Alors que l’Algérie n’entretient plus, depuis des mois, de relations diplomatiques avec le Maroc, des rumeurs distillées par-ci, par-là, à travers des médias, faisaient croire à une revente du gaz algérien par Madrid à Rabat. Il n’en est rien de tel, selon l’expert pétrolier Mourad Preure, cité par l’APS.
Et pour cause, le spécialiste explique les raisons qui font qu’il serait impossible pour les deux parties, l’Espagne et le Maroc, de réaliser ce projet. Pour preuve, des contraintes multiples sur les quelles bute l’accord sur l’utilisation des terminaux GNL espagnols par le Maroc pour l’acheminement du gaz via le gazoduc Maghreb-Europe, dont l’Algérie a mis un terme au contrat fin octobre 2021. Ainsi, interrogé par l’APS sur une éventuelle revente par Madrid du gaz algérien à Rabat, sur la base de l’accord révélé jeudi dernier par le ministre espagnol de la Transition écologique, et lequel accord permettant au Maroc d’acquérir du GNL sur les marchés internationaux, Mourad Preure exclut cette possibilité. Car, du point de vue juridique, la clause de destination incluse dans les contrats gaziers entre l’Algérie et l’Espagne n’autorise pas une quelconque revente, de la part du partenaire, du gaz algérien à des clients hors du territoire espagnol. « L’Espagne considère l’Algérie comme un partenaire stratégique, pas seulement sur le plan gazier, et ne peut se hasarder à enfreindre la lettre des contrats, et surtout l’éthique des affaires avec notre pays », a-t-il expliqué. En termes clairs, explique-t-il, « tous les volumes expédiés d’Algérie doivent être consommés en Espagne. Libre aux énergéticiens espagnols de spéculer, faire des opérations d’arbitrage ou de couverture contre le risque pris en achetant et revendant des volumes spot au plus offrant. Les volumes algériens ne peuvent être concernés par ces transactions ». Quant à la question d’approvisionnement du Maroc en gaz-peu importe le pays d’origine- par l’Espagne via le GME comme prévu dans l’accord entre les deux parties, « cette solution sera confrontée à de nombreux problèmes, à leur tête « la contrainte de temps », souligne Dr. Preure. « Inverser le flux gazier demande du temps et de l’investissement, chose dont ne semble pas disposer le Maroc pour satisfaire ses besoins immédiats en gaz naturel », après la décision algérienne en octobre dernier de ne plus exporter son gaz via le GME, en raison de la politique marocaine « irréaliste et inutilement hostile » vis-à-vis de l’Algérie. L’expert rappelle que la partie du gazoduc traversant le détroit de Gibraltar ainsi que les stations de compression appartiennent au groupe espagnol Naturgy, alors que le tronçon transitant par le Maroc, appartient à ce dernier et géré par Metragaz, une société mixte entre Natrugy et ses partenaires portugais et marocain. S’y ajoute, la demande gazière importante de l’Espagne qui « ne peut pas sacrifier ses clients industriels, électriciens et particuliers » pour répondre à la demande marocaine. L’autre contrainte est d’ordre financier, explique l’analyste pétrolier qui s’interroge sur le coût de cette énergie importée d’Espagne, eu égard aux prix élevés du gaz sur le marché spot et auquel il faut ajouter le coût de sa regazéification dans les usines espagnoles et de son acheminement via le GME. Si le Maroc peut assurer la satisfaction de ses besoins gaziers, ça sera au prix fort, alors qu’il bénéficiait auparavant de près d’un milliard de m3 de gaz algérien, dont une partie gratuite, au titre des droits de passage, et une autre au prix contractuel, préférentiel, précise Mourad Preure. « Le Maroc a-t-il les moyens, et à quel prix livrera-t-il ce gaz au client final », s’interroge-t-il, constatant que les cours du GNL sur les marchés spot restent soutenus, tirés par une demande asiatique à la hausse.
F. Guellil