Le portrait sculpté du pharaon a été vendu pour près de cinq millions de livres. Le Caire considère l’œuvre comme volée et exige l’annulation de la vente.
Un portrait sculpté du pharaon Toutankhamon a été vendu près de cinq millions de livres jeudi 4 juillet aux enchères à Londres malgré la colère du Caire, qui considère l’œuvre comme volée et avait exigé l’annulation de la vente. Cette tête en quartzite brun de 28,5 cm de haut, vieille de plus de 3 000 ans, a été vendue plus de 4,7 millions de livres (5,3 millions d’euros) jeudi soir par Christie’s. Le nom de son acquéreur reste inconnu.
Cette œuvre datant de la période amarnienne représente le dieu Amon sous les traits de « l’enfant pharaon », qui a accédé au trône à neuf ans. On reconnaît sa bouche charnue, ses yeux en amande et ses pommettes hautes. L’annonce de sa vente avait déclenché la fureur de l’Égypte, qui a réclamé en vain à la maison d’enchères londonienne d’y renoncer. Jeudi soir, une dizaine de personnes, agitant des drapeaux égyptiens, ont manifesté à proximité de la salle des ventes, avec de petites pancartes proclamant « L’histoire égyptienne n’est pas à vendre » et « Arrêtez le trafic d’antiquités ». « Je suis très en colère, bouleversée », a déclaré à l’Agence France-Presse l’une des manifestantes, Magda Sakr, une Égyptienne de 50 ans installée au Royaume-Uni. « J’espérais que la vente soit annulée », a-t-elle confié, estimant que l’œuvre « devrait être dans un musée, pas au domicile de quelqu’un ». « Cela fait partie de notre histoire, c’est l’un de nos rois les plus connus », a-t-elle souligné.
Le ministère égyptien des Antiquités a annoncé qu’il allait tenir une réunion spéciale au début de la semaine prochaine. « Le gouvernement égyptien prendra toutes les mesures nécessaires pour récupérer les antiquités égyptiennes qui ont quitté l’Égypte illégalement », a-t-il déclaré dans un communiqué. Mercredi, le ministère avait regretté que Christie’s organise une vente « avec des artéfacts égyptiens, dont la tête de Toutankhamon, sans s’assurer de [l’obtention] des papiers » nécessaires à la vente. Christie’s a assuré avoir « effectué des contrôles approfondis afin de vérifier la provenance et le statut légal de l’objet » : celui-ci « n’est pas et n’a pas été l’objet d’une enquête et aucune préoccupation n’a jamais été soulevée à son sujet, bien que son existence soit largement connue et qu’il ait été exposé publiquement ».
L’ancien ministre égyptien des Antiquités, Zahi Hawass, a quant à lui dit à l’Agence France-Presse que la sculpture avait « quitté l’Égypte dans les années 1970 parce que, à cette époque, d’autres objets anciens de même nature ont été volés au temple de Karnak », à Louxor. « Les propriétaires ont fourni de fausses informations », a avancé ce célèbre archéologue égyptien. Le buste de Toutankhamon avait été acheté en 1985 à Heinz Herzer, un marchand d’art de Munich (Allemagne). Il était auparavant aux mains de Joseph Messina, un Autrichien qui l’avait acquis vers 1973-1974 auprès du prince Wilhelm von Thurn und Taxis, lequel l’aurait eu en sa possession depuis les années 1960, a assuré Christie’s.
Toutefois, le fils et la nièce de Wilhelm von Thurn und Taxis, Viktor et Daria, ont déclaré au site internet Live Science ne pas se rappeler de l’existence de cette pièce. Wilhelm von Thurn und Taxis n’« était pas une personne très intéressée par l’art », a ajouté sa nièce. Des déclarations qui ont ajouté de l’eau au moulin de l’Égypte, qui se bat depuis des années pour obtenir la restitution d’œuvres d’art. Riche en trésors archéologiques, ce pays récupère régulièrement de l’étranger des objets anciens volés. Parallèlement, Le Caire fait campagne pour le rapatriement d’objets actuellement exposés dans les musées européens, comme le célèbre buste de Néfertiti à Berlin et la pierre de Rosette exposée au British museum de Londres.