L’écrivain français Gilles Perrault, auteur du retentissant livre critique sur Hassan II , » Notre ami le roi « , se dit encore » très ému » par le succès qu’a eu son ouvrage, trente ans après sa parution, tout en déplorant l' »absence de changement » politique au Maroc depuis sa parution . Dans un entretien accordé au journaliste marocain Omar Brousky, paru sur le site Orient XXI, l’écrivain français revient longuement sur ce « tsunami politico-diplomatique » qu’a provoqué son livre, paru en septembre 1990 aux éditions Gallimard. Malgré certaines réticences, Gilles Perrault a dit avoir décidé finalement d’écrire ce livre après avoir reçu des » informations qui n’étaient pas très rassurantes sur le Maroc » , citant entre autres, la condamnation à 10 ans de prison d’un jeune marocain à Kénitra « pour cause de distribution de tracts ». « Donc, là, ça m’a vraiment perturbé. Je me suis dit: il faut faire quelque chose », dira l’auteur qui affirme « connaître bien » le Maroc, l’ayant visité très jeune. Quant aux réactions qu’a suscitées la parution de « Notre ami le roi », un nom proposé par Edwy Plenel (journaliste politique français), Gilles Perrault s’est dit vraiment » surpris » comparant cet événement à » un tremblement de terre « . Et d’ajouter : le livre a même provoqué une crise diplomatique entre le Maroc et la France, marquée notamment par l’annulation de l’année du Maroc en France, des protestations de la part de Hassan II et des » soi-disant protestations » envoyées par des milliers de Marocains à l’Elysée.
Le livre a aussi provoqué l’ire des personnalités politiques françaises. « La réaction dont je me souviens le plus est celle d’Hubert Védrine, à l’époque porte-parole de la Présidence, un proche de François Mitterrand…Il s’en est pris violemment à moi » me traitant d' »irresponsable », révèle Gilles Perrault. Malgré l’effet dévastateur qu’a eu l’ouvrage de Gilles Perrault, « le livre a été bénéfique, surtout quand Hassan II a libéré les détenus de Tazmamart, de Kénitra et des autres lieux de détention ». Il a été aussi » bénéfique pour les victimes, leurs familles et leurs proches. Certains étaient emprisonnés depuis vingt ans », se réjouit l’écrivain français, considéré jusqu’ici « persona non grata » au Maroc. » Malgré tout, je garde un souvenir très ému parce que ce livre a contribué à ce que des prisons soient ouvertes au Maroc.
Car, ne l’oublions pas, les vrais combattants pour la liberté au Maroc ce sont ces dizaines de militants marocains qui se sont battus en héros pour que le régime d’Hassan II soit obligé de faire des concessions » . Pour autant, Gilles Perrault estime, avec regret, que » l’avenir du Maroc est sombre aussi longtemps que ce fossé entre riches et pauvres continuera de s’élargir. » Déjà, ça n’est plus un fossé, c’est un précipice », dira-t-il. » Tout a changé pour que rien ne change », a-t-il dit. L’actuel souverain marocain a, semble-t-il, retenu la leçons en dehors des livres sur commandes écrit par ses laudateurs grassement payés , son entourage veille au grain pour que rien de critique ne s’écrive notamment en France sur le « royaume enchante » et sur le « roi des pauvres » qui a triplé sa fortune depuis son accession au pouvoir, par la prédation . La journaliste françaises Catherine Graciait , auteur d’un livre retentissant le roi prédateur qui explique en détail comment M6 pille et accapare des richesses du royaume , a été empêchée, avec son co-auteur, de sortir un second livre sur le même thème . Depuis, et comme l’écrit le journaliste Omar Brodsky , dans son livre « La république de sa majesté », le Maroc à travers son puissant lobby en France présent dans quasiment tous les rouages de l’État français a verrouille tout ce qui peut s’écrire de critique sur le roi et son Maghzen. Qui plus est, le Maroc va jusqu’à mensualiser des journalistes français de renom pour défendre son image et surtout ses thèses coloniales au Sahara occidental.
Mokhtar Bendib