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PORTRAIT : Lounès Ghezali, le romancier du drame ou de la sérénité …

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La célèbre « librairie Cheikh » de la grande avenue de Tizi-ouzou, accueille des dizaines de lecteurs en ce 25 juin. Le romancier Lounès Ghezali est invité à animer une vente dédicace de son dernier roman « La dernière escale » édité chez la maison d’édition « Frantz-Fanon » au début de ce mois.

Il y avait en plus des lecteurs assidus, Youcef Merahi, écrivain et ancien président du Haut-commissariat à l’Amazighité, l’ancien maire et créateur du salon du livre de Boudjima, Smail Boukherroub, l’écrivain Mohand Aziz et d’autres… Une belle ambiance régnait dans ce cercle littéraire…Mais au fait qui est Lounès Ghezali, ce jeune auteur qui en l’espace de quelques années seulement, hante les journaux et les studios tels ceux de la Radio Tizi Ouzou. Il est simplement l’auteur du roman historique « Le rocher de l’hécatombe » paru en 2016, de « L’appel de la montagne » paru en 2018, et de « La dernière escale » paru en 2022.
Après la parution du « le rocher de l’hécatombe », le roman où il dénonçait le massacre des janissaires turcs qui ont fait un véritable massacre en octobre 1825 dans son village Ait Said à Mizrana en Kabylie maritime, l’auteur m’appela pour me dire qu’il venait d’arriver de Turquie, où il a passé une dizaine de jours à Istanbul. Je le rencontre en lui disant : « Ah bon ?! Nous sommes heureux que les janissaires en Turquie ne t’ont pas transformé en Chawarma vu que toi tu les as étripés tout le long de ton livre avec ta plume ! » Il partit d’un fou rire. C’est sa nature à lui. Ecrire un drame, l’accepter ou le faire accepter et rire ensuite …
Lounès Ghezali a été le premier écrivain de la Kabylie maritime à déterrer une histoire, un génocide perpétré en 1825 par la Régence d’Alger sur un modeste village Kabyle de Mizrana qui refusait de payer un impôt ou de se faire racketter. Bilan 300 villageois tués, par les janissaires Turcs commandés par le général Yahia Agha, et sous les ordres du Dey Hussein.
L’auteur démarra donc en déterreur d’une histoire sanglante mais assez lointaine dans le temps pour récidiver cette fois avec un autre roman « L’appel de la montagne » paru en 2018. Cette fois son nouveau livre est moins sanglant mais sa fin n’est que le début d’une guerre tout aussi sanglante qui fut le début de la Guerre de libération nationale contre la colonisation française, qui durera sept années. Le roman racontera l’histoire d’un jeune du village en but au mépris des siens, à la dictature coloniale à travers ses caïd et bachagas, et qui finira par rejoindre « la montagne » avec les premiers hommes qui clandestinement ont allumé la mèche du 1er novembre 1954.
Cette année donc, en juin 2022, son troisième roman « La dernière escale » est sorti. L’auteur plonge son lecteur dans un labyrinthe philosophique, psychologique, jouant avec son inconscient, sa peur, et ce dans un bras de fer avec la mort. Il se mettra à la place de sa maman victime d’un accident vasculaire cérébral –ce qui est vrai-, et transmettra avec sa plume ses délires de mourante, avec tout ses souvenirs d’enfance, ses rapports avec la vie et les siens…
Lounès Ghezali, et un auteur chez lequel on perçoit facilement son excellente maitrise de la langue de voltaire. Il a un style propre à lui. Il poétise avec la mort. Capable de vous raconter un drame qui vous donnera une nuit blanche, il prendra la liberté juste après votre torpeur et de vous changer de votre situation angoissante en vous faisant soupirer. Au fait, il n’a fait que conclue un drame par des mots conciliants tracés par sa plume ensorcelée pour vous rendre le drame supportable ou au pire acceptable. Il justifiera seulement cela par des contraintes de la vie, la conjoncture politique ou coloniale ou tout simplement de la destinée humaine, que l’on appelle la fatalité ou le mektoub.
L’auteur, use de tournures de phrases, de mots choisis pour décrire une situation humainement insupportable, mais la rendra avec d’autres mots, supportable. Il s’en sortira par une porte à deux volets. Il refermera le volet vous ayant fait pleuré, et ouvrira le second qui vous calmera, avant de le refermer ensuite et partir, vous laissant derrière, content que cela s’est terminé et qu’il faudrait accepter la fatalité pour continuer à vivre aussi.
Lecteur assidu dès son âge, féru de littérature russe, et dévoreur de la littérature latine, il mettra sa culture et son talent livresque au diapason du vécu de sa région, vécu d’hier et d’aujourd’hui.
Nous vous livrons juste une présentation de ses trois ouvrages parus, en attendant le prochain, qui ne manquera pas de vous plaire aussi.

