L’immunisation progressive de la population face au Covid-19 ne pourra être véritablement effective qu’avec un vaccin sûr et efficace. Le gouvernement veut lancer la campagne de vaccination contre le Covid-19 dès l’arrivée de la première commande de Russie. Cependant, la bonne organisation logistique de cette campagne sera un vrai défi, dans un pays où le système sanitaire fait face déjà à une multitude de problèmes structuraux, croit, Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la Santé publique (SNPSP), hier, sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio nationale. « L’organisation est la clé de réussite dans toute campagne de vaccination », dit-il. « Je pense que notre salut et le défit à relever est de réussir l’organisation afin que la campagne démarre dans de bonnes conditions ». Il a souligné, également, que « réussir la campagne de vaccination se fera aussi par la sensibilisation et la coordination de tous les autres acteurs impliqués dans cette opération ». Aux État-Unis et certains pays de l’Europe, les gymnases et les stades avec des équipes de milliers de soignants ont été mobilisé afin d’accélérer les campagnes de vaccination. Lyes Merabet appelle à suivre cet exemple : « de par l’envergure de l’opération et la population ciblée, je pense que nous pouvons aller dans ce sens. Dans pratiquement chaque ville du pays on trouve des salles de sport. On peut donc le faire », préconisant de renforcer les campagnes de sensibilisation pour « éviter des situations de rush » et aussi prévenir tout malentendu ou confusion. Pour Lyes Merabet, « c’est tout à fait normal que les vaccins soient administrés en priorité et de manière ciblée ». « En Allemagne, l’opération se déroule sur une année. Elle est organisée en six groupes ciblés, en commençant par les personnes âgées de plus de 75 ans, le personnel de la santé dans les régions les plus touchées et dans des secteurs spécialisés comme les services d’urgence des hôpitaux et les cops constitués. La campagne doit s’élargir ensuite vers les autres groupes en âge décroissant », cite-t-il comme exemple. Mais la plus grande question est combien de personnes vont se faire vacciner, car «nous dépendons de la disponibilité du vaccin». Mais il soutient quand-même que le vaccin doit être administré en urgence au personnel de la Santé, révélant que 12 000 cas de contamination ont été détectés dans les rangs des personnels de la santé depuis le début de la pandémie. De plus, on déplore 153 décès pour le corps médical (secteurs public et privé), et plus de 185 décès tous corps confondus. « C’est pour dire l’importance de protéger le personnel de santé », argu-t-il.
La Covid-19 comme maladie professionnelle
L’occasion pour Dr Merabet de rappeler d’autres revendications comme la reconnaissance du Covid-19 comme une maladie professionnelle, malgré que le SNPSP avait introduit un dossier dans ce sens auprès des autorités; il s’agit également de rappeler aux autorités ses engagements d’octroi des primes d’indemnités de la pandémie Covid-19, notant que « deux mois de primes restent encore non honorées », et aussi le statut personnel de la Santé qui tarde à voir le jour. Il reproche au gouvernement de perdre du temps dans le traitement de ces problèmes : « Je pense que nous avons perdu beaucoup de temps. Je pense qu’on aurait pu faire en parallèle avec la gestion de la crise en lançant une réflexion sur ces problématiques. Surtout que la présence des professionnels n’était pas nécessaire, les réunions peuvent se faire via visioconférence ». Il a estimé que « nous sommes obligés de réformer en profondeur notre système de santé », faisant remarquer que « la réforme du système de Santé n’a pas abouti dans les années précédents, parce que la volonté politique n’y était pas et que nous ne sommes pas allés au bout des réformes que nous avons entamées ».
Il appelle ainsi à revoir la loi sur la Santé de 2018, s’agaçant que 105 textes d’applications n’ont pas été concrétisés jusqu’à ce jour, accusant le pouvoir précédent de s’aligner en faveur de « ceux qui veulent gagner de l’argent » et des lobbies du médicament au détriment des patients et du personnel de santé. « C’est valable aussi pour l’assurance maladie. Les tarifications remontent à 1987, rien n’a changé depuis. Il y a beaucoup de questionnements dans la gestion des Caisses d’assurance maladie. Les Caisses des retraites aussi. On se manifeste parce qu’on est des assurés sociaux et aussi en étant un syndicat représentant les travailleurs. Il y a un manque de traçabilité et de transparence dans la gestion de ces caisses », s’emporte-il. « Le SNPSP a demandé depuis des années à ce que la Caisse d’assurance maladie soit rattachée au ministère de tutelle (la Santé), malheureusement a fait réagir beaucoup de monde et nous avons compris qu’il s’agit d’une chasse-gardée et que le ministère du Travail ne veut pas se désister d’une telle importante caisse », poursuivit-il.
Sur la cartographie sanitaire, Lyes Merabet a mis en cause « un système sanitaire boiteux » du fait que l’accès aux soins n’est toujours pas permis aux patients dans les institutions sanitaires privées, malgré qu’ils payent régulièrement des cotisations. Cela est dû, selon lui, aux tarifs de référence très bas appliqués par les caisses d’assurance maladie et qui ne correspondent pas à la réalité des soins de nos jours, et ce, relève comme contraste le même responsable, « les cotisations ont été actualisées selon l’évolution du SMIG et des salaires ». Lyes Merabet a réitéré aussi son appel à annuler le service civil qu’il considère comme « une demie-solution pour un demi-problème ». « Je pense que le service civil a prouvé son échec », juge-t-il. «La solution est de rapporter de l’intéressement chez les médecins qui veulent travailler dans le Sud. Il faut tripler les salaires et il faut aussi du développement dans ces régions, pas uniquement au niveau du logement », préconise-t-il.
Hamid Mecheri