Khartoum n’a cessé, depuis plusieurs mois, d’accuser les Emirats arabes unis d’ingérence dans ses affaires internes pour avoir « soutenu » les Forces de soutien rapide (FSR) dans le conflit opposant ces paramilitaires à l’armée soudanaise. De son côté, l’armée dément les accusations émiraties.
Le Soudan prend ses distances avec les Émirats arabes unis au niveau économique. Plusieurs sources officielles laissent entendre que le gouvernement est en passe de mettre fin à plusieurs protocoles d’accords d’investissements économiques signés entre Khartoum et Abou Dhabi et ceci en raison de l’ingérence prouvée, selon Khartoum, des Émirats arabes unis dans les affaires intérieures soudanaises. Selon les responsables soudanais qui évoquent la question, en public ou sous couvert d’anonymat, c’est le soutien émirien aux FSR (Forces de soutien rapide), accusées de commettre des crimes contre les civils soudanais, qui pousse le gouvernement à réduire ses échanges économiques et commerciaux avec Abou Dhabi. Pour ces responsables, il ne s’agit que de protocoles d’accords signés avant la guerre, qui ne sont contraignants pour aucune de deux parties et qui n’ont pas été appliqués. La plupart de ces investissements devraient avoir lieu dans l’État stratégique de la mer Rouge à l’Est du Soudan et qui avoisine les États fertiles d’al Jazira et de Sennar. Dimanche dernier, lors d’une conférence de presse à Port-Soudan, Jibril Ibrahim, le ministre des Finances et de la Planification, a notamment annoncé l’annulation du plus important de ces protocoles d’accords. « Nous n’allons pas permettre aux EAU d’investir un centimètre du territoire », a-t-il déclaré. Il s’agit de la construction du port d’Abou Amama sur la mer Rouge ainsi qu’une zone économique de libre-échange et une zone touristique autour de ce port situé à 230 km de Port-Soudan et qui devait être inauguré en janvier 2022. Un projet qui s’élevait à 6 milliards de dollars et qui serait confié à un consortium soudano-émirati regroupant la société des ports d’Abou Dhabi et Invictus Investment, une société dirigée par l’homme d’affaires soudanais Oussama Daoud. Parmi les autres accords annulés figurent aussi la construction d’une route permettant d’acheminer des produits agricoles vers le port d’Abou Amama.
La ville d’al-Hilaliya assiégée par les FSR
Par ailleurs, selon plusieurs médias de la région, les paramilitaires des FSR poursuivent leurs exactions à l’est de l’État d’al-Jazirah, où ils s’en prennent aux civils. Dans cet État, la pratique s’est répandue à très grande échelle. Par exemple, à al-Hilaliya, à 70 km de Wad Madani, les habitants sont assiégés.
Les assassinats, viols, humiliations collectives, déplacements forcée et destruction des villages sont devenus des pratiques récurrentes des FSR. Les paramilitaires ont rassemblé la population dans des mosquées et sur les places publiques en leur interdisant de bouger. Selon plusieurs témoins, les habitants d’al-Hilaliya ont été chassés de leurs maisons, mais sont interdits de quitter leur ville assiégée par les FSR. Ceux qui souhaitent quitter la zone doivent payer un tribut aux FSR. Selon le journaliste Kamal al-Charif, sa famille qui habitait al-Hilaliya a dû verser l’équivalent de 1 500 euros pour pouvoir partir à pied. Les paramilitaires ont en effet tout pillé, dont les voitures et autres biens. Environ 70 000 habitants sont toujours bloqués dans al-Hilaliya dans une situation humanitaire et sanitaire déplorable. La ville est assiégée depuis une semaine, ses habitants manquent de nourriture, de médicaments et sont actuellement frappés par le choléra. Selon des témoins locaux, les FSR ont brûlé les lieux publics et violé des jeunes femmes. Alors que les FSR s’en prennent aux civils dans tout le pays, beaucoup s’interrogent pourquoi l’armée soudanaise n’intervient-elle pas et pourquoi le monde demeure silencieux. Selon plusieurs sources, au moins quarante personnes ont été tuées ou sont mortes de maladie dans la ville assiégée.
R.I.
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