Chaque jour que Dieu fait apporte son lot de révélations sur le jeu scabreux du Makhzen qui a réussi à soudoyer des eurodéputés qui ont porté un sérieux coup au crédit et à la crédibilité de cette institution européenne.
Dans sa dernière livraison, le quotidien néerlandais NRC Handelsblad a révélé qu’en 2018, le Maroc est intervenu, grâce à des députés européens à sa solde, à influer sur 147 amendements concernant l’accord de pêche conclu avec l’UE, de défense des droits de l’Homme, qu’il avait jugé contraire à ses intérêts. Il s’était offert, grâce à la servilité de ces élus européens, un accord de pêche qui englobait des territoires de la RASD, pourtant considéré par l’ONU comme un territoire non autonome, un accord de pêche dénoncé par la Cour européenne de justice. Le journal indique que l’ancien responsable de la représentation marocaine auprès de l’UE, Abderrahim Atmoun, aujourd’hui ambassadeur en Pologne, approchait les eurodéputés qui devaient présenter des amendements pour les soudoyer et les contraindre à moduler leur intervention au gré des intérêts de son pays. Des sommes d’argent, des cadeaux et des séjours de vacances étaient la contrepartie de cette soumission, a noté le journal en s’appuyant sur les aveux de certains mis en cause devant le juge d’instruction du parquet fédéral de Bruxelles. À ces révélation s‘ajoutent celles du quotidien français l’Humanité qui a publié une enquête sur le « Marocgate », dans laquelle il a mis à nu les pratiques malsaines du Makhzen et démontré le mode opératoire qui consistait à soudoyer des eurodéputés en contrepartie de leur « alignement » sur les intérêts du Maroc. L’enquête parue sous le titre: « De Bruxelles à Paris, les amis du roi du Maroc », dans l’édition du vendredi 6, samedi 7 et dimanche 8 janvier, revient sur l’envers du décor de ce qui est déjà considéré comme l’un des plus grands scandales de corruption ayant secoué les institutions européennes. Le journal, qui en est au deuxième volet de son enquête sur le « Marocgate », s’est penché sur le cas de personnalités françaises qualifiées comme étant « des cibles privilégiées du lobbying de l’État du Maroc ». C’est ainsi que l’auteur de l’article, Rosa Moussaoui, a indiqué que l’ex-eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri, aujourd’hui sous les verrous, aurait été « relié de longue date » aux services secrets marocains par l’entremise d’Abderrahim Atmoun, présenté dans les auditions des enquêteurs belges comme un « pourvoyeur de cadeaux aux allures de contreparties de l’alignement de certains élus sur les positions défendues par le Maroc, en particulier sur le dossier du Sahara occidental ». A cet égard, elle s’est interrogée sur l’implication probable d’élus français à Bruxelles qui se seraient, à leur tour, vus offrir des cadeaux. Le journal précise que pour l’avoir laissé entendre, l’ancien eurodéputé écologiste français, José Bové, est aujourd’hui visé par une plainte en diffamation déposée en France par l’ancien ministre marocain de l’Agriculture, devenu chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. L’ex-eurodéputé, connu pour son franc parler, contacté par le journal français, raconte avoir décliné en 2015 des « propositions » -marocaines- pour « arranger les choses » alors qu’il s’opposait, comme rapporteur de la Commission du commerce extérieur, à l’accord UE-Maroc sur les mesures de libéralisation réciproque en matière de produits agricoles et de produits de la pêche. Il faut rappeler, par ailleurs, qu’à ce jour, les conclusions de l’enquête sur le logiciel Espion Pegasus n’ont pas été rendues publiques; ce qui prouve que les lobbies au service du Maroc sont toujours actifs et que l’UE se doit de nettoyer ses rangs pour éviter qu’elle ne perde, une fois pour toutes, son crédit. Tous les indices dans cette affaire mènent vers le Makhzen et hormis les fuites médiatiques, on n’a noté aucune réaction des responsables des pays ciblés par l’opération d’espionnage. Les pratiques du Makhzen et son influence dans le fonctionnement de l’Union européenne sont connues depuis plusieurs années. La preuve, une note de la mission du Maroc auprès de l’Union européenne (UE) estampillée « confidentiel » et divulguée avec des milliers d’autres documents par un hacker anonyme se faisant appeler Chris Coleman – des câbles dont Rabat n’a jamais contesté l’authenticité -, alertait sur le dépôt possible « d’amendements malveillants » par des « adversaires » avant l’adoption, par le Parlement Européen, de rapports consacrés à l’éradication de la torture dans le monde et aux relations commerciales de l’UE avec les pays de la Méditerranée. Elle préconise ensuite « un suivi permanent des questions inhérentes à, notamment, l’accord agricole Maroc-UE ». Cette note interne devait guider l’action de Abderrahim Atmoun, qui s’est vu, il y’a environ une année remercié pour son activisme en se voyant désigné ambassadeur plénipotentiaire du Maroc auprès de la République de Pologne. Le journal révèle, par ailleurs, que le scandale devrait toucher d’autres députés siégeant ou ayant siégé au parlement européen à l’instar du socialiste français, Gilles Pargneaux, qui fut président du groupe d’amitié UE-Maroc, « visiteur assidu du royaume couvert de décorations par le Palais » et qui s’est reconverti dans le lobbying. L’Humanité note que l’ancienne eurodéputée socialiste portugaise Ana Gomes n’hésite pas à dépeindre Pargneaux, sur son compte Twitter, comme « le lobbyiste du Maroc le plus effronté » qu’elle ait rencontré au Parlement européen, relevant qu’il se présentait aussi comme « conseiller » du roi. Cette dernière l’a même qualifié d’Inflexible détracteur du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, pourtant inscrit dans le droit international, et l’un des plus ardents défenseurs de l’accord agricole et de l’accord de pêche annulés par la justice européenne ». Le journal français relate aussi l’expulsion en 2018, d’une espionne présumée marocaine de Belgique, une certaine Kaoutar Fal, qui avait des liens avec Gilles Pargneaux. Pour sa part, le journaliste d’investigation marocain, Aboubakr Jamaï, contraint à l’exil, estime que le scandale qui secoue aujourd’hui le Parlement européen est la conséquence d’une diplomatie menée par le contre-espionnage et la DGST (Direction générale de la surveillance du territoire) et qui s’appuie sur la corruption grâce à l’argent sale.
Slimane B.