Les États-Unis ont de nouveau rejeté la demande de la France de conférer un mandat onusien à la force G5 Sahel, estimant que le chemin vers la pleine opérationnalisation de cette mission « sera encore long ».
« Il faut rappeler notre position de principe (concernant) une autorisation au titre du chapitre 7 (de la charte des Nations unies) relatif à un mandat du Conseil de sécurité ou un recours à des fonds mis en recouvrement, nous n’acceptons aucune proposition allant dans ce sens », a déclaré la représentante des États-Unis, Amy Noel Tacho, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur la paix en Afrique. L’administration américaine qui a opté pour un soutien bilatéral aux cinq pays membres du G5 Sahel considère toujours la proposition de la France d’octroyer un mandat onusien à la force comme étant trop vaste et manquant de précisions. Pour Washington il n’est pas question de lâcher du lest sur ce dossier malgré les derniers développements au Sahel. L’embuscade au Niger qui a coûté la vie à quatre soldats des forces spéciales américaines n’a pas réussi à faire bouger les lignes. Les États-Unis et plusieurs membres du Conseil de sécurité, dont le Royaume-Uni, restent sceptiques à l’idée de consolider l’aide aux pays sahéliens dans un cadre onusien. La coordinatrice politique de la mission américaine auprès de l’ONU a plaidé au cours de cette réunion pour « une combinaison de soutiens bilatéraux et multilatéraux » pour appuyer la Force conjointe, et a rappelé que les États-Unis ont fourni, depuis 2012, une importante aide de 822 millions de dollars aux cinq États membres du groupe, dont 60 millions de dollars annoncés en octobre dernier pour appuyer le déploiement fructueux de la force. La diplomate américaine a invité les autres pays à faire de même. Amy Noel Tacho a prévenu que « la route sera encore longue pour la pleine opérationnalisation de la Force », et que le respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire sera essentiel pour son succès. Les États-Unis, a-t-elle informé, attendent les résultats de l’enquête gouvernementale sur la mort d’une douzaine de civils maliens dans la localité de Boulikessy, à la frontière avec le Burkina Faso, le 19 mai dernier, lors d’une opération menée par la patrouille malienne du G5 Sahel. « Nous sommes préoccupés par ce qui s’est passé à Boulikessy le weekend dernier ce qui aurait été une attaque contre des soldats maliens a été suivie de la mort d’une douzaine de civils. Nous attendons avec intérêt les résultats de l’enquête menée par le gouvernement malien, la Minusma et le G5 Sahel sur ces meurtres et nous allons demander éventuellement d’autres enquêtes », a-t-elle indiqué. L’ONU a estimé, lors de cette réunion, qu’il faudrait apporter des réponses aux récents rapports sur des violations des droits de l’Homme à Boulikessy, car ces actes pourraient constituer un obstacle à l’aide de l’organisation onusienne à la Force. Évoquant l’accord technique conclu entre l’ONU, l’Union européenne et les États membres du G5 Sahel, prévoyant le soutien de la Minusma à la force antiterroriste, la diplomate américaine a estimé que cette coopération est susceptible d’épuiser les capacités de la mission onusienne. « La Minusma n’a pas les capacités d’assumer des responsabilités supplémentaires, alors qu’elle s’efforce de se protéger elle-même et d’exécuter son mandat », a-t-elle déclaré.
La déléguée américaine a soutenu que les solutions sécuritaires, y compris la Force conjointe du G5 Sahel, ne suffiront pas à régler les questions de gouvernance et les défis économiques dans la région. »Le Conseil de sécurité et la communauté internationale se sont beaucoup concentrés sur les modalités d’appui à la force conjointe mais il est important de rappeler que la solution sécuritaire à elle seule ne permettra pas de régler les problèmes économiques et politiques » de la région, a-t-elle dit, estimant que la stabilité dans le Sahel est aussi liée aux questions de développement et à la prise en charge des besoins humanitaires. Il est nécessaire, a-t-elle enchainé de ne » pas perdre de vue le processus de paix au Mali en s’attaquant aux causes profondes du conflit ». « L’accord d’Alger reste le meilleur instrument à notre disposition pour commencer à faire face à la situation au Nord du Mali », a-t-elle affirmé. Amy Noel Tacho a lancé un appel aux parties maliennes à mettre en œuvre les dispositions de l’accord, ajoutant que le Conseil de sécurité devrait envisager l’utilisation de tous les mécanismes à sa disposition, y compris le régime des sanctions, afin de parvenir à des résultats probants au Mali.
M. B.