Le Maroc qui a été élu à la présidence du Conseil de l’Onu des droits de l’Homme depuis janvier 2024, est pointé du doigts ces derniers jours par des ONG et des militants de défense des droits humains pour la répression qu’il mène depuis des années contre des voix dissidentes et des opposants et qui a pris ces derniers temps une proportion inquiétante comme l’ont souligné des médias occidentaux.
Dénoncer la malvie, la corruption ou encore la normalisation avec l’entité sioniste sont aujourd’hui des délits et des motifs d’interpellation et de poursuites judiciaires contre de nombreux militants marocains des droits de l’Homme. Lundi dernier, le journal français Le Monde a publié un article dans lequel il attire l’attention sur la vague de répression qui s’abat, ces derniers temps sur les militants des droits de l’Homme. « Au Maroc, les voix dissidentes victimes d’un « tour de vis de la répression. L’arrestation de quatre membres de la famille du youtubeur Hicham Jerando, début mars, a été suivie par les lourdes condamnations du militant des droits humains Fouad Abdelmoumni et d’un citoyen ayant critiqué la reconstruction après le séisme de 2023. Cette répression a franchi un palier supplémentaire au Maroc avec l’interpellation, début mars, de quatre membres de la famille du youtubeur Hicham Jerando. Installé au Canada, ce Marocain très actif sur les réseaux sociaux entend dénoncer dans ses publications la « corruption » dont se rendent coupables des personnalités publiques et des hauts responsables du royaume », indique Simon Roger l’auteur de l’article. Il faut préciser, dans ce contexte, que le pouvoir marocain a même tenté de faire taire Jerando en lui envoyant une équipe de barbouze pour attenter à ses jours. Le plan n’ayant pas pu être mené à terme, une action en justice a été actionné au Québec pour faire taire, vainement cet opposant. L’article rappelle que si les autorités marocaines sont coutumières des mesures d’intimidation exercées sur l’entourage des défenseurs de la liberté d’expression, elles n’avaient pas, jusqu’ici, procédé à l’arrestation simultanée de plusieurs membres de la famille d’un dissident. « C’est pourtant ce qui s’est produit avec l’intervention de la Brigade nationale de la police judiciaire de Casablanca, qui a interpellé et déféré le 1er mars devant le tribunal d’Aïn Sebaa la sœur de Hicham Jerando et son mari, le neveu et la nièce du youtubeur, Malak, âgée de 13 ans et atteinte d’une maladie rare. Un militant local de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) présent au moment du coup de filet de la police a été lui aussi interpellé. Ils sont poursuivis pour complicité d’outrage à une instance constitutionnelle, diffusion de faits mensongers pour atteinte à la vie privée d’autrui et participation au délit de menaces. La mineure, placée depuis dans un centre de protection de l’enfance, aurait acheté des puces électroniques afin d’aider sa famille à communiquer avec Hicham Jerando, désigné comme « suspect principal en fuite à l’étranger » dans le communiqué du procureur, que l’auteur de l’article a pu consulter. Le vice-président de l’Association de défense des droits de l’Homme au Maroc (Asdhom), Ayad Ahram, indique que les autorités marocaines montrent un durcissement dans la répression qu’elles font abattre sur les opposants et les militants des droits de l’Homme. « On assiste clairement à un tour de vis de la répression. La logique qui prédomine dans toutes ces affaires est la même : faire taire les voix critiques du régime », a-t-il souligné. Cette arrestation d’une famille, qui a fait le tour du monde, s’inscrit en effet dans un contexte marqué par de multiples violations des libertés individuelles. Lundi 3 mars, le militant des droits humains Fouad Abdelmoumni a ainsi été condamné à six mois de prison ferme pour « diffusion d’allégations mensongères». Placé en garde à vue en octobre 2024 et libéré quelques jours plus tard dans l’attente de son procès, cet économiste de 67 ans, secrétaire général de l’organisation Transparency Maroc, se voit reprocher d’avoir posté sur son compte Facebook, au moment de la visite d’Emmanuel Macron scellant le rapprochement entre Paris et Rabat en 2024, un message mentionnant des accusations d’espionnage marocain en France par le biais du logiciel Pegasus. Le lendemain de sa condamnation, la justice a envoyé un autre signal de sévérité par la décision de la cour d’appel de Marrakech d’alourdir la peine à l’encontre de Saïd Aït Mahdi de trois mois à un an de prison ferme. En détention provisoire depuis 2024, ce dernier président d’une Coordination des sinistrés du séisme d’El Haouz et ses trois coaccusés (condamnés à quatre mois de prison ferme) avaient critiqué la lenteur de la reconstruction après le tremblement de terre de 2023 et certaines irrégularités dans l’octroi des aides. Depuis 2021 la répression contre les opposants et les militants des droits de l’homme s’est exacerbé avec la victoire, aux législatives , de partis proches du palais et la disparation de «groupes d’opposants forts» dans le paysage politique. « On a aujourd’hui le Parlement le moins revendicatif depuis l’indépendance du Maroc », estime-t-il. Plusieurs militants des droits humains restent en prison, à l’instar de l’ancien ministre des droits de l’homme, Mohammed Ziane, alors qu’une vague de grâces, à l’occasion de la fête du trône le 29 juillet 2024, a permis la libération d’autres visages connus pour leurs critiques du régime, dont les journalistes Omar Radi, Soulaïmane Raissouni et Taouk Bouachrine. Maâti Monjib a bénéficié lui aussi de cette mesure de clémence, « mais elle n’a que peu d’impact sur la réalité. Je suis toujours exclu de mon travail et interdit de sortie du territoire, mes biens sont saisis et une dizaine de membres de ma famille font l’objet d’une enquête », rappelle Monjib.
Les services de sécurité marocains, sont aujourd’hui à l’affût de toute forme d’opposition. Dénoncer la pauvreté ou la malvie, la lenteur dans la reconstruction des zones touchées par le séisme de 2023, de chômage, d’indépendance du Sahara occidental, de soutien à la Palestine ou de rejet de la normalisation avec l’entité sioniste, sont autant de motifs pour serrer encore plus la vis de la répression et cela n’a pas empêché certains alliés occidentaux de peser de tout leur poids pour faire élire le Maroc à la présidence du Conseil onusien des droits de l’Homme.
Slimane B.