Dans un monde déjà ébranlé par les tensions nucléaires entre l’Inde et le Pakistan, et la confrontation brutale entre l’Iran et Israël – rebaptisée par l’ancien président Donald Trump « Guerre des Douze Jours » en référence à la guerre de 1967 – Ghaza demeure un théâtre d’horreur sans fin. Tandis que les frappes israéliennes ont visé et détruit des sites nucléaires en Iran, détournant l’attention médiatique, l’offensive génocidaire sur la bande de Ghaza entre, elle, dans son 22èmeᵉ mois, sans le moindre répit.
Depuis le 7 octobre 2023, le bilan s’alourdit chaque jour : plus de 56 500 Palestiniens ont été tués, dont 6 175 morts et 21 378 blessés depuis la reprise de l’offensive après la rupture du cessez-le-feu en mars dernier. Rien que ces dernières 24 heures, 88 morts et 365 blessés supplémentaires ont été recensés, selon les sources médicales locales. Dans les hôpitaux de Ghaza, 18 morts et 41 blessés sont des civils tombés en tentant d’accéder aux centres de distribution d’aide alimentaire – un nouveau champ de mort sous blocus. Sur le terrain, le drame humanitaire atteint des niveaux inimaginables. Selon l’hôpital Al-Shifa, 66 enfants sont morts récemment du fait de la famine, et le risque de voir disparaître une génération entière augmente chaque semaine. Les Nations unies dénoncent un blocus qui transforme la nourriture en arme de terreur, obligeant des familles entières à parcourir des kilomètres sous les tirs pour un sac de riz. Pendant ce temps, Israël continue de réduire l’accès à l’aide, refusant d’autoriser l’ouverture de nouveaux centres. Alors que le monde se focalise sur l’Iran ou les tensions indo-pakistanaises, Ghaza agonise dans un silence assourdissant. Un silence qui n’est pourtant pas nouveau : l’histoire coloniale de l’entité sioniste est jalonnée d’attentats, d’assassinats ciblés et de massacres planifiés bien avant sa création officielle en 1948. Les groupes terroristes comme Lehi, l’Irgoun ou la Haganah ont bâti un État par la terreur, et perpétuent cette logique aujourd’hui, transformant une enclave surpeuplée en piège mortel. Malgré les menaces, malgré les sièges successifs, malgré la famine et les bombes, la résistance palestinienne demeure, infligeant des pertes à l’armée israélienne : sept soldats ont péri dans une attaque le 24 juin. Mais l’espoir d’un cessez-le-feu reste mince, tant que la destruction de Ghaza restera l’objectif avoué d’une partie de la classe dirigeante israélienne, tolérée par ses alliés occidentaux. À l’heure où l’on parle d’apocalypse nucléaire ailleurs, c’est un génocide à petit feu qui s’opère à Ghaza. Et nul ne pourra dire qu’il ne savait pas.
L’aide humanitaire, ce piège mortel
Après avoir imposé un blocus total au printemps dernier, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a conditionné l’accès à l’aide humanitaire via un réseau opaque, financé et organisé par des groupes évangéliques et des sociétés de mercenaires américaines, sous la surveillance directe de l’armée israélienne. Officiellement, quatre centres de distribution ont été implantés dans le sud de Ghaza. En réalité, ces lieux sont devenus des points de tension sanglants : plus de 410 Palestiniens ont été abattus en tentant de récupérer de la nourriture, estime l’ONU. Le seul 24 juin, au moins 40 personnes ont péri près de ces points de distribution. Un témoin, Ahmed Al-Masri, raconte : « Mon fils Abed a reçu une balle dans la jambe alors qu’il ramenait un sac de farine. Nous n’avons trouvé aucune clinique pour le soigner. Le choix ici, c’est mourir de faim ou mourir pour un morceau de pain. » Les hôpitaux refusent souvent les blessés faute de médicaments ou de matériel. Dans un Ghaza privé d’eau potable – Israël a bombardés stations de dessalement et les réseaux d’assainissement – la survie devient un exploit quotidien. Selon la presse sioniste, même au sein de l’armée, certains s’alarment de l’utilisation de la faim comme arme de guerre. Le brigadier général Yehuda Vach, commandant de la 252ᵉ division, est accusé par plusieurs rapports de crimes de guerre, dont le massacre de civils près des centres d’aide et l’utilisation de convois humanitaires à des fins militaires. Le 23 mars dernier, ses unités ont abattu 15 médecins palestiniens à Rafah, puis enterré corps et ambulances dans une fosse commune. La Fondation Hind Rajab a saisi la Cour pénale internationale, qui enquête sur ces exécutions ciblées. Interrogé par une équipe étrangère, Vach aurait justifié ces méthodes : « Être impitoyables avec les Ghazaouis, c’est aimer l’humanité. » Des mots glaçants, révélateurs d’une doctrine de destruction assumée.
L’opération « Poisson salé »
Une enquête du quotidien Haaretz a révélé que des soldats israéliens ont reçu l’ordre de tirer sur les foules affamées pour les écarter des positions militaires proches des centres de distribution. Un officier aurait surnommé ces fusillades « le poisson salé », un sinistre jeu macabre où la faim se transforme en piège mortel. Cette politique d’extermination s’inscrit dans un climat de haine assumée par une frange du leadership israélien. Depuis octobre 2023, de nombreux responsables politiques ont multiplié les appels explicites à la destruction pure et simple de Ghaza et de sa population. May Golan, ministre israélienne, déclarait le 7 octobre : « Il ne s’agit pas de Hamas mais de l’État de Ghaza : rasez tout, coupez tout. » Nissim Vaturi, vice-président de la Knesset, appelait à « ne laisser aucun enfant, aucun adulte vivant, et transformer la bande de Ghaza en cimetière à ciel ouvert ». Dans les médias israéliens, des producteurs de chaînes télévisées, comme Elad Brasi, ont même appelé publiquement à un « nouvel Holocauste », réclamant chambres à gaz et wagons de la mort pour les Palestiniens de Ghaza, décrits comme des « nazis » méritant l’extermination.
M. Seghilani