Washington et La Havane est historique, la levée du blocus américain contre Cuba, en vigueur depuis 62, constituera la traduction de l’acte hautement politique de cette décision «historique» qualifiée par les deux pays, les acteurs internationaux et l’opinion mondiale. La levée du blocus en question devra faire l’objet d’un «examen» par les responsables des deux pays, mais à travers des approches différentes. Pour La Havane, sa levée est une question incontournable dans toute perspective de réchauffement effective dans les relations bilatérales entre les deux pays. Côté Washington, l’examen de sa lavée outre qu’il passera par un long processus d’ordre juridique, notamment pour son adoption par le Congrès américain, dont l’expression, par bon nombre de ces membres de leur opposition à l’annonce précitée d’Obama, renseigne, on ne peut mieux, sur la complexité pour la prise de décision politique de la levée de ce blocus, sur fond de l’échéance de la future présidentielle. Aussi, pour des sénateurs américains, il s’agit d’«ouvrir la porte avec Cuba pour le commerce, les voyages et l’échange d’idées», dira le numéro deux au Sénat, et proche du président américain, précisant que cela «va conduire à des changements positifs à Cuba, que notre politique d’exclusion n’a pas réussi à produire depuis plus de 50 ans», soutient Richard Durbin.
Le blocus américain et le Sommet de l’OEA
Le président américain qui arrive à la phase finale de son mandat à la présidence des Etats-Unis, semble vouloir être l’acteur historique qui met fin à l’absence de relations entre son pays et Cuba, instauré par son prédécesseur et démocrate à ce poste, le défunt président Kennedy, veut aussi voir le Sommet, d’avril prochain à Panama, de l’organisation des États américains (OEA), se tenir en présence de l’ensemble des pays. Exclu, à l’initiative de Washington, les précédents Sommets des pays de l’Amérique latine et de l’Amérique du Nord se sont tenus sans la présence de Cuba, mais les dernières positions des pays latino-américains, avertissant du boycott dudit Sommet, si Cuba demeurait exclu. Rappelons que Cuba avait été invité à revenir au sein de l’organisation en 2009, mais La Havane avait décliné l’invitation, sur fond de la bataille cubaine pour la levée du blocus américain et de ses conséquences sur Cuba et son peuple. Sur le blocus américain, le président cubain, Raoulo Castro, l’a abordé lors de son discours par lequel il a annoncé aux Cubains la reprise des relations de son pays avec Washington. «Nous avons convenu la reprise de relations diplomatiques», a-t-il déclaré, précisant que «ceci ne veut pas dire que l’essentiel ait été réglé, le blocus économique, commercial et financier provocant de gros dommages humains et économiques à notre pays, doit cesser», a-t-il lancé à l’adresse du peuple cubain, et notamment aux responsables américains. Ne manquant pas à ce propos d’avancer des propositions au gouvernement américain, l’invitant à «prendre de mesures réciproques en vue de l’amélioration du climat bilatéral, et de l’avancement vers la normalisation des liens entre nos deux pays», rappelant dans ce sens «conformément aux principes du Droit international et de la Charte des Nations unies». Le président Raoul conclut son discours en déclarant «nous devons apprendre l’art de coexister, d’une façon civilisée, avec nos différends».
De son côté, le président américain a affirmé que le Sommet des pays des deux Amériques, d’avril prochain, verra la présence de Cuba. Obama a affirmé en déclarant «au mois d’avril, Cuba nous rejoindra lors du Sommet des Amériques et Todos somos americanos (nous sommes tous Américains, ndlr)» faisant référence au continent américain, usant de la langue espagnole et d’un jeu de mots, non pas fortuitement. Annonçant, par la même occasion, l’attention de Washington d’aller sur la voie de retrait de Cuba de la liste des pays «soutenant le terrorisme». Notons que c’est par un processus de rencontres tenues au Canada, entre responsables cubains et étatsuniens, en présence du Pape François, que des avancées pour le dégel des relations entre La Havane et Washington ont été enregistrées, aboutissant à l’annonce, en concert de leurs président respectifs, de la normalisation des relations diplomatiques. Soucieux de la montée des puissances économiques des pays du Brics -Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud- et la perte de sa mainmise sur les décisions de pays de l’Amérique latine, notamment au regard des 33 pays latino-américains et des Caraïbe qui sont unanimes à exiger la levée du blocus américain sur Cuba. Par ailleurs, l’offensive menée contre la Russie a en effet convaincu les pays du Brics de passer à la vitesse supérieure, notamment à travers les rapprochements entre Moscou et Pékin et plus récemment New Delhi, après la visite de 24 heures, du président russe, Poutine, 11 décembre dernier, en Inde, et la signatures de 20 accords important mettant à mal l’appel par Washington de nouvelles sanctions contre Moscou. L’Oncle Sam vient de saisir, après 52 ans de l’usage de son arme économique, via le blocus contre Cuba, visant l’asphyxie et l’isolement de La Havane, qu’il s’agit de l’isolement américain sur un continent, qui est géographiquement pour les Etats-Unis, le plus proche.
Karima Bennour
Alger salue le rapprochement entre Cuba et les USA
L’Algérie se réjouit du rapprochement entre les États-Unis et Cuba, rendu possible grâce à la «vision éclairée» et à la «sagesse» et au «courage» des leaders des deux pays, a indiqué jeudi le ministère des Affaires étrangères. L’Algérie s’en réjouit pleinement et «salue» ce rapprochement rendu possible «grâce à la vision éclairée, à la sagesse, au réalisme et au courage des leaders des deux pays et des autres acteurs nationaux et internationaux» indique le communiqué du département ministériel de Ramtane Lamamara. L’Algérie «qui continue de croire aux vertus du dialogue et qui a toujours plaidé pour des relations sereines et apaisées entre les États, félicite les deux présidents, les deux gouvernements et les deux peuples et les exhorte à persévérer sur la voie de la consolidation de cet acquis et l’instauration de relations pérennes de coopération et de bon voisinage», selon le même communiqué
K. B.