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LES EXPERTS ALERTENT SUR LES ATTAQUES DÉLIBÉRÉES CONTRE LES HÔPITAUX ET LES MÉDECINS : Une « épuration sanitaire » à Ghaza

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Des voix académiques et médicales s’élèvent pour dénoncer un phénomène aussi terrifiant que délibéré : l’attaque systématique des médecins, hôpitaux et ambulances dans les zones de guerre, en particulier à Ghaza, constitue ce que certains qualifient désormais d’« épuration sanitaire ». Selon une enquête relayée par le journal britannique The Guardian, cette réalité glaçante s’impose comme une nouvelle forme de crime de guerre, ciblant délibérément les services de santé pour affaiblir, détruire et punir collectivement les populations civiles. Ce concept d’« épuration sanitaire », proposé par des chercheurs de l’Université américaine de Beyrouth dans la British Medical Journal, repose sur l’analyse de centaines d’exemples documentés où des personnels médicaux ont été attaqués, arrêtés, tués ou empêchés d’exercer dans les conflits contemporains. À la tête de cette dénonciation, la docteure Jouelle Abi Rached affirme que dans les territoires palestiniens occupés, au Liban, en Ukraine, au Soudan, en Syrie ou encore au Salvador, les violations du droit international sont devenues monnaie courante. Mais c’est à Ghaza que la brutalité atteint son paroxysme. Le droit international humanitaire garantit, en théorie, la protection du personnel de santé, des hôpitaux, des ambulances et des patients. Ce principe de neutralité médicale, fondamental dans tous les conflits, est aujourd’hui ouvertement bafoué. Depuis le début de la guerre menée par Israël contre Ghaza en octobre 2023, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon des données compilées par des ONG médicales, au moins 986 soignants palestiniens ont été tués dans l’enclave. D’autres ont été blessés, arrêtés sans motif, torturés ou détenus dans des conditions inhumaines. À l’heure actuelle, 28 médecins de Ghaza sont emprisonnés dans les geôles israéliennes sans aucune inculpation. Parmi eux figurent huit spécialistes hautement qualifiés en chirurgie, soins intensifs, pédiatrie, cardiologie ou orthopédie. Les témoignages recueillis par The Guardian dans le cadre du projet Doctors Under Detention, lancé début 2025, révèlent un usage systématique de la torture sur les médecins arrêtés. Privés de nourriture, d’eau, de soins, de sommeil et de vêtements, battus sans relâche, forcés à rester des heures dans des positions douloureuses, ces professionnels de la santé ont été soumis à des conditions d’humiliation totale. Certains rapportent la diffusion ininterrompue de musique assourdissante pour les empêcher de dormir, d’autres l’interdiction de toute hygiène ou le refus d’accès aux toilettes pendant des jours. Ces pratiques, qui s’apparentent clairement à des traitements cruels, inhumains et dégradants, sont contraires à toutes les conventions internationales. Mais les violences ne se limitent pas aux individus. C’est l’ensemble du système de santé de Ghaza qui est ciblé. Hôpitaux bombardés, maternités assiégées, ambulances visées par des frappes ou bloquées à des checkpoints, impossibilité pour les blessés d’accéder aux soins… L’objectif semble clair : démanteler toute capacité médicale, priver les civils d’assistance, éradiquer la résilience. À travers la destruction du soin, c’est un peuple que l’on étouffe, que l’on condamne à une lente agonie sans secours. Le rapport souligne que ces pratiques ne sont pas limitées à la bande de Ghaza. Au Liban, entre octobre 2023 et janvier 2025, les frappes israéliennes ont tué 217 professionnels de santé selon le ministère de la Santé publique libanais. Cent soixante-dix-sept ambulances ont été détruites ou endommagées, et au moins 68 attaques contre des hôpitaux ont été recensées. À cela s’ajoutent de nombreux cas de blocages, d’intimidations ou d’entraves empêchant les secours d’atteindre les blessés. À l’échelle mondiale, l’alerte est tout aussi inquiétante. Selon les chiffres du Coalition pour la protection de la santé en situation de conflit, l’année 2024 a vu un total de 3623 attaques ou entraves documentées contre les soins médicaux dans le monde. Il s’agit du plus haut chiffre jamais enregistré. Ces agressions visent aussi bien les soignants — médecins, infirmiers, ambulanciers — que les patients, souvent atteints alors qu’ils étaient dans leur lit, ou extraits de force des hôpitaux pour être détenus. Des cliniques ont été assiégées, des unités de soins intensifs réduites en poussière, des dispensaires vidés de leurs équipements. Face à ces constats, les auteurs de l’article dans The Guardian appellent à une reconnaissance formelle du concept d’« épuration sanitaire » comme crime de guerre distinct, pouvant même relever dans certains cas du crime contre l’humanité. Ils exhortent les institutions internationales, à commencer par les Nations unies et la Cour pénale internationale, à documenter, poursuivre et sanctionner les auteurs de ces crimes. Car l’absence de réponse judiciaire alimente un sentiment d’impunité, qui encourage la répétition de ces violations. Les experts insistent également sur la responsabilité morale des États tiers, notamment ceux qui soutiennent militairement Israël. Leur silence, leur inaction ou leur complicité passive constituent un feu vert à ces stratégies de destruction ciblée des services médicaux. En acceptant que les médecins deviennent des cibles de guerre, la communauté internationale trahit l’un des piliers du droit humanitaire : l’inviolabilité du soin. L’attaque du système de santé n’est pas un dommage collatéral. C’est une stratégie. À Ghaza, on ne tue pas seulement avec des bombes. On tue aussi en empêchant les secours d’agir, en affamant les malades, en terrorisant les médecins, en transformant les hôpitaux en ruines ou en prisons. Cette réalité insoutenable, documentée, dénoncée, analysée, ne peut plus être ignorée. Les signataires de l’appel concluent par une alerte solennelle : « L’avenir du soin dépend de notre capacité collective à défendre sans compromis la neutralité médicale. Si les hôpitaux deviennent des cibles légitimes, alors c’est toute l’idée de l’humanité en guerre qui s’effondre. » À Ghaza, aujourd’hui, cette idée est déjà en train de mourir.
M. S.

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