L’histoire se répète, digne d’un roman policier. Un tableau de Frans Hals, intitulé Deux jeunes garçons riant (1626), a été volé le 26 août à l’aube, pour la troisième fois, dans le même établissement, a annoncé jeudi la police.
Le tableau du grand maître de l’âge d’or de la peinture néerlandaise avait déjà été dérobé dans le musée Hofje van Mevrouw van Aerden de Leerdam, à 60 kilomètres au sud d’Amsterdam, en 1988 et 2011. Lors de ces deux premiers larcins, il a été retrouvé respectivement six mois et trois ans plus tard. Dans les deux cas, les auteurs ont été condamnés. En 2011, il s’agissait de quatre individus âgés de 48 à 62 ans, originaires de la région d’Amsterdam. Mercredi, l’alarme du musée s’est déclenchée vers 3 h 30 du matin et les policiers ont constaté sur place qu’une porte à l’arrière du bâtiment avait été forcée et le tableau disparu. La police a lancé une «vaste enquête» qui fait appel à des spécialistes en vols d’œuvres d’art et experts scientifiques. Les enquêteurs ont également visionné les images des caméras de surveillance et interrogé des riverains. Pour l’instant : aucune trace des jeunes garçons riant une bouteille de bière à la main. «La chasse est ouverte» pour retrouver cette «très importante et précieuse peinture de Frans Hals», a tweeté le détective néerlandais spécialisé dans les vols d’œuvres d’art Arthur Brand. Brand a relevé que le tableau Deux jeunes garçons riants avait été volé le jour anniversaire de la mort du peintre, le 26 août 1666. Aurait-on affaire à des voleurs instruits, du moins passionnés ? «Le vol de mercredi était similaire aux précédents et ne semblait pas être un braquage élaboré», a indiqué le détective privé au New York Times.
Aucune autre peinture de Frans Hals n’a été dérobée, on peut donc penser que c’est ce tableau-ci qui est spécifiquement visé. «Il vaut plusieurs millions, c’est un travail important», estime M. Brand. Frans Hals est un contemporain de Rembrandt et Vermeer, grands maîtres du siècle d’or néerlandais, période qui au XVIIe siècle, a été marquée par l’apogée du pays dans les domaines du commerce et de l’art. L’artiste est connu pour ses nombreux portraits, notamment Le Cavalier riant, qui se trouve à la Wallace Collection à Londres ou La Bohémienne, qui appartient au Louvre à Paris. Mais le détective spécialisé dans les crimes artistiques a émis l’hypothèse que la peinture a été choisie précisément parce qu’elle avait été dérobée auparavant. Les voleurs auraient alors ainsi supposé «qu’elle devait être importante».
L’an dernier, le détective privé Arthur Brand a retrouvé une bague en or ayant appartenu au dramaturge Oscar Wilde. Elle avait disparu vingt ans plus tôt. Après son deuxième vol en 2011, le musée a renforcé son système de sécurité et déplacé ses œuvres les plus précieuses dans une zone non ouverte au public, accessible uniquement avec un membre du personnel. Mais cela n’a pas suffi. «Il est très difficile de sécuriser des petits musées car cela coûte très cher, a déclaré Arthur Brand à la BBC. S’ils veulent vraiment avoir vos objets, ils entreront.»
Le 30 mars, en plein confinement, des voleurs ont également dérobé une œuvre de Vincent Van Gogh, Le Jardin du presbytère de Nuenen au printemps (1884), dans un autre vol a eu lieu le jour du 167e anniversaire de Van Gogh… Et là aussi, Arthur Brand est sur le coup du petit musée des Pays-Bas, qui était fermé en raison des mesures anti-coronavirus. En juin il a annoncé avoir récupéré des photos du tableau, toujours en cavale. Les pistes à creuser sont nombreuses. Il faudra peut-être attendre des années et parcourir des kilomètres avant que les Deux jeunes garçons riants ne réapparaisse. Mais l’Indiana Jones batave semble déterminé : «Les voleurs m’ont maintenant après eux. Je vais chercher jusqu’à ce que je le trouve.»
En 2016, deux tableaux de Van Gogh volés quatorze ans plus tôt à Amsterdam ont été retrouvés près de Naples chez un mafieux italien, spécialisé dans le trafic de drogue. Dans le New York Times, Arthur Brand confiait avoir observé depuis quelque temps une tendance dans les vols d’œuvres d’art aux Pays-Bas : «Il n’est pas rare que des voleurs vendent des chefs-d’œuvre volés à des criminels comme des barons de la drogue. Ils pourraient à leur tour les utiliser comme monnaie d’échange pour réduire leurs peines.» L’enquête ne fait que commencer.