Dans la foulée des hommages rendus aux noms de la Révolution algérienne, l’Association «Machâal El-Chahid» en collaboration avec le quotidien «El-Moudjahid», la mémoire du moudjahid Mohamed Boudia, a été honorée, hier, à Alger. Un parcours de militant de la Révolution algérienne et de la cause palestinienne qui sort des tiroirs de l’histoire post-indépendance de l’Algérie. Figurez-vous, 45 ans après son assassinat par les services secrets israéliens, en juin 1973, à Paris.
Originaire de la région de Lâazib, wilaya de Boumerdès, Mohamed Boudia est né le 24 février 1932 à la Haute Casbah d’Alger. Un nom d’apparence méconnu auprès de la jeune génération surtout. Toutefois, les témoignages à la clé de ses anciens compagnons, présents à cette journée commémorative, mettent au grand jour un fervent et intrépide militant de deux causes : algérienne et palestinienne, pour lesquelles il s’est sacrifié, depuis qu’il a été contraint à l’exil, en 1965. Son parcours le menait de Paris jusqu’aux pays de l’Amérique Latine. Au jour d’aujourd’hui, peu de choses ont été écrites sur lui, hormis quelques bribes d’une oralité, spécificité de la société algérienne, qui se vaporisent au fil du temps. Le professeur Seddik Bakhouche, intervenu à l’occasion, en fait cas, si ce n’est l’exception Hocine Zehouane, officier de la Wilaya III historique qui a consacré le seul livre sur le parcours et la vie du défunt militant, qu’il avait connu à Paris. Intitulé «Œuvres de Mohamed Boudia», l’ouvrage venait de sortir en France, en attendant sa parution prochaine en Algérie, chez les éditions «Koukou». Féru des arts, nouvelliste et dramaturge, et homme de culture, le moudjahid Boudia a quitté le pays en 1965 après l’épisode d’accès au pouvoir du défunt président Houari Boumediene. Contrairement aux clichés qu’il présentait comme «tueur à gage» voire de «terroriste», Boudia était «un fervent militant, idéologiquement proche des couches populaires», le décrit Pr Bakhouche. Dans son exil, il avait connu le nationaliste palestinien Georges Habache, et avait côtoyé bien d’autres leaders de la cause palestinienne. D’ailleurs, l’une des missions qui lui a été confiée et menée des années durant était celle de propager, dans le monde, en Europe notamment, la cause du peuple palestinien, qu’il considère d’une suite indissociable de la Révolution algérienne. Invité à l’occasion, son excellence l’ambassadeur de la Palestine en Algérie, Louai Aïssa, a mis en exergue la relation entre les deux combats, algérien et palestinien. «Aujourd’hui, la situation est difficile. Mais, en tant que Palestiniens et Algériens, nous devons lever la tête haute pour tout ce que nous avons donné au monde. Pour tout ce que nous avons donné comme manifestations pour la paix. En dehors des luttes d’équilibres dans le monde, qui connait des repositionnements, des reculs, nous, nous avons le droit de continuer à mener notre lutte, maintenir nos positions, échanger nos idées…», a indiqué le représentant diplomatique de la Palestine qui a salué la mémoire du Défunt Boudia pour avoir consacré son militantisme en faveur de la cause palestinienne. C’est ce qui lui a valu d’être lâchement assassiné, le 28 juin 1973 à Paris, dans un attentant à la voiture piégée commis sur sa Renault-16. La raison ? L’affaire de prise d’otage des athlètes israéliens lors des Olympiades de Munich, en Allemagne. Selon les témoignages, c’était Boudia lui-même qui avait conduit, par son propre véhicule, les activistes palestiniens qui ont mené l’attentat contre la délégation sportive israélienne. Il s’agissait de les faire fuir via la frontière Franco-allemande. Suite à quoi, Boudia avait été repéré par les services français qui l’ont vendu au Mossad, qui a fini par liquider le militant à l’intérieur de sa voiture à Paris. «Boudia m’appelait mon grande frère. Le lendemain de l’attentat qui l’a ravi à la vie, j’étais choqué. Bachir Boumaza pleurait…», a témoigné Zehouane, qui a mis en avant l’engagement sans faille du militant. Aujourd’hui, l’ex-officier de l’ALN appelle à la réhabilitation de la mémoire du défunt. Dans son témoignage, Zehouane a témoigné d’un fait à mettre à l’actif du président Bouteflika. Selon le défenseur des droits de l’homme, l’actuel chef de l’État avait invité le défunt, à lui formuler par écrit, son désir de rentrer au pays. À ce moment là, «Boudia avait remercié le geste du Président mais il s’est excusé de ne pouvoir le faire pour d’autres raisons», a-t-il raconté. «Un homme atypique», le qualifie Zehouane. Lui emboitant le pas, Lakhdar Bouregaâ, ex-commandant de la wilaya IV historique, revient également pour témoigner du militantisme de l’homme dans la cause palestinienne. Pour sa part, Omar Kadri, Conseil de l’information et de la culture à l’ambassade de Palestine à Alger, a rendu hommage au défunt Boudia, qui a consacré sa vie à deux causes : algérienne et palestinienne.
Farid Guellil