Accueil Zoomactu Les scénarios d’une guerre en Libye sont trop graves pour se concrétiser

Les scénarios d’une guerre en Libye sont trop graves pour se concrétiser

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Par Ali El Hadj Tahar

Avec l’arrivée de troupes turques en Libye pour contenir l’avancée de Haftar, et la menace saoudienne d’y envoyer les siennes pour soutenir ce dernier, le conflit libyen risque de déborder sur tout le voisinage, à commencer par le Mali, le Niger, le Burkina Faso, où la situation sécuritaire est dégradée, et même au Nigéria et en Centrafrique, mais aussi en Égypte et en Tunisie. Ce dernier pays a d’ailleurs décidé de prolonger l’état d’urgence d’un mois supplémentaire sur l’ensemble du territoire à partir du 1er janvier.
Devenue un terrain de luttes entre factions armées depuis 2011, la Libye semble en train de se transformer en un grand champ de bataille entre puissances régionales. Le général Haftar dispose déjà d’une véritable armée, tout comme Faïez Serradj, le Premier ministre du Gouvernement d’union nationale. L’entrée des troupes turques a aggravé la situation, et si d’autres puissances s’y immiscent, elles aussi, elle deviendrait plus explosive, avec des risques de guerres déclarées entre des États. Les relations entre la Turquie et le Qatar, d’un côté, et l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats, de l’autre, se sont dangereusement détériorées et risquent de l’être davantage, faisant peser sur le monde musulman et arabe la plus grande crise qu’il ait jamais connue. Outre les conséquences sur le Maghreb et le Sahel, la transformation de la Libye en poudrière pourrait engendrer une déflagration dont nul ne peut mesurer les conséquences gravissimes sur le monde arabe.
Il est, en tout cas, certain que l’entrée de forces étrangères en Libye ne fera qu’exacerber les divisions entre les différentes factions libyennes, au cas où un chaos à l’échelle continentale ou arabe serait évité. Nul doute que notre pays en pâtira beaucoup. Le flux de migrants risque de devenir trop pénible, en plus de l’alourdissement de la tâche sécuritaire de l’ANP, ce qui aura un coût financier supplémentaire. Le choc sur la Tunisie sera plus terrible, car des millions de Libyens y trouveront refuge, comme ce fut le cas en 2011, d’autant que beaucoup de ceux-là ne sont pas encore rentrés chez eux.
L’intervention des troupes armées turques en Libye pour aider le président du Conseil présidentiel, Faïez Serradj, à faire face au maréchal Haftar a créé un précédent grave. Comment en est-on arrivé là ? En février 2019, ces deux principales parties, Serradj et Haftar, étaient sur le point de trouver des accords, mais ce dernier a lancé une offensive contre Tripoli, le 4 avril 2019. Sentant menacé l’État démocratique qu’il entendait créer, Serradj panique et signe avec Erdogan un accord militaire doublé d’un accord maritime. C’est cet accord que le président et le parlement turcs invoquent pour venir au secours d’un Serradj menacé par le sulfureux général soutenu par le Caire, Ryadh et les Émirats qui lui ont soufflé l’attaque au prétexte de combattre les groupes terroristes présents à Tripoli et dans les territoires lui échappant.
Ankara a donc trouvé là une faille inespérée pour s’incruster au Maghreb. Celle d’Alger doit être vite comblée. L’opération humanitaire algérienne en direction des Libyens est une bonne entrée en matière, d’autant que rendre confiance aux populations de la région permettrait de les éloigner des seigneurs de guerre potentiels. L’offensive pacifique d’Alger ne tardera certainement pas de s’accompagner de nouvelles mesures d’apaisements puisqu’Angela Merkel, qui rechignait à inviter Alger à la Conférence internationale sur la Libye prévue à Berlin, a adressé officiellement une invitation à notre pays en vue d’y assister, comme elle a également adressé une invitation au président de la République, M. Tebboune, pour effectuer une visite officielle en Allemagne, invitation qui a été acceptée.
Tous les pays savent que l’Algérie dispose d’atouts majeurs pour la résolution d’une crise libyenne dont l’Europe risque d’être un grand perdant. Beaucoup de protagonistes et de belligérants veulent avoir leur part de la Libye, mais il est faux de dire que la guerre est le vœu de tous. Beaucoup savent qu’ils risquent de perdre dans l’affaire plus que d’y gagner. La Méditerranée pourrait vite devenir une cour des Miracles, avec des milliers de migrants sur les plages italiennes, grecques… Même la Turquie n’y échappera pas alors qu’elle est fragilisée par la crise syrienne. Erdogan a agité une menace, tout en sachant que le boomerang pourrait se retourner contre lui. En tout cas, il tient là un atout supplémentaire pour faire chanter l’Europe, sur la question kurde ou de son entrée au sein de l’UE…
L’extrême gravité de la situation est déjà un signe majeur que la solution pacifique ne tardera pas à primer. Et si elle échoue, notre pays a déjà un président élu, en plus d’une ANP solide pour protéger nos frontières.
A. E. T.

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