Depuis le début du mouvement populaire et pacifique, entamé un certain 22 février qui marquera l’histoire post-indépendante de l’Algérie, il y a à tirer un bilan positif d’une dynamique citoyenne qui a bouleversé la vie nationale.
Un élan qui plus est, a jeté et renforcé les bases de l’État républicain de la Nation algérienne. Aujourd’hui, le peuple s’est réapproprié l’espace public. Il exprime librement ses revendications sans qu’il ne soit empêché de le faire. De plus le peuple se retrouve en pleine symbiose avec son Armée qui répond à ses appels à l’application de la Constitution. Le peuple a eu le mérite de libérer la parole aux partis politiques, du pouvoir ou de l’opposition, aux associations de la société civile et à l’élite nationale. Tout le monde s’implique dans le changement et la construction d’une nouvelle République. Le débat politique est engagé et retrouve l’expression libre. Sur la place publique, les tribunes médiatiques et les télévisons publiques et privées, chacun a droit à la parole et chaque partie ou personnalité propose ses solutions à la crise politique. Le tout grâce à un peuple qui s’est révolté pour le changement. Et de quelle belle manière ! Des mots d’ordres exprimant un changement radical et empreints d’une action pacifique laissant pantois le monde entier. À cela s’ajoutent les appels de la rue à la non-ingérence étrangère dans les affaires internes de notre pays qui ont fait bien taire les appétits des capitales occidentales.
Aujourd’hui, il y a lieu de rappeler les acquis du mouvement populaire. Comme il le réclame, des têtes sont tombées, à commencer par le président Bouteflika qui, faut-il le rappeler, allait être investi pour un cinquième mandat malgré son incapacité physique. Depuis lors, les chutes du haut du sommet se succèdent au fur et à mesure que le ton monte dans le discours de la rue.
Imaginons un instant, n’était-ce l’intervention de l’Institution militaire dans la crise politique comment les choses auraient évolué dans le pays ? Imaginons encore une Algérie qui présente un terrain de lutte entre le peuple et le régime en place avec une Institution militaire qui tourne le dos à une situation qui pourrait être périlleuse !
En effet, l’ANP a eu aussi le mérite d’intercéder entre le peuple, remonté en entier contre le système, et le régime qui s’entêtait à rester en place. L’ANP n’a-t-elle pas en effet répondu à l’appel du peuple pour inviter à l’application de l’article 102 qui a donné lieu à la démission de Bouteflika ? L’ANP s’est même engagée à s’orienter, si nécessaire, vers d’autres dispositions de la Constitution pour accompagner le processus de transition.
En résultat de cette prise de position en faveur du peuple, et sans le moindre incident, Bouteflika a fini par quitter le pouvoir, en attendant la poursuite du processus. Il aura même exhaucé le vœu de sortir honorablement, comme en témoigne sa lettre-pardon adressée, pour la dernière fois, à la Nation. En d’autres termes, un tel scénario était difficilement envisageable en dehors du cours constitutionnel. Et laquelle voie empruntée par l’ANP, qui ne peut se permettre d’aller au-delà de sa mission constitutionnelle pour une Institution républicaine qu’elle est, a été salutaire et aura même évité le pire pour le pays.
Certes, aujourd’hui, on parle moins du rapport entre le peuple et son Armée. Et pourtant, dans l’imaginaire des Algériens, le recours de l’ANP après les avertissements de son état-major sur le viol de la volonté populaire, à l’application des dispositions de la Constitution, a payé et a débouché sur un processus de transition. Lorsque la rue scande le fameux slogan « Djeïch, Chaâb khaoua khaoua », ceci entend justement un renvoi d’ascenseur du peuple à son Armée, dont la relation de réciprocité a pris naissance dans la Révolution de Novembre, et est renouvelée à chaque période décisive qui engage l’avenir de l’Algérie.
Rappelons, à titre d’exemple la décennie noire, lorsque le peuple et son Armée faisaient face, comme un seul homme, à l’une des pages les plus sombres de l’histoire de notre pays. Une période qui allait jeter l’Algérie entre les mains d’un intégrisme islamiste radical qui ne reconnait ni la notion de l’État, ni encore moins les institutions qui le fondent. Le peuple a payé un lourd tribut, son armée aussi. Ce n’est donc pas un hasard de calendrier si ce rapport, au demeurant mystique, entretenu entre le peuple et l’Institution militaire, gagne à nouveau en confiance et est exprimé haut et fort dans la rue.
Un autre fait peut encore éclairer davantage sur la relation armée-peuple : Regardons un peu l’école des Cadets de la Nation. Bien de jeunes Algériens et Algériennes rêvent aujourd’hui d’intégrer une Institution de prestige.
Pour l’histoire politique maintenant, il est vrai que depuis l’ouverture démocratique des années 90, l’armée a été invitée à s’occuper plus de la mission sécuritaire que de s’immiscer dans la chose politique, dont le champ est investi, depuis lors, par la classe politique. Aujourd’hui encore, après le peuple, des partis politiques et des syndicats de la société civile s’en remettent à l’ANP à chaque fois que le besoin se fait sentir. Ça reste un appel du pied, mais c’est un appel tout de même, car, et au-delà de la mission sécuritaire, et comme elle en a fait preuve dans cette conjoncture politique, l’ANP demeure garante du respect de la Constitution. Récemment encore, l’ANP est intervenue pour inviter les magistrats à se saisir des grands dossiers de la corruption. L’état-major de l’ANP a appelé le corps judiciaire, en effet, à relancer les enquêtes sur les dossiers des affaires en suspens, comme Khalifa, la Cocaïne (Kamel El Boucher)…Sauf que, jusque-là, la justice n’a pas encore bougé le petit doigt. Or, dans les démocraties qui se respectent, le corps judiciaire doit pendre ses responsabilités sans qu’il ne soit instruit par une quelconque autorité ; d’autant plus qu’il se réclame d’une certaine indépendance.
Farouk Bellali