L’Institut national d’études de stratégie globale a organisé, hier, en son siège à Alger, un colloque national consacré et placé sous le thème : « L’élimination des mines antipersonnel entre l’épopée et le crime (défi, engagement et triomphe) ».
L’objectif de ce colloque étant de mettre en lumière l’une des facettes, parmi tant d’autres, les plus atroces de la colonisation française en Algérie. À savoir, la mise en place des tristement célèbres lignes Morice et Challe sur le long desquelles 11 millions de mines antipersonnel ont été plantées et qui ont fait, depuis l’indépendance, 3836 martyrs et des centaines de personnes amputées. Intervenant à l’ouverture de ce colloque, le Directeur général de l’INESG, Abdelaziz Medjahed, a introduit la thématique traitée et a présenté les communicants et les communications qui étaient au menu. C’est ainsi que depuis 1962, l’Armée de libération nationale avec l’aide des amis russes, a entamé les opérations de déminage jusqu’à ce qu’elle en finisse, en 2017, à éliminer tous les engins explosifs hérités de la France coloniale. D’emblée, Mohamed Lahcen Zeghidi, coordinateur de la commission nationale « Histoire et Mémoire », a, après avoir fait remarquer que les discussions sur ce dossier sensible interviennent dans un contexte de tensions, a qualifié les mines antipersonnel, tout comme les essais nucléaires dans le sud algérien, de crime ignoble par lequel l’ancienne puissance coloniale a cherché délibérément à massacrer les populations, à détruire les biens et à effacer l’identité et le patrimoine immatériel. « La France était prête à renoncer à Paris, mais jamais à l’Algérie », a indiqué Zeghidi faisant observer que les millions de mines antipersonnel placées par la France sur le long des lignes Morice et Challe visaient alors à couper le peuple de l’Armée de libération nationale (ALN), ainsi qu’à empêcher l’arrivée des armes pour alimenter les maquis. L’intervenant a, par ailleurs, dénoncé le refus de la France de remettre les plans de Morice et Challe à à l’Algérie pour lui faciliter l’élimination des mines. Ce qui lui fait dire que la France avait « l’intention de tuer même après l’indépendance. » Mais, cela n’a pas empêché l’Algérie de lancer l’opération de déminage malgré les moyens limités dont elle disposait à l’époque. « Je salue le grand travail de l’ANP mené depuis 1962 », a affirmé Zeghidi, affirmant que les mines ont fait 3836 martyrs jusqu’à aujourd’hui, se référant aux chiffres du ministère des Moudjahidine et des Ayants droit. « Nous n’avons pas encore fini avec la colonisation, notre ennemi éternel reste la France », a-t-il martelé.
« 11 millions de mines pour 9 millions d’Algériens »
De son côté, Abdelaziz Boukenna, enseignant-chercheur de l’histoire à l’Université Alger 2 et représentant du ministère des Moudjahidine, a mis en avant « le plan infernal français » qui s’appuyait sur les tortures, les arrestations massives, les enfumades, les mines etc. dans le but d’éliminer un grand nombre de populations. Autrement dit, l’ancienne puissance coloniale a fait appel à tous les moyens quitte à commettre un génocide, pour gagner sa guerre contre le peuple algérien, mais « elle a fini par perdre la guerre en Algérie, comme lors de la Première et la Deuxième guerre mondiale », a-t-il rappelé. Boukenna a ensuite affirmé que devant l’échec cuisant qu’elle avait essuyé partout, « la France a intégré le club du nucléaire pour se sauver ». Pour sa part, le colonel Rachid Messaoudi, représentant du ministère de la Défense nationale, a affirmé, lors de son intervention, que les crimes coloniaux ne peuvent pas être comptés sur les doigts d’une main, expliquant qu’à travers les 11 millions de mines qu’elle a plantées, la France coloniale a cherché à couper le peuple de l’ALN, empêcher l’entrée des armes via nos frontières, ainsi que préserver des intérêts économiques français et la protection des colons. Messaoudi a ensuite indiqué que l’ANP a accompli la mission de déminage avec succès, avec notamment l’aide de la Russie (1963 – 1965) avant qu’elle ne poursuive le travail jusqu’à la fin de l’opération en 2017 avec l’élimination d’un total de près de près de 8 millions de mines antipersonnel. Au denier bilan de cette opération, arrêté au 31 décembre 2023, un total de 8.926.619 mines ont été éliminées pour 62.000 hectares assainis. Le cadre de l’ANP a qualifié cette opération de « success-story » qui a valu à l’Algérie toute la reconnaissance internationale dans le domaine de déminage.
« L’Algérie a honoré les engagements d’Ottawa »
Intervenant à cette occasion, le représentant du ministère des Affaires étrangères, Salim Berkat, est revenu sur la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel (Ottawa) pour réaffirmer que l’Algérie a honoré tous ses engagements en matière de réalisation des objectifs de déminage. À rappeler que notre pays a ratifié la convention d’Ottawa en 2001 et représente l’un des premiers pays à y adhérer. Berkat a précisé que l’Algérie a relevé tous les défis dans ce domaine. À savoir, la fin des souffrances des populations dues à ces mines sur le plan humanitaire, la mise à disposition de son expérience dans le domaine pour accompagner les efforts de pays, notamment en Afrique, pour le déminage, ainsi que la lutte pour l’interdiction des mines anti-personnel. Aujourd’hui, explique cet intervenant, l’Algérie œuvre pour « exporter » son expérience vers d’autres pays comme en Afrique où le cap est mis pour éliminer les mines antipersonnel.
Il convient de souligner que quatre autres communications ont été présentées à cette occasion. Il s’agit de Hosni kitouni, chercheur en histoire, de Nadia Othmania, cadre central et représentante du ministère de la Solidarité nationale (prise en charge des victimes des mines antipersonnel), Mohamed Djouadi, président de l’Association nationale des victimes des mines antipersonnel, Ghaithi El Nah El Bachir, diplomate sahraoui (expérience sahraouie dans la lutte contre les mines) ainsi que Ammar Mansouri, chercheur en Génie nucléaire.
Farid Guellil