L’ouragan Matthew a perdu du souffle, rétrogradé en catégorie 1 aux états-Unis, où les autorités craignent désormais la montée des eaux, après un passage dévastateur en Haïti qui a fait au moins 400 morts.
« Un décès sur quatre lors des ouragans aux états-Unis est lié à la montée des cours d’eau dans les terres à cause des fortes pluies », a mis en garde Rick Knabb, directeur du Centre d’information sur les ouragans (NHC), sur Twitter.
Dans le même temps, le service météorologique national (NWS) prévenait que Matthew allait déverser de fortes pluies plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur des terres. Aux Etats-Unis, neuf personnes ont été tuées lors du passage de l’ouragan: quatre en Géorgie et cinq en Floride. Selon le bulletin du NHC à 00H00 GMT dimanche, l’ouragan soufflait à un maximum de 120 km/h, soit en catégorie 1 sur l’échelle Saffir-Simpson qui en compte 5. Il se trouvait à 65 km à l’est de Cape Fear, en Caroline du Nord, et se dirigeait vers le large.
La montée des eaux liées à l’ouragan –jusqu’à 3 mètres attendus par endroits– cumulée à la marée haute vont créer une association « dangereuse », a averti le NHC. Les autorités des états concernés ont ordonné l’évacuation d’environ trois millions de personnes. La ville côtière de St. Augustine au sud de Jacksonville, en Floride, a subi « beaucoup de dégâts », a indiqué à l’AFP le commandant Chuck Mulligan, du bureau du shérif du comté de St. Johns.
Un plan d’urgence fédéral avait été mis en œuvre au préalable dans quatre états (Floride, Géorgie, Caroline du Sud, Caroline du Nord) par le président Barack Obama, qui avait prévenu qu’il s’agissait « d’un ouragan vraiment dangereux ». Depuis qu’il est devenu ouragan le 29 septembre, Matthew a traversé les Caraïbes du Sud au Nord, affectant la Colombie, la Jamaïque, la République dominicaine (au moins quatre morts), ainsi que Cuba et les Bahamas.
Haïti dévasté au sud
Mais également Haïti, en particulier le sud du pays, faisant au moins 400 morts dans le seul département du Sud, a indiqué à l’AFP le sénateur Hervé Fourcand, au sujet de sa circonscription. La Protection civile faisait état de 336 morts dont 78 dans la circonscription du sénateur. « Nous ne pourrons pas parvenir à un bilan définitif avant mercredi », a indiqué à l’AFP Marie-Alta Jean-Baptiste, directrice de la Protection civile.
Face à l’ampleur des pertes humaines et des destructions, le président provisoire de la République, Jocelerme Privert, a décrété trois jours de deuil national à compter de dimanche. à Jérémie, une ville de 30 000 habitants inaccessible jusqu’à vendredi, la situation est désespérée. « C’est comme si quelqu’un avait une télécommande et continuait de faire augmenter le vent encore et encore », raconte à l’AFP Carmine Luc, une jeune femme de 22 ans. Habitant la baie des Abricots, à 17 km de Jérémie, David Millet, qui a travaillé pour l’ONG Agronomes et Vétérinaires sans Frontières, a prévenu que « le stock qu’on a aujourd’hui ne représente que 10 à 15 jours de nourriture ».
Le quartier de Croix-Marche à Terre, dans la troisième ville du pays, Les Cayes, n’était plus qu’un entrelacs d’arbres déchiquetés, de tôles, de détritus en tous genres d’où émergeaient des maisons éventrées. Jusqu’à 80% des récoltes ont été détruites dans certaines zones. « Nous organisons déjà des convois par voie terrestre, par mer et par air qui transportent de la nourriture, de l’eau et des médicaments pour les zones sinistrées », a indiqué à l’AFP le ministre de l’Intérieur, François Anick Joseph. Washington a envoyé un navire avec 300 Marines qui s’ajouteront aux 250 soldats et neuf hélicoptères déjà sur place. La France va envoyer 60 soldats et 32 tonnes (aide humanitaire, dispositifs de purification d’eau). « Beaucoup d’habitants ont tout perdu. Ils n’ont plus rien hormis les vêtements qu’ils portent », selon l’ONG Care-France.
500 000 enfants affectés
L’Unicef a estimé que 1,3 million d’Haïtiens –soit 10% de la population du pays– sont touchés, dont un demi-million d’enfants dans les régions les plus affectées. Selon l’organisation, près de 16 000 personnes se trouvaient toujours dans des refuges temporaires car jusqu’à 80% des logements ont été détruits par endroits.
Le bureau des Nations unies pour l’aide humanitaire (OCHA) a estimé que 750 000 personnes avaient besoin d’une assistance immédiate, précisant que le Programme alimentaire mondial disposait de 25 tonnes à Jérémie (de quoi subvenir à 9 000 personnes pendant une semaine). Le PAM a constitué des réserves pour nourrir 300 000 personnes pendant un mois.
Plusieurs ONG craignent en outre de « nouvelles flambées » de l’épidémie de choléra, introduite dans le pays après le séisme de 2010 par des Casques bleus de la Mission de l’ONU sur place (Minustah). Les craintes d’épidémies sont d’autant plus fortes que de nombreux centres de santé ont été endommagés.