Il y a quelques jours, la Société oranaise des eaux et de l’assainissement (Seor) annonçait un programme de rationnement d’eau. Elle imputait le recours à cette mesure à une situation indépendante de sa volonté. Le communiqué qu’elle avait rendu public indique que la station de dessalement de l’eau de mer, censée lui fournir quotidiennement 250 000 M3 d’eau potable, a réduit cette quantité de 80 000 M3. L’enquête que nous avons menée, nous a permis de découvrir un scandale financier qui a coûté au trésor public 500 millions de dollars.
La station, présentée fièrement par l’ancien Premier ministre, Sellal, comme un fleuron de l’industrie de dessalement d’eau de mer (système dit osmose inverse), lors de son inauguration en 2016, tombe en ruine. Elle pourrait même devenir un vestige du passé si les pouvoirs publics ne réagissent pas pour mettre le partenaire singapourien devant ses responsabilités. Et le comble est que la réception définitive de cette méga-station, entrée en service en 2016, n’a même pas été effectuée. Une visite de terrain à cette station située à l’entrée Est de la wilaya d’Oran, sur ses limites géographiques avec la wilaya de Mostaganem, a permis de faire un constat édifiant à plus d’un titre. Fuites d’eau colmatées par l’exploitant à l’aide de bouts de bois, de plastique et de caoutchouc en guise de moyens d’imperméabilisation. Du fil de fer qui remplace les colliers de serrage et les boulons… C’est le triste sort que subit un lourd investissement qui a coûté au pays un demi-milliard de dollars. Telle est l’état des lieux catastrophique hérité par la nouvelle équipe dirigeante de la société Tahlyat Myah Mactaâ (TMM), qui œuvre d’arrache-pied à remettre en état de marche cette station et pour sa sauvegarde. La perturbation dans la distribution de l’eau potable que connaissent plusieurs communes de la wilaya d’Oran, depuis quelques mois, résulte d’un déficit de 80 000 mètres cube par jour que la station de dessalement que la société TMM n’arrive pas à fournir à la wilaya, avons-nous appris auprès de ses responsables. Ainsi, son Directeur Général, M. Abdelkrim Benkhalfallah, nous a invité à visiter l’usine, où nous avions été désagréablement surpris par l’affligeant état des équipements et des lieux par manque d’entretien et de maintenance.
La corrosion ronge les installations
Au cours de cette visite, nous avons été témoins d’une importante fuite d’eau formant un geyser de près de quatre mètres de hauteur. Un responsable dira à ce propos : « Cette regrettable situation résulte de la défaillance de l’entretien et de la maintenance des équipements par l’exploitant. Lorsque l’usine tourne à plein régime, les fuites d’eau sont incalculables. Aujourd’hui, elles ne sont pas importantes, car les installations ne tournent qu’à 20 % de leur capacité». Du côté des équipements de traitement d’eau à la chaux, la situation est aussi catastrophique. Le matériel de traitement (pompes et tuyauteries) est recouvert de chaux. Les pièces détachées jonchent le sol recouvert, lui aussi, d’une épaisse couche de cette matière. Les caniveaux sont complètement obstrués par la boue. Face à cette alarmante situation, le nouveau D.G installé, depuis quatre mois, à la tête de la société TMM, déplore le faible rendement de l’usine. Il confirme et attribue la responsabilité de cette contreperformance à la « défaillance » totale de l’exploitant «HOMA Eurl » et à son partenaire étranger HYFLUX. « Ce dernier s’est porté garant des compétences et aptitudes de l’exploitant de l’usine à assurer le niveau de performance quantitatif et qualitatif requis. Un avis de mise en demeure de résiliation du contrat d’exploitation et de maintenance lui a été signifié, le 4 juin dernier. Le document lui accorde un délai de quarante jours pour remédier à cette situation », indique M. Benkhalfallah, précisant que cette situation démontre clairement et sans équivoque, l’échec flagrant de l’exploitant «HOMA Eurl» et du partenaire étranger HYFLUX dans la maîtrise et la conduite des opérations d’exploitation et de maintenance de l’usine.
TMM veut assurer la sauvegarde de la station
Il faut signaler les dysfonctionnements et les défaillances purement techniques répétitives, enregistrés et non réparés à ce jour. « Le faible rendement de l’usine est la preuve irréfutable de l’incapacité, et l’inaptitude du partenaire étranger à exploiter une usine de dessalement de cette envergure », dira notre interlocuteur. Il ajoutera dans ce cadre que : « tous les problèmes techniques et défaillances enregistrés affectant la pérennité de la société TMM et de l’usine, ont fait l’objet de mises en demeure notifiées à l’exploitant «HOMA Eurl», mais sans aucune réaction de l’exploitant, précipitant encore plus, le degré de dégradation des installations». Concernant les capacités de l’usine, le DG indique que depuis son entrée en exploitation en date du 10 juillet 2016, l’usine n’a jamais atteint les garanties de performance contractuelles de 500 000 mètres cubes/ jour. La capacité moyenne livrée de l’usine est à peine de 52%, ajoutant que la réception provisoire de l’usine a été effectuée en date du 30 juin 2016, avec réserves et qu’à ce jour la réception définitive n’a pas été prononcée. Face à cette déplorable situation, le premier responsable de TMM spa indique qu’il est devenu impératif de prendre les mesures nécessaires pour sauver l’usine.
« C’est pourquoi, nous avons pris une batterie de mesures dans l’objectif de mettre fin aux pratiques néfastes et négatives de l’exploitant et de certains de ses agents. Parmi ces décisions figure la reprise de la sécurité de l’usine, des équipements et des personnels par TMM spa. L’application stricte des clauses du contrat opération et maintenance (OM) et notamment celles relatives à la résiliation du contrat avec HOMA Eurl, l’élaboration d’un cahier des charges et le lancement d’un avis d’appel d’offre pour procéder au changement de l’exploitant », indique le DG de TMM. « Il s’agit d’un outil de production national stratégique assurant un service public qu’est l’approvisionnement de la population de la wilaya d’Oran et ses environs en eau potable. Il faut le sauver en mettant en œuvre toutes les dispositions nécessaires sans aménager aucun effort », tient-il à préciser. Des millions de dollars jetés par la fenêtre et un scandale qui s’ajoute aux nombreux méfaits de la « Issaba ». Finalement, les discours de ceux-ci nous promettaient de faire d’Oran une ville « exportatrice d’eau », se sont avérés des effets d’annonce, un leurre pour la capitale de l’Ouest et ses habitants qui se retrouve aujourd’hui dans une situation de sécheresse qui pourrait empirer dès cet été, voire pour plusieurs années encore. Les pouvoirs publics devraient réagir pour dénoncer le contrat qui lie notre pays au partenaire singapourien, qui s’est avéré finalement un illustre inconnu dans la gestion de la technique de dessalement d’eau de mer et qui n’a même pas respecté ses engagements contractuels.
S. Ben