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Malgré les bouées et les barbelés : Les migrants continuent d’arriver au Texas

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Leurs deux enfants sur les épaules, Wilfredo Riera et Nataly Barrionuevo sautent dans le Rio Grande depuis la rive mexicaine. De l’eau jusqu’à la taille, ils évitent les bouées placées par le Texas pour leur barrer le passage et se dirigent vers les États-Unis.

« Ils nous avaient parlé (des bouées), mais nous avaient dit qu’elles ne marquaient pas tout le territoire, qu’il y avait un moyen d’y arriver », raconte Wilfredo Riera, Vénézuélien de 26 ans, venu d’Équateur avec son épouse Nataly Barrionuevo, 39 ans, et leurs enfants, Yeiden, 2 ans, et Nicolas, 7 ans. En juillet, le gouverneur du Texas, le républicain Greg Abbott, a fait installer cette barrière flottante sur le fleuve, frontière naturelle entre États-Unis et le Mexique, pour refluer les migrants. Les bouées sont conçues pour tourner si on s’y agrippe et sont munies de disques métalliques dentelés. Début août, un corps sans vie y a été retrouvé. Wilfredo Riera, Nataly Barrionuevo, et leurs enfants ont quitté l’Équateur il y a un mois et demi, à la recherche d’un travail et d’une vie meilleure. Ils ont traversé la jungle du Darien, de la Colombie au Panama.
Avec une dizaine d’autres migrants, la famille a pu traverser le fleuve, loin des bouées. Il leur faut une dizaine de minutes pour passer d’une rive à l’autre, de Piedras Negras, au Mexique, à Eagle Pass, aux Etats-Unis. Ils se heurtent alors à une interminable barrière de barbelés avant de trouver finalement une brèche et de s’y engouffrer. Il est 14H00, la température ressentie dépasse les 40ºC. Un vent chaud souffle, et le seul bruit est celui des lézards qui se cachent dans la végétation.

« Assurer un avenir »
Devant eux, encore une clôture, haute d’environ trois mètres avec, encore, des fils barbelés. Ils les recouvrent de leurs vêtements pour passer de l’autre côté.
Nataly Barrionuevo l’escalade, et attend que son mari la rattrape avec leurs enfants. Certains s’en sortent avec un trou dans le pantalon, mais ils sont aux États-Unis. Un fourgon de la police aux frontières arrive, soulevant la poussière. En espagnol, un agent leur demande leurs papiers d’identité. Ils fouillent les hommes et placent tout le monde dans un véhicule, direction un centre de rétention. S’ils sont autorisés à déposer une demande d’asile, ils pourront séjourner temporairement aux États-Unis, jusqu’à ce qu’un juge statue. Dans le cas contraire, ils seront expulsés. « Nous voulons travailler, leur assurer un avenir », déclare Nataly Barrionuevo, en montrant ses enfants, avant que sa voix ne se brise.

« Zone de guerre »
En sautant la clôture, les migrants arrivent dans une propriété privée, les Heavenly Farms des Urbina, cultivateurs de noix de pécan.
Leurs terres ont un accès direct à la rivière, où flottent les bouées, et sont désormais entièrement clôturées et gardées par les militaires. Cela ne leur plaît pas, mais ils n’ont pas d’autre choix que d’accepter, déplore Magali Urbina, 52 ans. « Mon mari et moi ne croyons pas à l’ouverture des frontières. Mais nous ne croyons pas non plus qu’il faille traiter les gens de manière inhumaine », explique-t-elle. « Nous sommes avant tout des êtres humains », souligne-t-elle, « vous ne dites pas +attendez une minute, vous ne devriez pas être ici+, ce n’est pas notre premier instinct humain ». Les bouées sont l’objet d’un bras de fer entre le Texas et le gouvernement fédéral des Etats-Unis. Le ministère de la Justice les considère comme un problème humanitaire et diplomatique, car elles vont à l’encontre des traités frontaliers conclus avec le Mexique, et a intenté une action contre le Texas pour qu’il les retire. L’affaire est désormais examinée par un tribunal fédéral. Les autorités texanes ont déjà dû déplacer les bouées la semaine dernière car elles empiétaient côté mexicain. « Nous sommes tout à fait autorisés par la Constitution des États-Unis à faire exactement ce que nous faisons », à savoir « sécuriser la frontière », s’est défendu le gouverneur Greg Abbott. Le républicain accuse l’administration de Joe Biden d’être responsable d’une crise de l’immigration et les gouverneurs d’autres États conservateurs ont envoyé des troupes pour le soutenir. « Le gouverneur du Texas a installé une jolie petite scène pour faire croire à une zone de guerre », déplore Jessie Fuentes, 62 ans, propriétaire d’une entreprise d’excursion en kayak. Il a dû fermer boutique, « car personne ne veut aller sur le fleuve dans ces conditions ». Robie Flores, 36 ans, est née et a grandi à Eagle Pass. Elle se souvient de son enfance au bord du Rio Grande. Les gens pique-niquaient, pataugeaient dans l’eau, faisaient du bateau. Il était même courant de saluer les voisins de Piedras Negras. Mais, depuis, le Texas a érigé une barrière de conteneurs qui obscurcit la vue, explique cette vidéaste, co-fondatrice de la coalition frontalière d’Eagle Pass. Puis sont arrivés les barbelés et, enfin, les bouées. « C’est vraiment triste à voir. Des migrants rassemblés comme du bétail, traités comme des moins que rien », dénonce-t-elle. « Ce n’est pas ainsi que fonctionne notre communauté. Nous sommes une communauté frontalière ».

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