« Le rocher de l’hécatombe », éditions la Pensée, 2016
Au printemps 1825, la Régence d’Alger avait résolu de punir la tribu des Ait Ouaguenoun (Kabylie maritime) pour ses multiples actes de désobéissances. En cette circonstance, une expédition punitive d’une grande ampleur, commandée alors par un certain Yahia-Agha (un proche du Dey Hussein), avait été menée contre le village Ait Saïd ; le village le plus au nord de cette tribu, c’est-à-dire le plus isolé, face à la mer. Ils tuèrent et massacrèrent un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants. Certains historiens évoquent le nombre de 300 tués environ…ainsi commence le roman, je dirais même récit de Lounès Ghezali, édité en 2016 par les éditions « la pensée », à Tizi Ouzou. Cet ouvrage, le premier du genre sur cette tragédie, à être écrit par un Algérien est inspiré de fait réel. L’auteur, enfant du village Ait Said a aussi dû s’inspirer sur un travail de recherche publié par un colonel Français de l’armée d’Afrique, Josef Nil Robin, et paru d’abord sur « la revue Africaine » en 1880. Le dit colonel a fait un travail de chercheur, puisque il a dut rencontrer en 1880 des survivants locaux du drame qui s’est déroulé 55 années avant. Lounès Ghezali, s’est aussi inspiré des contes oraux du village et de la poésie qui montrent à tel point le traumatisme de la défaite et du massacre des sanguinaires est encore présent. Il en ajoutera sa touche en mêlant une sorcière, un taleb solitaire, un chef de guerre et son fils aussi…

« L’appel de la montagne », éditions Richa Elsam, 2018
« L’appel de la montagne », est un roman qui raconte l’histoire d’un jeune homme né sous la colonisation dans un village de la Mizrana en Kabylie maritime. Il vivra ses années de jeunesse aux cotés des colons qui méprisaient les villageois, ses frères. Il vivra le mépris aussi des agents des colons, tels les caïds, bachagas, les séides comme on dit. Mal parti avec sa famille aussi, il trouvera refuge auprès des homes, qu’on appelait « Imenfan », les bandits d’honneurs vers l’année 1954, et contribuera au déclenchement du 1er novembre 1954…

« La dernière escale », éditions Frantz-Fanon, juin 2022
« La dernière escale », est un roman, beaucoup plus philosophique, qu’autre chose. Prenant prétexte de la maladie de sa mère, décédée ces dernières années, l’auteur se mettra à sa place pur raconter sa vie, ses projections, dans un délire continu. Les phrases sont frappantes, les mots, ciselés, il vous met face à une situation quasi-réelle, et qui vous poussera, si vous êtes trop sensible, à pleurer. – Un lecteur, cadre et père de famille de son état, m’a assuré avoir pleuré en lisant un chapitre de ce roman, en se rappelant sa maman, qui était dans le même cas ». L’on remarquera aussi au fil des chapitres que l’auteur lui même semble exciser sa propre peur, et que cela a tout d’une thérapie pour lui. Au fait, il mêlera savamment, souvenirs, projections, la douleur et le chagrin de perdre sa mère.
Par Ferhat Tizguine (journaliste)

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